Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'EURL Angel parachutisme a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés au titre de la période correspondant aux années 2014 et 2015 pour un montant de 130 639 euros, assortis des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 1701922 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2018, le 11 juin 2019 et le 3 avril 2020, l'EURL Angel parachutisme, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 31 mai 2018 ;
2°) de prononcer la restitution de ces impositions assorties des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement de première instance est irrégulier dès lors qu'il a estimé qu'elle avait introduit un recours pour excès de pouvoir ;
- elle peut prétendre au taux réduit de 10 % de taxe sur la valeur ajoutée prévu par le b quater de l'article 279 du code général des impôts pour les transports de voyageurs à raison des sauts en parachute biplace qu'elle effectue ;
- elle peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 140 de l'instruction du 25 juin 2013 publiée sous la référence BOI-TVA-LIQ-30-20-60-20130625, qui énonce que : " Indépendamment du caractère touristique de la prestation, le taux réduit de la TVA prévu au b quater du l'article 279 du CGI pour les transports de voyageurs s'applique aux opérations de baptêmes de l'air dès lors qu'elles répondent à la définition du transport aérien prévu par l'article L. 6400-1 du code des transports et l'article R. 330-1 du code de l'aviation civile. /Constitue un transport aérien au sens de ces dispositions toute opération consistant à acheminer par aéronef, d'un point d'origine à un point de destination, des passagers, du fret ou du courrier à titre onéreux./Tel est notamment le cas des baptêmes de l'air en engins ULM. ".
Par un mémoire, enregistré le 5 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme E..., rapporteure publique,
- et les observations de Me C..., représentant l'EURL Angel parachutisme ;
Une note en délibéré présentée par l'EURL Angel parachutisme a été enregistrée le 24 juin 2020.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Angel parachutisme exerce sur l'aérodrome de Chalon-Champforgeuil une activité consistant, notamment, à proposer des sauts de parachute en tandem. Les opérations qu'elle a effectuées en 2014 et 2015 ont été soumises au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée, conformément à ses déclarations. Par une réclamation du 30 décembre 2016, elle a demandé l'application à ces prestations du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu par le b quater de l'article 279 du code général des impôts et la restitution des droits de taxe acquittés à hauteur d'un montant de 130 639 euros correspondant à la différence entre la taxe acquittée au taux normal de 20 % et les droits résultant de l'application du taux réduit de 10 %. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. L'EURL Angel parachutisme fait valoir qu'elle n'a pas entendu demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision rejetant sa réclamation et que ses conclusions tendaient uniquement à la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittés à raison de la soumission de ses opérations au taux normal de la taxe. Toutefois, la circonstance que les premiers juges, qui ont statué sur ses conclusions à fin de restitution, aient en outre estimé être saisis de conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation, qu'ils ont rejetées comme irrecevables, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 278 du code général des impôts : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 20 %. ". Aux termes de l'article 279 du même code, pris pour l'application de l'article 98 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, selon lequel les Etats membres peuvent prévoir des taux réduits qui ne sont applicables qu'aux livraisons de biens et aux prestastions de service des catégories figurant à l'annexe III, laquelle vise, au 5), le " transport des personnes et des bagages qui les accompagnent " : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne (...) b quater : les transports de voyageurs ".
4. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ses opérations.
5. Il résulte de l'instruction que les prestations en litige consistent pour la société requérante à acheminer son client en altitude, à l'issue d'un déplacement aérien effectué en avion à partir d'un point de décollage situé au sol jusqu'à un point de largage en vol, puis à larguer le client accompagné d'un parachutiste professionnel, lequel assure seul la manipulation du parachute, la conduite des deux personnes et leur atterrissage, à l'issue duquel le client est reconduit à son point de départ initial. Si une telle prestation, qui s'effectue au moyen de deux aéronefs, l'avion et le parachute, empruntés successivement, et ne saurait, eu égard à sa nature et à ses modalités d'exécution, être scindée en plusieurs opérations distinctes, peut être regardée comme une prestation de transport, elle ne permet néanmoins pas d'assurer le transport de voyageurs, dès lors qu'elle n'a pas pour objet le déplacement du client d'un lieu à un autre. Par suite, l'EURL Angel parachutisme n'est pas fondée à demander le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % prévu par le b quater de l'article 279 du code général des impôts.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...). ".
7. L'EURL Angel parachutisme se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 140 de l'instruction du 25 juin 2013 publiée au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-TVA-LIQ-30-20-60-20130625, selon lequel : " RES N° 2005/67 (TCA) du 06 septembre 2005 : Baptêmes de l'air en engins ultra-légers motorisés (ULM) QUESTION : Quel est le taux de TVA applicable aux baptêmes de l'air en engins ultra-légers motorisés (ULM) 'REPONSE : Indépendamment du caractère touristique de la prestation, le taux réduit de la TVA prévu au b quater du l'article 279 du CGI pour les transports de voyageurs s'applique aux opérations de baptêmes de l'air dès lors qu'elles répondent à la définition du transport aérien prévu par l'article L. 6400-1 du code des transports et l'article R. 330-1 du code de l'aviation civile. /Constitue un transport aérien au sens de ces dispositions toute opération consistant à acheminer par aéronef, d'un point d'origine à un point de destination, des passagers, du fret ou du courrier à titre onéreux./Tel est notamment le cas des baptêmes de l'air en engins ULM. ". Si les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou les instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations. En l'espèce, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'instruction qu'elle invoque, qui se borne à reproduire les termes d'un rescrit relatif au taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux baptêmes de l'air en ULM, dès lors qu'elle ne rentre pas dans ces prévisions. En outre, il résulte de l'instruction que la société requérante a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée dont elle a ultérieurement demandé la restitution sans faire application d'aucune interprétation administrative de la loi fiscale. Ainsi elle ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir des énonciations de cette instruction sur le fondement de l'article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales.
8. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Angel parachutisme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Angel parachutisme est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Angel parachutisme et au ministre délégué en charge des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme B..., présidente-assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 août 2020.
2
N° 18LY02921
gt