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09/04/2019 | FRANCE | N°18NC01222

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 09 avril 2019, 18NC01222


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la culture et de la communication a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'elle avait formé contre la décision du 27 mars 2014 par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes d'Alsace a prononcé sa radiation administrative du tableau ainsi que cette décision de radiation.

Par un jugement n° 1501915 du 14 février 2018, le tribunal administratif de

Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la culture et de la communication a rejeté le recours administratif préalable obligatoire qu'elle avait formé contre la décision du 27 mars 2014 par laquelle le conseil régional de l'ordre des architectes d'Alsace a prononcé sa radiation administrative du tableau ainsi que cette décision de radiation.

Par un jugement n° 1501915 du 14 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 16 avril 2018 et le 14 février 2019, Mme C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 février 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision de radiation prise le conseil régional de l'ordre des architectes d'Alsace le 27 mars 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du conseil national de l'ordre des architectes du 14 janvier 2010 qui aurait supprimé la rubrique " sans exercice de la profession engageant la responsabilité civile et professionnelle " n'a jamais été produite ni publiée et ne lui est donc pas opposable ;

- cette décision est dépourvue d'effets juridiques faute d'existence légale des différentes rubriques figurant sur le tableau régional de l'ordre des architectes ;

- la décision de radiation méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 aujourd'hui codifiée à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît également l'article 10 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture ainsi que l'article 50 du règlement intérieur de la profession d'architecte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2018, le ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le tribunal ne s'est pas fondé sur la délibération du conseil national de l'ordre des architectes du 14 janvier 2010 mais sur les dispositions des articles 9, 10 et 14 de la loi du 3 janvier 2017 ;

- la délibération était en tout état de cause légalement justifiée ;

- le tribunal a régulièrement motivé sa décision ;

- le moyen tiré du défaut de respect de la procédure contradictoire est inopérant ;

- la requérante a été mise en mesure de présenter ses observations ;

- le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 31 mars 2014 est inopérant dès lors que la décision statuant sur son recours préalable obligatoire s'est substituée à cette première décision ;

- la requérante n'a pas présenté de demande de communication des motifs ;

- la requérante ne remplit pas la condition posée par l'article 14 de la loi du 3 janvier 2017 ;

- la liste prévue par l'article 20 du règlement du conseil de l'ordre n'est pas limitative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 ;

- le décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me Dezempte, avocat de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., titulaire du diplôme d'architecte DPLG depuis le 26 septembre 1986, a été inscrite au tableau régional de l'ordre des architectes d'Alsace à compter du 11 décembre 1990 dans la catégorie " sans exercice de la profession pouvant engager la responsabilité professionnelle ". A la suite de la suppression de cette rubrique par une décision du conseil national de l'ordre des architectes du 14 janvier 2010 et faute d'avoir obtenu de la part de l'intéressée qu'elle désigne le mode d'exercice de sa profession au titre duquel elle souhaitait le maintien de son inscription, le conseil régional de l'ordre des architectes d'Alsace a, par une décision du 27 mars 2014, prononcé sa radiation administrative du tableau régional de l'ordre. Mme C... a alors formé, le 27 avril 2014, le recours préalable obligatoire prévu devant le ministre de la culture par les dispositions de l'article 21-2 du décret du 28 décembre 1977. Le silence gardé par le ministre a fait naître une décision implicite de rejet. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce qui est allégué, le tribunal administratif n'a pas fondé sa décision sur la délibération du conseil national de l'ordre des architectes du 14 janvier 2010 mais sur les dispositions des articles 9, 10 et 14 de la loi du 3 janvier 2017, applicables au litige. Dans cette mesure, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement se serait fondé sur une pièce non versée en première instance et qu'il serait, par suite, irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture : " Tout architecte, personne physique ou morale, dont la responsabilité peut être engagée en raison des actes qu'il accomplit à titre professionnel ou des actes de ses préposés, doit être couvert par une assurance. Chaque année, toute personne assujettie à cette obligation produit au conseil régional de l'ordre des architectes dont il relève une attestation d'assurance pour l'année en cours (...) ". Aux termes de l'article 23 de cette loi : " Le conseil régional assure la tenue du tableau régional des architectes. Il procède à l'inscription des architectes après avoir vérifié qu'ils remplissent les conditions requises par la présente loi et ses textes d'application. Il procède à leur radiation si ces conditions cessent d'être remplies. Les refus d'inscription ou les décisions de radiation peuvent être frappés de recours devant le ministre chargé de la culture qui statue après avis du conseil national (...) Le défaut de justification, par un architecte, qu'il satisfait à l'obligation d'assurance prévue au premier alinéa de l'article 16 entraîne la suspension de l'inscription au tableau régional après mise en demeure restée sans effet. Cette suspension, à laquelle il est mis fin à compter du jour où l'attestation d'assurance parvient au siège du conseil régional, prive l'intéressé de l'ensemble des droits attachés à l'inscription au tableau. En l'absence de régularisation dans le délai fixé par la décision de suspension et qui ne peut être inférieur à trois mois, le conseil régional procède à la radiation prévue au deuxième alinéa (...). Les dispositions des sixième et septième alinéas de l'article 28 sont applicables aux décisions de suspension et de radiation prononcées en application des dispositions du présent article. ".

