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15/12/2020 | FRANCE | N°18MA01293

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 15 décembre 2020, 18MA01293


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1605853, 1605854 du 15 janvier 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregi

strés le 14 mars 2018 et le 22 février 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, par deux requêtes distinctes, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1605853, 1605854 du 15 janvier 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mars 2018 et le 22 février 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas motivé sur le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté d'établissement ;

- la proposition de rectification du 10 décembre 2013 ne lui a pas été régulièrement notifiée ;

- la prescription n'a pu être interrompue ;

- le service n'était pas fondé à considérer, dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société CA Animation qui lui a versé des dividendes et tantièmes, que celle-ci avait un établissement stable en France alors qu'elle dispose de son siège social et de son siège de direction au Luxembourg ;

- le service a d'ailleurs admis, par une prise de position formelle contenue dans une proposition de rectification du 22 décembre 2008 portant sur l'année 2005, que la société CA Animation n'avait pas d'établissement stable en France ;

- en revenant sur cette position, l'administration méconnaît le principe de sécurité juridique et de confiance légitime ;

- l'administration a également admis, par une prise de position formelle contenue dans la proposition de rectification du 10 décembre 2013 qui lui a été adressée, que la convention franco-luxembourgeoise était applicable à cette société ;

- la remise en cause de la localisation du siège social de la société CA Animation au Luxembourg et la non application de la convention franco-luxembourgeoise constituent une restriction aux principes de liberté d'établissement et de circulation des capitaux garantis par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- les dividendes versés par la société CA Animation et les tantièmes reçus à raison de sa participation au conseil d'administration de cette société ne sont pas imposables en France ;

- en application du b) du 3 de l'article 19 de la convention franco-luxembourgeoise, il est fondé à solliciter un crédit d'impôt ;

- à titre subsidiaire, les sommes retenues à la source doivent être déduites du revenu imposable sur le fondement de l'article 122 du code général des impôts et de la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-20-10-20-60 n° 20 ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société CA Animation, qui est la société holding tête du groupe CA, a transféré son siège social au Luxembourg, le 29 décembre 2005. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 2006 à 2011, à l'issue de laquelle le vérificateur a considéré que la société CA Animation disposait d'un établissement stable en France. L'administration fiscale a alors estimé que la totalité des dividendes perçus par M. C..., qui détient 50 % du capital de la société CA Animation, était imposable en France, ainsi que les tantièmes perçus par ce dernier en sa qualité d'administrateur de la société. Le service a également remis en cause l'application d'un crédit d'impôt. M. C... relève appel du jugement du 15 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

I. La régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Les premiers juges, au point 13 du jugement attaqué, considérant que la société CA Animation n'avait pas au Luxembourg son domicile fiscal et que M. C... ne satisfaisait pas aux conditions posées par le b) du 3 de l'article 19 de la convention franco-luxembourgeoise, ont suffisamment répondu aux moyens tirés de ce que l'administration, en refusant au requérant le bénéfice du crédit d'impôt qu'il réclamait, n'a pas porté atteinte à la liberté de circulation des capitaux garantie par l'article 63 du traité de fonctionnement de l'Union européenne, ni créé une discrimination indirecte, ni porté atteinte à la liberté d'établissement. Ainsi, le jugement attaqué est suffisamment motivé.

II. Le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il incombe à l'administration d'établir que le contribuable a reçu notification régulière de la proposition de rectification. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la proposition de rectification, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de son destinataire, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière, le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposé par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.

5. Il résulte des mentions portées sur l'avis de réception, que le pli contenant la proposition de rectification du 10 décembre 2013 a été " présenté / avisé le 12/12/13 ", à l'adresse de M. C..., puis a été retourné au service avec l'indication " Pli avisé et non réclamé " correspondant au motif de non-distribution. En outre, l'enveloppe correspondante portait également le cachet " pli avisé et non réclamé " ainsi que la date à laquelle le pli a été renvoyé, le 30 décembre 2013, permettant d'établir que le pli a été tenu à la disposition du requérant pendant le délai réglementaire. Les mentions portées sur ces documents, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, sont suffisamment claires, précises et concordantes pour établir non seulement que le pli contenant la proposition de rectification a été présenté au domicile de M. C... mais également qu'il a été avisé par la remise le même jour d'un avis de passage mentionnant que le pli était tenu à sa disposition au bureau de poste dont dépend son domicile. La proposition de rectification doit donc être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à M. C... le 10 décembre 2013. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pu assurer sa défense et qu'il a été privé des garanties offertes aux contribuables.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de la prescription :

6. Aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, (...) ". Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le pli contenant la proposition de rectification a été régulièrement notifié à M. C.... Par suite, le moyen tiré de ce que la prescription n'a pas été interrompue faute d'une notification régulière de la proposition de rectification doit être écarté.

