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08/04/2020 | FRANCE | N°18NC01791

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 avril 2020, 18NC01791


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... I... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le maire de Besançon a refusé d'inscrire leur fils A... auprès du service public de restauration scolaire de la commune, ensemble la décision du 9 janvier 2018 portant rejet de leur recours gracieux formé par courriers des 7 et 22 décembre 2017.

Par un jugement n° 1800042 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions des 4 décem

bre 2017 et 9 janvier 2018 et a enjoint au maire de Besançon de réexaminer la deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... I... et M. F... G... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le maire de Besançon a refusé d'inscrire leur fils A... auprès du service public de restauration scolaire de la commune, ensemble la décision du 9 janvier 2018 portant rejet de leur recours gracieux formé par courriers des 7 et 22 décembre 2017.

Par un jugement n° 1800042 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions des 4 décembre 2017 et 9 janvier 2018 et a enjoint au maire de Besançon de réexaminer la demande d'inscription des requérants dans un délai de quinze jours suivant sa notification.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2020, la commune de Besançon, représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800042 du tribunal administratif de Besançon du 24 avril 2018 ;

2°) de rejeter, en toutes ses conclusions, la demande présentée par Mme I... et M. G... devant le tribunal administratif de Besançon ;

3°) de ne pas admettre l'intervention volontaire de la Fédération des conseils de parents d'élèves de l'école publique ;

4°) de mettre à la charge de Mme I... et de M. G... la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention de la Fédération des conseils de parents d'élèves de l'école publique n'est pas recevable, dès lors, d'une part, que l'association intervenante ne justifie pas d'un intérêt à agir et, d'autre part, que sa présidente n'a pas qualité pour la représenter en justice ;

- elle pouvait légalement opposer à Mme I... et à M. G... le manque de places disponibles pour refuser d'inscrire leurs enfants auprès du service public communal de restauration scolaire ;

- ni la lettre de l'article L. 131-13 du code de l'éducation, ni l'intention du législateur, telle qu'elle résulte des travaux parlementaires, n'imposent aux communes, qui ont choisi de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires, dont elles ont la charge, d'adapter et de proportionner le service afin de garantir à chaque élève le droit d'y être inscrit ;

- une telle obligation, s'agissant d'un service public facultatif, serait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales et lui imposerait, à court terme, des contraintes techniques et financières excessives ;

- les dispositions de l'article L. 131-13 du code de l'éducation résultent d'un amendement parlementaire, qui visait à retranscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil d'Etat, interdisant aux communes, sur le fondement du principe d'égal accès des usagers au service public, d'exclure dans le règlement des cantines scolaires les élèves dont les parents ne travaillent pas ;

- le tribunal a commis une double contradiction de motifs, d'une part, en annulant le refus d'inscription en litige après avoir constaté que la limite de capacité d'accueil du site concerné, induites par les règles de sécurité en matière d'établissements recevant du public, auxquelles renvoie l'article L. 123-1 du code de la construction et de l'habitation, était atteinte, d'autre part, en lui reprochant de ne pas avoir pris les mesures suffisantes pour surmonter cette incapacité, alors qu'il s'agit d'une incapacité objective indépendante du règlement des accueils périscolaires pour l'année 2017/2018 qu'elle a édicté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, Mme B... I... et M. F... G..., représentés par Me E..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Besançon d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par la commune de Besançon ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 13 septembre 2018, la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Besançon de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de de Besançon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- et les observations de Me D... pour la commune de Besançon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... I... et M. F... G... ont emménagé à Besançon le5 décembre 2017, à la suite d'une mutation professionnelle. Par courrier du 15 novembre 2017, ils ont sollicité l'inscription, à compter du 13 décembre 2017, de leur fils A..., alors âgé de six ans, en cours préparatoire de l'école élémentaire de " La Butte ". Ils ont également demandé, à compter de cette même date, l'inscription de leur enfant aux services publics communaux de restauration scolaire et de l'accueil périscolaire de l'après-midi. Confronté à un manque de places disponibles, le maire de Besançon, par une décision en date du 4 décembre 2017, a refusé de faire droit à leur demande d'inscription au service de restauration scolaire. Mme I... et M. G... ont formé contre cette décision, les 7 et 22 décembre 2017, un recours gracieux, qui a été rejeté le 9 janvier 2018. Ils ont saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des décisions du 4 décembre 2017 et du 9 janvier 2018 refusant d'inscrire leur fils au service public communal de restauration scolaire. La commune de Besançon relève appel du jugement n° 1800042 du 24 avril 2018, qui annule les décisions des 4 décembre 2017 et 9 janvier 2018 et enjoint au maire de réexaminer la demande d'inscription des intéressés dans un délai de quinze jours suivant sa notification.

Sur l'intervention de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques :

2. Il ressort des pièces du dossier que la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques, fondée en 1947, est un établissement reconnu d'utilité publique par décret du 7 août 1951. Il résulte de l'article 1er de ses statuts, adoptés en dernier lieu lors de son congrès national des 18, 19 et 20 mai 2013, que cette association se donne notamment pour objectifs d'" apporter aide et soutien aux parents d'élèves des établissements publics et aux élèves qui les fréquentent " (7°) et de " dénoncer et combattre l'exclusion sociale ou culturelle des personnes en état de grande pauvreté ou en raison de leur situation familiale (...) ayant un lien avec les activités scolaires et périscolaires mises en oeuvre par les ministères et/ou par les collectivités territoriales " (8°). Dans ces conditions et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son champ d'action territorial serait trop large au regard de l'enjeu du présent litige, la Fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques justifie d'un intérêt à intervenir au soutien des conclusions de Mme I... et de M. G....

