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09/07/2018 | FRANCE | N°18MA01468-18MA01467

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 juillet 2018, 18MA01468-18MA01467


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2017 du préfet du Gard qui a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1703857 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une première requête, enregistrée le 3 avril 2

018, sous le n° 18MA01468, Mme B... épouseD..., représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2017 du préfet du Gard qui a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1703857 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une première requête, enregistrée le 3 avril 2018, sous le n° 18MA01468, Mme B... épouseD..., représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle viole les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision viole les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...épouse D...ne sont pas fondés.

Mme B...épouse D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.

II. Par une seconde requête, enregistrée le 3 avril 2018, sous le n° 18MA01467, Mme B... épouse D...représentée par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 27 février 2018 ;

2°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui donnant droit au travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour son fils des conséquences difficilement réparables ;

-les moyens énoncés dans sa requête paraissent sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...épouse D...ne sont pas fondés.

Mme B...épouse D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 18MA01468 et 18MA01467, qui sont présentées par la même requérante, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. Mme B...épouse D...relève appel du jugement du 27 février 2018 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2017 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et demande le sursis à exécution du jugement contesté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...épouse D...est entrée en France le 30 décembre 2016, sous couvert d'un visa Schengen de court séjour, avec son fils né le 27 août 2003. Toutefois, sa durée de séjour de moins d'un an à la date de la décision contestée est brève. Elle ne démontre pas avoir subi de la part de son époux des violences conjugales ni être dépourvue d'attache familiale en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans et où réside sa fille majeure. Si elle se prévaut de l'état de santé de son fils qui est atteint d'une maladie génétique rare, un collège de médecins de l'OFII a estimé, par un avis du 11 août 2017 que le jeune C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les deux certificats médicaux produits au dossier qui ne se prononcent pas sur ce point ne sont pas de nature à remettre en cause cet avis. S'ils mentionnent que le fils de la requérante ne peut bénéficier en Algérie d'aucune prise en charge ni rééducative ni scolaire et qu'il n'y a pas d'enseignement spécialisé pour enfants déficients intellectuels dans ce pays, le préfet du Gard fait valoir sans être contredit que 104 000 enfants en situation de handicap sont pris en charge par le système scolaire algérien dont 14 532 au sein des centres spécialisés publics et qu'il existe des centres d'enseignement spécialisés, ainsi que des centres médico-pédagogiques pour l'enfance handicapée. D'ailleurs, Mme B...épouse D...verse au débat un article de presse du mois de juin 2017 relatif à une association qui intervient auprès de personnes en situation de handicap mentionnant qu'il existe des dispositifs de prise en charge psycho-pédagogique mis en place par les ministères de la solidarité et de l'éducation pour les enfants présentant des handicaps. Dans ces conditions, le tribunal a estimé à juste titre que la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, Mme B...épouse D...étant en situation irrégulière, rien ne fait obstacle à ce qu'elle reparte avec son fils en Algérie où elle ne démontre pas qu'il ne pourrait pas y bénéficier d'une prise en charge et d'une scolarité adaptée à son handicap. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur de son enfant n'aurait pas été suffisamment pris en compte.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Pour les motifs indiqués aux points 3 à 6, Mme B...épouse D...n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité du refus de titre de séjour.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 octobre 2017.

Sur la requête n° 18MA01467 tendant au sursis à exécution du jugement contesté :

10. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué, enregistrée sous le n° 18MA01467.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... épouse D...n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter ces conclusions.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

12. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " (...) En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme B... épouse D...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18MA01467.

Article 2 : La requête n° 18MA01468 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouseD..., à Me E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2018, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2018.

N° 18MA01468 - 18MA01467


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA01468-18MA01467
Date de la décision : 09/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-07-09;18ma01468.18ma01467 ?
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