S'agissant de la qualité de résident fiscal en France :

7. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt de rechercher d'abord si l'imposition contestée a été valablement établie au regard de la loi fiscale nationale et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Au regard de la loi fiscale :

8. D'une part, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". L'article 4 B du même code, dans sa rédaction applicable, dispose : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile en France au sens de l'article 4 A : a. les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; (...) ". D'autre part, aux termes du 3 de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1° Les revenus de capitaux mobiliers comprennent (...) 2° Les revenus mentionnés au 1° distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés (...) et résultant d'une décision régulière des organes compétents, sont réduits, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, d'un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu (...) ".

9. Il est constant que M. C... a en France son foyer et son lieu de séjour principal. Par suite, sous réserve de l'application des conventions internationales, il est fiscalement domicilié en France et est imposable sur l'ensemble de ses revenus.

Au regard de la convention franco-luxembourgeoise :

10. Le 4 de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 stipule que : " Le domicile fiscal (...) des personnes morales et des groupements de personnes physiques n'ayant pas la personnalité morale est au lieu de leur centre effectif de direction, ou si cette direction effective ne se trouve ni dans l'un ni dans l'autre des Etats contractants, au lieu de leur siège. (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que la société CA Animation a transféré son siège social au Luxembourg, au 50 rue Basse à Steinsel. M. C... fait valoir que le siège de direction effective de la société CA Animation est situé au Luxembourg et qu'elle y dispose de moyens suffisants au regard de son activité de holding. Toutefois, l'administration a relevé que la société CA Animation a conclu le 1er janvier 2006 un contrat de bail avec la société Aurea Finance Company, lui permettant de disposer d'un local de seulement 13 m², au 50 rue Basse, qui est également l'adresse du siège social de la société bailleresse. La société Aurea Finance Company, qui a notamment pour branche d'activité la domiciliation d'entreprises, a également facturé à la société CA Animation la mise à disposition d'un administrateur, alors que M. E..., unique administrateur de la société CA Animation domicilié au Luxembourg pendant la période en litige, était également dirigeant de la société Aurea Finance Company. En outre, la société CA Animation a employé à compter du 1er janvier 2009 un unique salarié comptable, par ailleurs salarié de la société Aurea Finance Company, pour une durée de dix heures par semaine. M. C... ne peut utilement se prévaloir de l'embauche d'un directeur administratif et financier au Luxembourg pour démontrer l'effectivité du siège de la société au Luxembourg, qui n'est intervenue qu'en 2016, soit postérieurement aux années en litige. Par ailleurs, si M. C... fait valoir que les conseils d'administration et les assemblées générales des actionnaires concernant la société avaient lieu au Luxembourg, le lieu où se tiennent les conseils d'administration d'une société peut constituer un indice pour l'identification d'un siège de direction, ce seul élément ne saurait, confronté aux autres éléments du dossier, suffire à le déterminer.

12. Par ailleurs, il ressort de la proposition de rectification adressée à M. C... que l'administration a constaté, lors de la procédure de visite et de saisie domiciliaires réalisée au 49 avenue d'Iéna, où demeurent établies plusieurs des sociétés composant le groupe contrôlé, et au 15 avenue de l'Opéra à Paris, dans les locaux du cabinet comptable Aurion, que des relevés périodiques des comptes bancaires détenus par la société CA Animation dans les établissements HSBC, BNP Paribas et Banque de Luxembourg, étaient adressés à ce cabinet dont le dirigeant était destinataire des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de la société CA Animation avant leur dépôt au Luxembourg. Des ordres de mouvement de titres, des ordres de virement bancaires étaient également émis depuis le 49 avenue d'Iéna. M. C... n'établit pas, ainsi qu'il le soutient, que le cabinet comptable Aurion assistait le cabinet Luxembourgeois Clerc dans le cadre de l'établissement des comptes consolidés du groupe. Ainsi, la gestion financière, comptable et fiscale de la société CA Animation s'effectuait depuis la France.

