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17/11/2020 | FRANCE | N°18LY03147

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 novembre 2020, 18LY03147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 29 septembre 2016 du maire de la commune de Sens l'affectant au poste de coordonnateur de l'entretien des bâtiments communaux, ensemble celle du 8 décembre 2016 de la présidente de la communauté d'agglomération du Grand Sénonais portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700145 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du maire de la commune de Sens du 29 septembre 2016,

ensemble celle de la présidente de la communauté d'agglomération du Grand Sénon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 29 septembre 2016 du maire de la commune de Sens l'affectant au poste de coordonnateur de l'entretien des bâtiments communaux, ensemble celle du 8 décembre 2016 de la présidente de la communauté d'agglomération du Grand Sénonais portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1700145 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du maire de la commune de Sens du 29 septembre 2016, ensemble celle de la présidente de la communauté d'agglomération du Grand Sénonais du 8 décembre 2016.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 août 2018 et un mémoire enregistré le 4 décembre 2018, la commune de Sens, représentée par Me Bertrand, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont statué ultra petita en se prononçant sur l'exécution d'un précédent jugement ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs de fait et d'appréciation ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la requête de M. B... est irrecevable, étant dirigée contre une mesure d'ordre intérieur ;

- la requête de M. B... est irrecevable, celui-ci ne justifiant d'aucun intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette décision ;

- le signataire de la décision portant changement d'affectation était compétent ;

- cette décision n'avait pas à être précédée de la saisine d'une commission administrative paritaire, en application de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- cette décision n'avait pas à être précédée d'une invitation de l'intéressé à consulter son dossier administratif, en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- cette décision a été prise dans l'intérêt du service et ne procède pas d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 3 octobre 2018 et le 18 décembre 2018, M. B..., représenté par Me Enard Bazire (SELARL EBC Avocats), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la commune de Sens la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- sa demande est recevable ;

- le signataire de la décision portant changement d'affectation n'était pas compétent ;

- cette décision n'a pas été précédée de la saisine de la commission administrative paritaire, en méconnaissance de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- cette décision n'a pas été précédée d'une invitation à consulter son dossier administratif, en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- cette décision n'a pas été prise dans l'intérêt du service et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée.

Par une ordonnance du 19 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... F..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bertrand, avocat, représentant la commune de Sens ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 29 septembre 2016, le maire de la commune de Sens a affecté M. B..., adjoint technique territorial de 2ème classe, au poste de coordonnateur de l'entretien des bâtiments communaux. Le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision, ainsi que celle de la présidente de la communauté d'agglomération du Sénonais du 8 décembre 2016 rejetant le recours gracieux de M. B..., par un jugement du 12 juin 2018, dont la commune de Sens relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges se sont prononcés sur la recevabilité des seules conclusions à fin d'annulation des décisions du 29 septembre 2016, ainsi que du rejet de recours gracieux du 8 décembre 2016, dont ils étaient saisis. Ce faisant, ils n'ont pas, contrairement à ce que prétend la commune de Sens, statué sur une demande d'exécution distincte des conclusions dont ils étaient saisis en qualité de juges de l'excès de pouvoir. La commune de Sens n'est, par suite, pas fondée à reprocher au jugement attaqué d'avoir statué " ultra petita ".

3. En second lieu, les erreurs de fait et d'appréciation dont les premiers juges auraient entaché le jugement attaqué quant à la perte de rémunération subie par M. B... ne sont susceptibles d'affecter que le bien-fondé de ce jugement et demeurent sans incidence sur sa régularité.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. D'une part, l'annulation de la décision ayant illégalement muté un agent public oblige l'autorité compétente à replacer l'intéressé, dans l'emploi qu'il occupait précédemment et à reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière à la date de sa mutation. Il ne peut être dérogé à cette obligation que dans les hypothèses où la réintégration est impossible, soit que cet emploi ait été supprimé ou substantiellement modifié, soit que l'intéressé ait renoncé aux droits qu'il tient de l'annulation prononcée par le juge ou qu'il n'ait plus la qualité d'agent public.

5. D'autre part, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

6. Par un jugement du 28 avril 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Dijon a annulé une décision du maire de Sens du 23 janvier 2015 procédant à un premier changement d'affectation de M. B... et a enjoint à la commune de le réintégrer à son précédent poste de " responsable du service fêtes et cérémonies ". Par la décision du 29 septembre 2016 en litige, qui mentionne avoir été adoptée en vue d'assurer l'exécution de ce jugement, le maire de Sens a affecté M. B... au poste de " coordonnateur de l'entretien des bâtiments communaux ". Il résulte de la comparaison de la dernière fiche de paie de M. B... en tant que " responsable du service fêtes et cérémonies " et de sa première fiche de paie en tant que " coordonnateur de l'entretien des bâtiments communaux " que, d'une part, la progression de son traitement indiciaire n'est due qu'à un avancement d'échelon intervenu entre-temps et que, d'autre part, cette nouvelle affectation s'est accompagnée d'une baisse du montant de la nouvelle bonification indiciaire perçue par M. B.... Par suite, et contrairement à ce que prétend la commune de Sens, qui ne peut utilement se prévaloir des autres mutations dont l'intéressé a pu faire l'objet, même à sa demande, postérieurement à la décision annulée par le jugement du 28 avril 2016, la décision du 29 septembre 2016 en litige a entraîné pour M. B... une perte de rémunération et ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

7. Pour ces mêmes motifs, la commune de Sens n'est pas davantage fondée à soutenir que M. B... ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires ".

9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

10. En affectant M. B... au poste de coordonnateur de l'entretien des locaux, la décision litigieuse a emporté une baisse de sa rémunération et a ainsi modifié sa situation au sens des dispositions rappelées au point 8 du présent arrêt. Dès lors, cette décision devait être précédée de la consultation d'une commission administrative paritaire. A défaut d'une telle consultation, M. B..., qui a ainsi été privé d'une garantie, était fondé à soutenir que cette décision est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

11. Les autres moyens soulevés par la commune de Sens, qui ne contestent pas le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif, sont sans incidence sur le bienfondé du jugement attaqué et ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision de son maire du 29 septembre 2016, ainsi que celle de la présidente de la communauté d'agglomération du Sénonais du 8 décembre 2016 rejetant le recours gracieux de M. B....

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Sens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 2 000 euros à verser à M. B... en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Sens est rejetée.

Article 2 : La commune de Sens versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sens et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

Mme C... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.

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N° 18LY03147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03147
Date de la décision : 17/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance - Décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL ENARD-BAZIRE-COLLIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-17;18ly03147 ?
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