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04/02/2021 | FRANCE | N°18LY04564

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 04 février 2021, 18LY04564


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Anciens établissements Georges Schiever et fils a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'opération de cession intervenue en 2009 au bénéfice de la société Axis Promotion.

Par un jugement n° 1701293 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 décembre 2

018 et le 2 août 2019, la société Anciens établissements Georges Schiever et fils, représenté par Me B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Anciens établissements Georges Schiever et fils a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'opération de cession intervenue en 2009 au bénéfice de la société Axis Promotion.

Par un jugement n° 1701293 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 décembre 2018 et le 2 août 2019, la société Anciens établissements Georges Schiever et fils, représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 octobre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Anciens établissements Georges Schiever et fils soutient que :

- la cession de son immeuble est intervenu dans le cadre d'une transmission d'entreprise sans interruption dans l'exploitation de l'activité transmise ; la dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 257 bis du code général des impôts a vocation à s'appliquer toutes les fois où l'activité n'a jamais cessé d'être poursuivie, même en cas de ventes successives, dès lors qu'elles s'inscrivent dans une logique de transmission d'entreprise ;

- la doctrine administrative référencée BOI-TVA-DED-60-20-10-20180103 § 286 interprète aussi les textes applicables en ce sens ; cette doctrine, quoi que publiée postérieurement à la période d'imposition en litige, confirme l'instruction 3 A-6-06 n° 50 du 20 mars 2006 qui était applicable auparavant et conforte la thèse défendue qui s'appuie sur l'objectif du dispositif de l'article 257 bis du code général des impôts ;

- le tribunal de grande instance de Paris a considéré que la dispense de taxe sur la valeur ajoutée avait été appliquée à bon droit dans le litige l'opposant aux entités lui ayant conseillé le montage remis en cause par l'administration fiscale de sorte que le principe de sécurité juridique a été méconnu.

Par un mémoire enregistré le 2 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la requérante ne peut se prévaloir de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 257 bis du code général des impôts dès lors qu'elle a cédé son ensemble immobilier à une société qui a placé son acquisition, dans l'acte notarié, sous le régime des achats effectués en vue de la revente et n'a donc jamais entendu exploiter l'activité cédée ; la circonstance que l'acquisition et la revente par la société Axis Promotion ont eu lieu le même jour est sans incidence sur l'interruption qu'il y a lieu de constater dans l'exploitation de l'activité ;

- la doctrine invoquée, qui n'est pas applicable car postérieure à la période invoquée, n'ajoute en tout état de cause rien à la loi fiscale telle qu'il convient de l'interpréter ;

- l'action intentée par la requérante contre les conseils auxquels elle a eu recours pour monter son opération relève d'un contentieux distinct et le jugement rendu sur ce litige par le tribunal de grande instance de Paris ne peut être utilement invoqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la décision C-497/01 de la Cour de justice des communautés européennes du 27 novembre 2003 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me E..., représentant la SA Anciens établissements Georges Schiever et fils ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Anciens établissements Georges Schiever et Fils, qui était propriétaire d'un ensemble immobilier composé de bâtiments à usage de supermarchés, d'une station-service et d'un parking, qu'elle a fait construire en 2004 puis donnés en location aux sociétés Mazagran Service et Commerciale le Pré Bercy, ses deux filiales, en vertu de baux commerciaux distincts, a déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les coûts d'acquisition et de construction de cet ensemble immobilier. Le 30 juin 2009, elle a cédé l'ensemble immobilier de ses filiales à la société Axis Promotion qui a également acquis les deux fonds de commerce. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur l'exercice clos en 2009 à l'issue de laquelle le vérificateur, estimant qu'elle aurait dû procéder, lors de la vente, à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait déduite au titre de l'acquisition et de la construction en application de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, a rappelé la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 503 582,80 euros correspondant à une fraction de 14/20ème de la taxe sur la valeur ajoutée déduite initialement. La SA Anciens établissements Georges Schiever et Fils relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à ce titre et des intérêts de retard correspondants.

Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa version applicable : " II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; b) Celle qui est perçue à l'importation ; c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287. ".

3. Aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Sous réserve des dispositions qui suivent, la déduction opérée dans les conditions mentionnées aux articles 205 et 206 est définitivement acquise à l'entreprise. II. - 1. Pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans, dont celle au cours de laquelle ils ont été acquis, importés, achevés, utilisés pour la première fois ou transférés entre secteurs d'activité constitués en application de l'article 209. (...) 3. Par dérogation à la durée mentionnée au 1 et à la fraction mentionnée au 2, cette régularisation s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années. (...) III. - 1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : 1° Lorsqu'il est cédé ou apporté, sans que cette opération soit soumise à la taxe sur le prix total ou la valeur totale, ou est transféré entre secteurs d'activité constitués en application de l'article 209 ; (...) 2. Cette régularisation est égale à la somme des régularisations qui auraient été effectuées jusqu'au terme de la période de régularisation en application des 1, 2, 3 et 5 du II(...). 4. Les dispositions des 1 à 3 ne sont pas applicables : 1° Aux cessions ou apports dispensés de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 257 bis du code général des impôts ; (...). V. - 1. La taxe initiale s'entend, selon le cas, de la taxe mentionnée au 1 du II de l'article 271 du code général des impôts ou de la fraction de taxe mentionnée sur les attestations prévues au 3 du III du présent article ou au 3 du I de l'article 210. (...) VI. - Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas suivants : 1° Lorsque les marchandises ont disparu ; 2° Lorsque les biens ou services ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à l'impôt. (...). ".