13. Les deux co-fondateurs et administrateurs de la société CA Animation, qui détiennent chacun 50 % de son capital, statutairement habilités à engager la société, et par ailleurs mandataires sociaux des sociétés du groupe exerçant leur activité en France, sont domiciliés en France où ils ont signé de 2007 à 2011 des conventions cadres d'apport d'affaires et des avenants avec différentes sociétés du groupe spécialisées, notamment, dans l'alimentation. Les éléments apportés par M. C..., dont une convention de prêt signée au Luxembourg le 8 juin 2011 conclue entre la société CA Animation et deux sociétés de droit luxembourgeois ayant leur siège au 50 rue Basse à Steinsel ainsi qu'un contrat de prêt conclu entre un établissement bancaire, prêteur, et la société CA Animation signé à Steinsel le 22 juin 2007, ne suffisent pas à établir ainsi que cela est soutenu que " de nombreuses conventions, notamment financières, sont conclues depuis le Luxembourg ".

14. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le centre effectif de direction de la société CA Animation doit être fixé en France. Cette société ayant son centre effectif de direction en France, il n'y a pas lieu de tenir compte du lieu de son siège pour déterminer son domicile fiscal, au sens et pour l'application du 4 de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise. La société CA Animation doit donc être regardée comme ayant son domicile fiscal en France. Par suite, cette convention ne faisant pas obstacle à l'application de la loi fiscale, c'est à bon droit que l'administration a assujetti M. C... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010 et 2011, en ce qu'elles procèdent des dividendes et tantièmes versés par la société CA Animation.

15. Par ailleurs, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la société CA Animation, dont le domicile fiscal a été déterminé au travers du centre effectif de direction, a fait l'objet d'une discrimination contraire aux principes de liberté d'établissement et de circulation des capitaux garantis par les articles 49 et 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à raison notamment de la nationalité et du domicile français de ses dirigeants et de la domiciliation en France de ses filiales.

Au regard de la doctrine administrative :

16. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". L'article L. 80 B du même livre dispose : " 1° La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".

17. En premier lieu, M. C... ne peut, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pour soutenir que l'administration aurait pris dans la proposition de rectification du 10 décembre 2013 qui lui a été adressée, une position qui lui serait formellement opposable. Il n'est pas davantage fondé à se prévaloir, sur le fondement de ces mêmes dispositions, des doctrines fiscales référencées BOI-RPPM-RCM-20-10-20-60 publiée le 11 février 2014 et 14 B-5-72 publiée le 16 mars 1972, qui ne comportent pas, en tout état de cause, une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il lui a été fait application.

18. En deuxième lieu, M. C... fait valoir que l'administration s'est formellement prononcée sur l'absence d'établissement stable en France de la société CA Animation par la proposition de rectification du 22 décembre 2008 adressée à cette société, relative à l'exercice clos en 2005, et dans la réponse du 15 juin 2010 à ses observations. Toutefois, l'administration expose que les éléments de fait sur lesquels elle s'est appuyée dans le cadre du contrôle sur pièces effectué au titre de l'exercice clos en 2005 étaient incomplets et erronés et que les éléments recueillis ultérieurement dans le cadre de la procédure de visite et de saisie prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont permis de démontrer que la direction de la société était assurée depuis la France. Ainsi, la circonstance que l'administration a admis dans la proposition de rectification du 22 décembre 2008, que la société CA Animation avait transféré au Luxembourg son siège social et l'ensemble de ses actifs, ne saurait être regardée comme une prise de position formelle de l'administration, au regard de la loi fiscale, d'une situation de fait dont elle ne connaissait pas, alors, tous les éléments. Par suite, M. C... ne saurait utilement se prévaloir de la garantie qu'instituent les dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

19. En troisième lieu, en l'absence de prise de position formelle de l'administration pour les motifs mentionnés au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance des principes de loyauté, de sécurité juridique et de confiance légitime ne peut qu'être écarté.

20. En quatrième lieu, le dégrèvement, non motivé, de l'amende prévue par l'article 1729 B du code général des impôts mise à la charge de la société CA Animation au titre de l'année 2016, ne contient aucune prise de position formelle dont l'intéressé serait susceptible de se prévaloir au titre de la garantie prévue par l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

21. Enfin, le requérant ne peut invoquer, en tout état de cause, la doctrine administrative BOI-SJ-RES-10-20-10 publiée le 12 septembre 2012, qui commente l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, postérieure aux années d'imposition en litige.

En ce qui concerne la charge de la preuve :

22. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ". En application de ces dispositions, il appartient à M. C..., qui s'est abstenu de répondre à la proposition de rectification du 10 décembre 2013, de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste.

