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25/02/2019 | FRANCE | N°18MA03529-18MA03565

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 25 février 2019, 18MA03529-18MA03565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...en sa qualité d'exploitante agricole du centre équestre " Le Merlanson ", M. A... C...et la société civile immobilière (SCI) Le Merlanson, pris en la personne de son gérant en exercice, ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2016 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a fermé définitivement le centre équestre " Le Merlanson " situé sur la commune de Sospel, en ce qui concerne les surfaces incluses dans la zone rouge du plan de prévention des ri

sques (PPR) mouvements de terrain de cette commune.

Par un jugement n° 1604...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...en sa qualité d'exploitante agricole du centre équestre " Le Merlanson ", M. A... C...et la société civile immobilière (SCI) Le Merlanson, pris en la personne de son gérant en exercice, ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2016 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a fermé définitivement le centre équestre " Le Merlanson " situé sur la commune de Sospel, en ce qui concerne les surfaces incluses dans la zone rouge du plan de prévention des risques (PPR) mouvements de terrain de cette commune.

Par un jugement n° 1604156 du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande des requérants.

Procédure devant la Cour :

I. Par une première requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 18MA03529, les 23 juillet et 12 novembre 2018, Mme D... C...et autres, représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a méconnu les dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, dès lors qu'il ne vise pas le mémoire en réplique produit avant la clôture de l'instruction qui contestait l'existence de mouvement de terrains ;

- le jugement attaqué est encore irrégulier pour avoir omis de statuer sur des conclusions ;

- l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 28 octobre 2014 imposait au maire de ne pas prononcer une telle mesure ;

- le jugement attaqué est ensuite irrégulier pour s'être fondé sur un motif inopérant ;

- le jugement attaqué est enfin irrégulier pour avoir procédé à une substitution de motifs sans y avoir été invité par le préfet ;

- il y a eu violation du principe du contradictoire dès lors que le jugement en cause a statué sur la base d'un mémoire ou d'une note en délibéré non communiqué ;

- l'arrêté en litige ne pouvait intervenir dès lors qu'aucune carence dans la mise en oeuvre de la police administrative ne pouvait être reprochée au maire de la commune de Sospel ;

- aux termes de l'article II.4 du règlement du PPR, un projet ne doit pas entraîner une augmentation significative du nombre de personnes exposées ;

- le jugement attaqué s'est fondé sur un éboulement survenu postérieurement le 15 avril 2018 dans les quartiers de Sainte Sabine et de Béroulf ;

- le " risque avéré d'une certaine importance " n'est pas établi ;

- le PPR autorise les constructions agricoles, dès lors qu'il n'y a pas occupation humaine permanente, ni augmentation significative de personnes exposées, ce qui est le cas ici :

- le domaine du Merlenson n'est pas un ERP mais un IOP ;

- un centre équestre concurrent est situé totalement en zone rouge.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 octobre et 19 décembre 2018 le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

II. Par une deuxième requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 18MA03565, respectivement les 27 juillet et 12 novembre 2018, Mme D... C...et autres, représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement attaqué ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et reprend les moyens développés dans sa requête au fond.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 octobre et 19 décembre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le règlement du 7 août 2012 approuvant le plan de prévention des risques (PPR) ; mouvements de terrain de la commune de Sospel ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant les appelants.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Le Merlanson, qui a pour associés les époux C...et pour gérant, M. A... C..., est propriétaire depuis, le 1er février 2013, de deux parcelles cadastrées section G n° 725 et 754 situées dans le quartier Saint-Paul à Sospel. Mme C... exploite sur ces terrains, depuis cette même date, un centre d'élevage de chevaux et d'autres équidés et une activité de centre équestre. Le 28 septembre 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a pris un arrêté " prescrivant la fermeture définitive du centre équestre Le Merlanson, au lieu-dit La Condamine sur la commune de Sospel, en ce qui concerne les surfaces incluses dans la zone rouge du plan de prévention des risques (PPR) ". Par jugement du 23 mai 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté déposée par Mme C..., M. C... et la SCI Le Merlenson. Ces derniers relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a fait valoir, pour la première fois à l'audience du 2 mai 2018, puis par une note en délibéré du 3 mai 2018 non communiquée, la survenance, le 15 avril 2018, d'un éboulement dans les quartiers de Sainte Sabine et de Béroulf. Or les premiers juges se sont fondés, de manière décisive, sur cette circonstance dans leur motivation ayant retenu qu'" un récent et important glissement de terrain dans les quartiers de " Sainte Sabine " et de " Béroulf " de Sospel, sur un sol de même nature que le tènement litigieux s'est produit le 15 avril 2018, à la suite de fortes pluies. ". Il s'ensuit que le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire et doit être annulé pour cette raison.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande des appelants devant le tribunal administratif de Nice.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