4. Il résulte de ces dispositions que le recours formé devant le ministre de la culture et de la communication contre une mesure de suspension ou de radiation du tableau prononcée contre un architecte constitue un recours administratif obligatoire préalable à la saisine du juge administratif. Il s'ensuit que la décision implicite de rejet de la ministre de la culture et de la communication s'est substituée à celle qui a été prise le 27 mars 2014 par le conseil régional de l'ordre des architectes d'Alsace.

5. Dans ces conditions et d'une part, Mme C...qui ne conteste pas en appel l'irrecevabilité que les premiers juges ont opposée à ses conclusions dirigées contre la décision de radiation du 27 mars 2014, n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté ces conclusions. D'autre part, eu égard à la substitution de la décision du ministre à celle du conseil régional, elle ne peut davantage se prévaloir utilement des vices de forme dont cette dernière serait entachée, notamment de l'absence de procédure contradictoire, pour contester la légalité de la décision ministérielle.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21-2 du décret du 28 décembre 1977 : " Lorsque les conditions d'inscription au tableau ou à son annexe cessent d'être remplies, le conseil régional procède à la radiation de l'intéressé qui peut saisir le ministre chargé de la culture dans un délai de trente jours à compter du jour de la notification de la décision. Il informe le conseil régional de son recours dans les mêmes conditions. Le dossier complet, contenant toutes les pièces sur lesquelles la décision a été fondée, est immédiatement adressé par le conseil régional au conseil national. Le ministre se prononce par décision motivée. ". Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

