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03/03/2020 | FRANCE | N°18NC00679

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 03 mars 2020, 18NC00679


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 31 mars 2016 en tant qu'elle autorise la SARL " Dewitte Frères " à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1601107 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018, et

un mémoire complémentaire, enregistré le 4 avril 2018, M. B... A..., représenté par Me D......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 31 mars 2016 en tant qu'elle autorise la SARL " Dewitte Frères " à le licencier pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1601107 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mars 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 avril 2018, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 31 mars 2016 en tant qu'elle autorise la SARL " Dewitte Frères " à procéder à son licenciement.

Il soutient que :

- le caractère contradictoire de l'enquête réalisée par l'inspecteur du travail a été méconnu ;

- la décision se fonde sur des faits matériellement inexacts s'agissant des évènements du 14 avril 2015 ;

- les faits du 14 avril 2015 qui lui sont reprochés ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu notamment du contexte dans lesquels ils se sont déroulés ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec sa candidature aux élections des représentants du personnel et ses mandats.

Par un mémoire, enregistré le 31 mai 2018, la SARL " Dewitte Frères ", représentée par la SELARL Duterme Moittié Rolland Pichoir, conclut, à titre principal, à l'annulation de la décision du 31 mars 2016 en tant qu'elle retire la décision de l'inspecteur du travail, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et, enfin, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision de l'inspecteur du travail était définitive et ne pouvait ainsi pas être retirée par le ministre ;

- aucun des moyens du requérant n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'elle s'en rapporte aux écritures qu'elle a produites en première instance.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe invoqué par M. A... en ce qu'il relève d'une cause juridique distincte de celle des moyens invoqués en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 juin 2015, la SARL " Dewitte Frères " a sollicité l'autorisation de licencier, pour motif disciplinaire, M. A..., qui exerce les fonctions d'ambulancier au sein de la société et qui a été élu délégué du personnel le 28 mai 2015 puis désigné délégué syndical. Par une décision du 30 juillet 2015, l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'unité territoriale de la Marne a autorisé ce licenciement. Le recours hiérarchique formé par le syndicat Force Ouvrière des ambulanciers de la Marne, mandaté par M. A..., a été implicitement rejeté par le ministre chargé du travail. Par une décision du 31 mars 2016, ce ministre a, toutefois, retiré sa décision implicite de rejet, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 30 juillet 2015 et, enfin, autorisé le licenciement de M. A.... Ce dernier a contesté la décision du 31 mars 2016 en tant qu'elle autorisait son licenciement devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Dans le cadre de ce recours, la société a contesté cette décision en tant qu'elle portait retrait de la décision de l'inspecteur du travail du 30 juillet 2015. Par un jugement du 11 janvier 2018, le tribunal administratif a rejeté la demande de A... ainsi que les conclusions de la société " Dewitte Frères ". M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande. La société " Dewitte Frères " demande, quant à elle, à la cour l'annulation de la décision du 31 mars 2016 en tant qu'elle retire la décision de l'inspecteur du travail.

Sur les conclusions à fin d'annulation présentées par la société " Dewitte Frères " :

2. Par le jugement attaqué du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté comme irrecevables les conclusions de la société " Dewitte Frères " tendant à l'annulation de la décision du ministre chargé du travail en tant qu'elle porte retrait de la décision de l'inspecteur du travail du 30 juillet 2015, au motif que la société ne justifiait pas d'intérêt lui donnant qualité à agir. Devant la cour, la société se borne à contester la légalité de cette décision sans critiquer le motif d'irrecevabilité ainsi retenu par les premiers juges. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation présentées en appel ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur la recevabilité de la demande présentée en première instance par M. A... :

3. Si la demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 6 juin 2016 et les mémoires complémentaires ont été présentés par le syndicat FO des Ambulanciers de la Marne, ces écritures ont été présentées pour le compte de M. A... qui avait expressément donné mandat à son syndicat pour le représenter devant le tribunal administratif et qui a apposé sa signature sur une copie, enregistrée au greffe du tribunal le 12 octobre 2017, de la demande. Dès lors, cette demande devait être regardée comme présentée pour M. A... et non pour le syndicat FO des Ambulanciers de la Marne. En tout état de cause, un syndicat de salariés est recevable à demander l'annulation de la décision par laquelle un inspecteur du travail, ou le cas échéant le ministre, autorise le licenciement d'un délégué du personnel. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en première instance par le ministre chargé du travail et tirée du défaut d'intérêt pour agir du syndicat FO des Ambulanciers de la Marne ne peut qu'être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... :

4. En application des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

5. En l'espèce, il est reproché à M. A... d'avoir publié sur son compte Facebook une photographie d'un lieu d'aisance sur laquelle apparaissent les noms de deux salariés de l'entreprise ainsi que celui de la société " Dewitte Frères " et qui était accompagnée d'un commentaire injurieux. Il lui est également reproché de s'être rendu, le 14 avril 2015, au centre hospitalier d'Epernay alors qu'il faisait l'objet d'une mise à pied disciplinaire, de s'être prévalu d'une qualité de " représentant syndical " et d'avoir adopté un comportement irrespectueux et agressif, notamment envers la directrice de cet établissement.

6. Toutefois, s'agissant de la publication sur le compte Facebook du salarié, ni l'employeur, ni l'administration n'apportent d'éléments de nature à établir que cette publication n'aurait pas été accessible seulement à un nombre restreint de personnes. Le caractère public des propos tenus sur ce réseau social, contesté par le salarié, n'est ainsi pas établi. Ces faits ne pouvaient, par suite, pas servir de fondement à des poursuites disciplinaires.

7. En outre, si l'employeur reproche également au salarié de s'être rendu au centre hospitalier d'Epernay le 14 avril 2015, de s'être prévalu d'une qualité de " représentant syndical " qu'il n'avait pas encore et d'avoir eu un comportement agressif envers la directrice de l'établissement et s'il se prévaut d'une plainte rédigée par cette dernière, le salarié conteste avoir eu un tel comportement et produit quant à lui une attestation établie par le salarié qui l'a accompagné. En l'absence d'autres éléments produits par lemployeur, un doute subsiste ainsi sur l'exactitude matérielle des faits à la base des griefs formulés par l'employeur contre le salarié protégé. Ce doute doit profiter au salarié. Par suite et ainsi d'ailleurs que l'a relevé le ministre dans la décision litigieuse, seul le fait que M. A... se soit rendu au centre hospitalier d'Epernay alors qu'il faisait l'objet d'une mise à pied disciplinaire peut être regardé comme établi.

8. Il ne résulte, enfin, pas de l'instruction que le ministre aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul fait fautif.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en annulation de la décision du 31 mars 2016 en tant qu'elle autorise la société " Dewitte Frères " à le licencier.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, la somme demandée par la société " Dewitte Frères " au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 31 mars 2016 est annulée en tant qu'elle autorise le licenciement de M. A....

Article 3 : Les conclusions à fin d'annulation de la société " Dewitte Frères " et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la SARL " Dewitte Frères " et à la ministre du travail.

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N° 18NC00679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC00679
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : LE GORREC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-03-03;18nc00679 ?
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