4. L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toutes natures, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pouvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ". Les dispositions de l'article L. 2212-4 du même code prévoient qu'" En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances ". Les dispositions de l'article L. 2215-1 dudit code précisent que " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes les mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publique ; Ce droit ne peut être exercé par le représentant de l'Etat dans le département à l'égard d'une seule commune qu'après une mise en demeure au maire restée sans résultat (...) ". En vertu de ces dispositions, il incombe au maire, en vertu de ses pouvoirs de police générale, de prendre les mesures appropriées pour lutter, sur le territoire de la commune, contre les accidents naturels et les éboulements de terre et de rochers. Le préfet, amené à constater la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, peut se substituer à cette autorité après une mise en demeure restée sans résultat.

5. En premier lieu, au-delà de son intitulé " prescrivant la fermeture définitive du centre équestre Le Merlanson, au lieu-dit La Condamine sur la commune de Sospel, en ce qui concerne les surfaces incluses dans la zone rouge du plan de prévention des risques (PPR) ", l'arrêté en litige du préfet dispose que " le centre équestre (...) sera fermé au public définitivement (...), pour ce qui concerne les surfaces de la parcelle G 754 incluses dans la zone rouge du PPR mouvement de terrain de la commune de Sospel ". Il doit ainsi être regardé comme visant en réalité l'interdiction d'accès du public de la seule la parcelle G754 incluses dans la zone rouge du PPR (mouvement de terrain). Il s'ensuit que l'arrêté, qui interdit uniquement l'accès au public de la seule parcelle susmentionnée, ne peut être regardé comme édictant une mesure d'interdiction générale et absolue de l'établissement.

6. En deuxième lieu, le préfet des Alpes-Maritimes pouvait légalement se substituer au maire de la commune de Sospel en application des dispositions précitées de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors que la mise en demeure adressée au maire de Sospel était restée vaine. Par ailleurs, en se substituant au maire, en raison de la carence de ce dernier, le préfet n'a pas non plus méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement qui a annulé une mesure de police du maire de Sospel, laquelle avait un objet différent de l'arrêté préfectoral en litige.

7. En troisième et dernier lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondée sur la situation existante à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. En appel, le ministre de l'intérieur soutient que l'arrêté en litige peut légalement se fonder sur le fait que l'activité du centre équestre conduit à une augmentation significative du nombre de personnes exposées au risque, contrairement à l'interdiction édictée par le PPRN ART. II 4, alors qu'il existe un danger grave ou imminent dans la partie du centre situé en zone R* du plan.

8. En l'espèce, l'ensemble des pièces du dossier permet d'établir l'existence d'un réel risque de glissement de terrain avec éboulements dans la zone rouge où a été classée une partie de la propriétéC.... Au regard notamment de ses conséquences potentielles, ce risque peut être qualifié de grave. En effet, en raison de la configuration de la propriété C...qui est située en contrebas de la route départementale 2566a et en rive droite du cours d'eau le Merlanson, celle-ci est particulièrement exposée à des glissements de terrain en cas de fortes intempéries. D'ailleurs, de tels glissements de terrains se sont produits dans des terrains situés à proximité en particulier dans le quartier " Barbon ". Dans ces conditions et en dépit du fait que le PPR n'interdit pas toute forme d'occupation ou d'utilisation des sols avec occupation humaine, le préfet des Alpes-Maritimes a pu, sans commettre d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation, prononcer l'interdiction au seul public d'accéder à la parcelle en cause, ce qui ne fait pas obstacle aux époux C...et au personnel de s'y rendre et d'exercer l'activité d'élevage.

9. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 28 septembre 2016.

Sur la requête n° 18MA03565 :

10. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation de la requête. Dès lors, les conclusions de la requête n° 18MA03565 des appelants tendant à l'application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les frais de l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme aux appelants ou à leur conseil, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA03565 de Mme D...C..., de M. A... C...et de la société civile immobilière (SCI) Le Merlanson.

Article 2 : La requête n° 18MA03529 de Mme D...C..., de M. A... C...et de la société civile immobilière (SCI) Le Merlanson est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C..., à M. A... C..., à la société civile immobilière (SCI) Le Merlanson et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Martimes.

Délibéré après l'audience du 4 février 2019, où siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 février 2019.

2

N° 18MA03529 - 18MA03565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA03529-18MA03565
Date de la décision : 25/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Police - Étendue des pouvoirs de police - Champ d'application des mesures de police.

Police - Police générale - Sécurité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-02-25;18ma03529.18ma03565 ?
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