7. Si les décisions implicites sont, par nature, non motivées, elles ne peuvent être regardées, de ce seul fait, comme méconnaissant l'obligation de motivation imposée par l'article 21 du décret du 28 décembre 1977, dès lors, qu'en application de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'administration est tenue, sous les conditions prévues par cet article, de communiquer les motifs de ces décisions lorsque les intéressés les lui demandent. L'appelante ne soutenant pas avoir vainement demandé au ministre les motifs de sa décision implicite, le moyen tiré de ce qu'elle serait illégale comme non motivée doit être rejeté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1977 : " Sont inscrites, sur leur demande, à un tableau régional d'architectes les personnes physiques de nationalité française ou ressortissantes d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui jouissent de leurs droits civils, présentent les garanties de moralité nécessaires et remplissent l'une des conditions suivantes : / 1° Etre soit titulaire du diplôme d'Etat d'architecte ou d'un autre diplôme français d'architecte reconnu par l'Etat, et titulaire de l'habilitation de l'architecte diplômé d'Etat à l'exercice de la maîtrise d'oeuvre en son nom propre délivrée par l'Etat, soit titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre étranger permettant l'exercice de la profession d'architecte et reconnu par l'Etat ; (.... )..". Aux termes de l'article 14 de la même loi : " L'architecte exerce selon l'un ou plusieurs des modes suivants : A titre individuel, sous forme libérale ; En qualité d'associé d'une société d'architecture ; En qualité de fonctionnaire ou d'agent public ; En qualité de salarié d'organismes d'études exerçant exclusivement leurs activités pour le compte de l'Etat ou des collectivités locales dans le domaine de l'aménagement et de l'urbanisme ; En qualité de salarié d'un architecte ou d'une société d'architecture ; En qualité de salarié ou d'associé d'une personne physique ou morale de droit privé édifiant des constructions pour son propre et exclusif usage et n'ayant pas pour activité l'étude de projets, le financement, la construction, la restauration, la vente ou la location d'immeubles, ou l'achat ou la vente de terrains ou de matériaux et éléments de construction ; En qualité de salarié d'une société d'intérêt collectif agricole d'habitat rural. / (...) / Il est fait mention au tableau régional du ou des modes d'exercice choisis par l'architecte. En cas de changement, le tableau régional est modifié en conséquence. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977 dans sa version alors applicable : " Dans chaque région, le tableau des architectes est dressé par le conseil régional. Il comprend les personnes physiques, architectes et agréés en architecture ainsi que les sociétés d'architecture, qui exercent leur activité, pour ce qui concerne le territoire national, principalement dans la région. ". En application de l'article 22 du même texte, le tableau et son annexe sont établis sur le même modèle pour toutes les régions et comportent pour chaque inscrit le ou les modes d'exercice.

9. Il résulte de ces dispositions que, pour être inscrit au tableau de l'ordre, un architecte doit notamment, d'une part, satisfaire aux conditions de diplôme ou de qualification posées à l'article 10 de la loi du 3 janvier 1977 et, d'autre part, choisir l'un des modes d'exercice de la profession énumérés à l'article 14 de la même loi. Par ailleurs, il résulte également des dispositions de l'article 23 de la loi du 3 janvier 1977 que le conseil régional de l'ordre, qui doit mettre à jour le tableau et ses annexes, procède à la radiation des architectes si les conditions requises par la loi et ses textes d'application cessent d'être remplies.

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été mise en demeure le 17 juillet 2010 et le 7 juin 2013 par le conseil régional de l'ordre des architectes d'Alsace de produire les justificatifs permettant d'être inscrite dans une rubrique du tableau. Si, en réponse à ces correspondances, l'intéressée a confirmé son souhait de continuer à être inscrite au tableau, elle n'a toutefois pas communiqué le ou les modes d'exercice choisis parmi ceux énumérés de manière limitative à l'article 14 de la loi du 3 janvier 1977.

11. A cet égard, Mme C...ne peut utilement se prévaloir d'aucun droit acquis au maintien de la disposition du règlement intérieur du conseil national de l'ordre des architectes qui avait créé une rubrique " sans exercice de la profession pouvant engager la responsabilité professionnelle ", rubrique au demeurant non prévue par l'article 14 de la loi du 3 janvier 1977, et elle ne peut davantage contester, par suite, la suppression de cette rubrique par une délibération du 14 janvier 2010, versée au dossier pour la première fois en appel.

12. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant de préciser selon quel mode d'exercice elle entendait désormais être inscrite au tableau régional, Mme C...pouvait être regardée par le conseil régional comme ayant alors cessé de remplir les conditions requises par les dispositions législatives et réglementaires applicables et que contrairement à ce qu'elle soutient, elle pouvait faire l'objet d'une mesure de radiation du tableau régional, dans le cadre tant des dispositions de l'article 23 de la loi du 3 janvier 1977 que de celles de l'article 50 du règlement intérieur du conseil national de l'ordre pris pour leur application.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., au ministre de la culture et au conseil régional de l'ordre des architectes du Grand Est.

2

N° 18NC01222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01222
Date de la décision : 09/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-01-02-03 Professions, charges et offices. Ordres professionnels - Organisation et attributions non disciplinaires. Questions propres à chaque ordre professionnel. Ordre des architectes.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CM.AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-04-09;18nc01222 ?
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