3. Il résulte, toutefois, du troisième alinéa de l'article 10 des statuts que " toute intervention de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques dans une procédure judiciaire ne pourra résulter que d'une délibération du conseil d'administration national, qui mandatera le président (...) à cet effet ". En l'absence de production par la partie intervenante d'une telle délibération, la présidente en exercice de la Fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques ne justifie pas de sa qualité pour intervenir en appel au nom de la Fédération. Par suite, cette intervention n'est pas recevable et elle ne peut, en conséquence, être admise.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article D. 311-10 du code de l'éducation, relatif aux " cycles d'enseignement à l'école primaire et au collège " : " La scolarité de l'école maternelle à la fin du collège est organisée en quatre cycles pédagogiques successifs : 1° Le cycle 1, cycle des apprentissages premiers, correspond aux trois niveaux de l'école maternelle appelés respectivement : petite section, moyenne section et grande section ; 2° Le cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux, correspond aux trois premières années de l'école élémentaire appelées respectivement : cours préparatoire, cours élémentaire première année et cours élémentaire deuxième année ; 3° Le cycle 3, cycle de consolidation, correspond aux deux années de l'école élémentaire suivant le cycle des apprentissages fondamentaux et à la première année du collège appelées respectivement : cours moyen première année, cours moyen deuxième année et classe de sixième ; 4° Le cycle 4, cycle des approfondissements, correspond aux trois dernières années du collège appelées respectivement : classes de cinquième, de quatrième et de troisième. ". Il résulte de ces dispositions que l'école primaire regroupe l'école maternelle, de la petite à la grande section, et l'école élémentaire, du cours préparatoire au cours moyen deuxième année.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 131-13 du code de l'éducation, créé par l'article 186 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté : " L'inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ". Ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, instituent le droit pour tous les enfants scolarisés à l'école primaire d'être inscrits à la cantine dès lors que le service de restauration scolaire a été créé par la collectivité territoriale compétente. Il s'ensuit que lorsqu'elle a créé un tel service, la collectivité territoriale est tenue de garantir ce droit d'inscription à chaque enfant scolarisé dans une école primaire dès lors qu'il en fait la demande, sans que puisse être opposé le nombre de places disponibles.

6. Il n'est pas contesté que la décision refusant d'inscrire le fils de Mme I... et de M. G... à la cantine scolaire a notamment été prise sur le fondement des dispositions de l'article 10 du règlement des accueils périscolaires établi par la commune de Besançon pour l'année scolaire 2017-2018, aux termes desquelles : " Aucun enfant n'est admis à un service périscolaire sans que sa demande d'inscription n'ait été validée par une attestation d'inscription. / La demande d'inscription est acceptée lorsque : (...) / - le nombre de places disponibles est suffisant (...) ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment que de telles dispositions, qui subordonnent l'inscription d'un enfant scolarisé auprès du service de restauration à l'existence de places disponibles, méconnaissent l'obligation énoncée à l'article L. 131-13 du code de l'éducation. Pour se délier d'une telle obligation, la commune de Besançon ne saurait utilement se prévaloir des contraintes techniques et financières auxquelles se heurterait sa mise en oeuvre, non plus que de l'atteinte qui serait ainsi portée au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales, alors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier, même de façon indirecte, la constitutionnalité d'une loi.

7. La commune de Besançon fait encore valoir que la décision en litige était justifiée au regard des limites de capacité d'accueil, induites par les règles de sécurité en matière d'établissements recevant du public, auxquelles renvoie l'article L. 123-1 du code de la construction et de l'habitation, selon lequel " les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public doivent être conformes aux règles de sécurité fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Toutefois, les dispositions en cause ont seulement pour objet de réglementer les capacités d'accueil des bâtiments abritant le service public communal de restauration scolaire et non de limiter le nombre des élèves inscrits à ce service. La commune de Besançon, à qui il incombait de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit énoncé à l'article L. 131-13 du code de l'éducation, ne saurait dès lors utilement invoquer le procès-verbal de la commission de sécurité de la préfecture du Doubs du 18 mars 2014 fixant à cent dix la capacité d'accueil maximale du bâtiment abritant le service public de restauration scolaire de l'école élémentaire de " La Butte ", où est scolarisé le fils aîné de Mme I... et de M. G....

8. Il résulte de ce qui précède que, les dispositions de l'article 10 du règlement des accueils périscolaires étant illégales, la décision refusant d'inscrire le fils de Mme I... et de M. G... à la cantine scolaire est elle-même illégale. Par suite, la commune de Besançon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision, ainsi que celle rejetant le recours gracieux formé par les intéressés.

Sur les frais de justice :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme I... et de M. G..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la commune de Besançon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement aux défendeurs de la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques n'est pas admise.

Article 2 : La requête de la commune de Besançon est rejetée.

Article 3 : La commune de Besançon versera à Mme I... et à M. G... la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Besançon et à Me E... pour Mme B... I... et M. F... G... et la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

N° 18NC01791 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01791
Date de la décision : 08/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-01-03-01 Enseignement et recherche. Questions générales. Questions générales concernant les élèves. Cantines scolaires.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : SCP SARTORIO LONQUEUE SAGALOVITSCH ET ASSOCIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-04-08;18nc01791 ?
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