En ce qui concerne l'application de la convention franco-luxembourgeoise pour l'imposition des dividendes et tantièmes et le bénéfice du crédit d'impôt :

23. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention franco-luxembourgeoise : " 1. Les dividendes payés par une société qui a son domicile fiscal dans un Etat contractant à une personne qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. a) Toutefois, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat contractant où la société qui paie les dividendes a son domicile fiscal, et selon la législation de cet Etat (...) ". L'article 11 de ladite convention stipule : " Les tantièmes, jetons de présence et autres rémunérations des membres des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés par actions sont imposables dans celui des deux Etats où se trouve le domicile fiscal de la société (...). ". Ces stipulations ne font pas obstacle à ce que les dividendes et tantièmes que la société CA Animation a versés à M. C... soient imposés en France, dès lors que cette société a, ainsi qu'il a été dit, son domicile fiscal dans cet Etat au sens de cette convention. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à solliciter le bénéfice des stipulations de la convention franco-luxembourgeoise et qu'est sans incidence la circonstance que la société CA Animation ne constitue pas une société holding de droit luxembourgeois régie par la loi du 31 juillet 1929 qui exclut de telle société du champ d'application de la convention.

24. En second lieu, aux termes du b) du 3 de l'article 19 de la convention franco-luxembourgeoise : " La France accordera aux personnes qui ont leur domicile fiscal en France et qui bénéficient des revenus visés aux articles 8 et 9 ayant supporté l'impôt luxembourgeois dans les conditions prévues à ces articles, un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt luxembourgeois, imputable sur les impôts français dans les bases desquels ces revenus se trouvent compris et dans la limite de ces impôts. ". Ces stipulations, qui ne sont pas applicables aux tantièmes, ont pour objet de prévoir que les personnes fiscalement domiciliées en France, et ayant reçu des dividendes imposés au Luxembourg dans les conditions prévues à l'article 8 de la convention franco-luxembourgeoise, bénéficient en France d'un crédit d'impôt d'un montant équivalent à l'impôt supporté au Luxembourg. La société CA Animation n'ayant pas au Luxembourg son domicile fiscal, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir de ces stipulations. Il s'ensuit que le service a pu à bon droit, sans porter une atteinte illégale à la liberté de circulation des capitaux garantie par l'article 63 du traité de fonctionnement de l'Union européenne ni créer une discrimination indirecte ou porter atteinte à la liberté d'établissement, refuser à M. C... l'application de la convention franco-luxembourgeoise et le bénéfice du crédit d'impôt sollicité.

En ce qui concerne l'application de l'article 122 du code général des impôts :

25. Aux termes de l'article 122 du code général des impôts, relatif aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. (...) le revenu est déterminé par la valeur brute en euros des produits encaissés d'après le cours du change au jour des paiements, sans autre déduction que celle des impôts établis dans le pays d'origine et dont le paiement incombe au bénéficiaire. (...) ". Ces dispositions font obstacle à ce que M. C... puisse se prévaloir du prélèvement à la source acquitté par la société luxembourgeoise CA Animation SA sur les dividendes qu'elle lui a versés.

En ce qui concerne les pénalités :

26. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Le caractère délibéré du manquement est suffisamment établi chaque fois que le service est en mesure de démontrer que le contribuable a nécessairement eu connaissance des faits ou des situations qui motivent les rehaussements.

27. En relevant dans la proposition de rectification que M. C..., actionnaire de la société CA Animation dont il détient 50 % des parts, a proposé au conseil d'administration de la société, dont il était le président, les distributions de dividendes au titre de l'année 2010, qu'il avait nécessairement connaissance de la perception de dividendes pour un montant brut de 823 541 euros et qu'il ne pouvait ignorer leur caractère imposable dès lors qu'il avait régulièrement déclaré des revenus analogues au titre des années antérieures, l'administration apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements du contribuable. Le requérant ne peut utilement se prévaloir d'une " défaillance du logiciel de l'administration fiscale " pour justifier l'absence de mentions sur la déclaration de revenus 2042 des dividendes versés par la société CA Animation.

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

III. Les frais liés au litige :

29. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

30. D'autre part, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2020.

10

N° 18MA01293

nc


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP VILLECHENON

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 15/12/2020
Date de l'import : 30/03/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA01293
Numéro NOR : CETATEXT000043261030 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-15;18ma01293 ?
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