4. Aux termes enfin de l'article 257 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) 2. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables : aux opérations portant sur des immeubles ou parties d'immeubles qui sont achevés depuis plus de cinq ans ou qui, dans les cinq ans de cet achèvement, ont déjà fait l'objet d'une cession à titre onéreux à une personne n'intervenant pas en qualité de marchand de biens ; (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que l'immeuble faisant l'objet de la cession a été achevé le 6 février 2004 et cédé, plus de cinq ans plus tard, le 30 juin 2009, par la SA Anciens établissement Georges Schiever et Fils à la société Axis Promotion, laquelle a acquis le jour même les fonds de commerce exploités par les filiales de cette entreprise dans l'immeuble cédé. L'opération de cession de cet immeuble était ainsi soumise à une obligation de régularisation de la taxe initialement déduite en application du 1° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, selon lequel une régularisation est opérée lorsqu'un bien immobilier est cédé ou apporté, sans que cette opération soit soumise à la taxe sur le prix total ou la valeur totale.

6. En premier lieu, la société requérante, qui ne conteste pas le fondement légal du rappel de taxe sur la valeur ajoutée notifié, soutient qu'elle devait être dispensée de la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée sur cette opération de vente immobilière par l'effet de l'article 257 bis, qui vise tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, dès lors que ce transfert s'inscrit dans une logique de transmission d'entreprise.

7. Aux termes de l'article 257 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les livraisons de biens, les prestations de services et les opérations mentionnées aux 6° et 7° de l'article 257, réalisées entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sont dispensées de celle-ci lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens. / Ces opérations ne sont pas prises en compte pour l'application du 2 du 7° de l'article 257. / Le bénéficiaire est réputé continuer la personne du cédant, notamment à raison des régularisations de la taxe déduite par ce dernier, ainsi que, s'il y a lieu, pour l'application des dispositions du e du 1 de l'article 266, de l'article 268 ou de l'article 297 A. ". Par un arrêt rendu le 27 novembre 2003 dans l'affaire C-497/01, la Cour de justice des communautés européennes a interprété les dispositions de l'article 5, paragraphe 8 de la sixième directive, aujourd'hui reprises à l'article 19 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, en ce sens que la dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 257 bis du code général des impôts lors de la transmission à titre onéreux ou à titre gratuit, ou sous forme d'apport à une société, d'une universalité totale ou partielle de biens s'applique à tout transfert d'un fonds de commerce ou d'une partie autonome d'une entreprise, dès lors que le bénéficiaire du transfert a pour intention d'exploiter le fonds de commerce ou la partie d'entreprise ainsi transmis.

8. En l'espèce, la société Axis Promotion, qui est intervenue en tant que marchand de biens immobiliers, n'a pas acquis l'ensemble immobilier et les fonds de commerce en cause dans l'objectif de les exploiter, mais en vue de leur revente, ainsi que cela résulte, selon les termes non contestés de la proposition de rectification, des clauses des contrats de cession. Elle a d'ailleurs revendu le jour-même, d'une part l'immeuble en cause à la SCI de la Grérie, d'autre part les fonds de commerce à la société Sodirib. La dispense de régularisation de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 257 bis du code général des impôts ne bénéficiant au cédant qu'au seul regard de l'intention de son cessionnaire direct de poursuivre l'exploitation de l'activité cédée, la circonstance que les activités exploitées jusqu'alors auraient été poursuivies par les acquéreurs ultérieurs de la société Axis Promotion est sans incidence, alors même que ces cessions ultérieures auraient eu lieu le jour même. Dès lors, l'opération de cession entre la société requérante et la société Axis Promotion ne peut être regardée comme un transfert entrant dans le champ d'application de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 257 bis du code général des impôts.

9. En second lieu, la requérante fait valoir que le tribunal de grande instance de Paris, dans le cadre de l'action en responsabilité que la requérante avait entreprise contre la société de conseil à laquelle elle a eu recours pour le montage de l'opération, a, pour la débouter de cette action, considéré que le bénéfice de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée n'était pas exclu dans le cadre du montage litigieux. Une telle appréciation, portée dans le cadre d'un contentieux distinct, dans lequel le juge devait seulement se prononcer sur le caractère prévisible ou non de la remise en cause du montage litigieux à la date de sa conception et non sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause, est, en tout état de cause, sans incidence dans le présent litige. Une telle circonstance ne caractérise, par ailleurs aucune méconnaissance du principe de sécurité juridique.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de l'interprétation de la dispense de taxe sur la valeur ajoutée reprise dans la documentation administrative référencée BOI-TVA-DED-60-20-10 du 3 janvier 2018, dès lors que celle-ci a été publiée postérieurement à la période d'imposition en litige. En tout état de cause, cette interprétation n'ajoute rien à la loi fiscale telle qu'interprétée ci-dessus.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Anciens établissement Georges Schiever et fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Anciens établissements Georges Schiever et fils est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Anciens établissements Georges Schiever et fils et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C... présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2021.

2

N° 18LY04564

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04564
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-04;18ly04564 ?
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