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19/11/2019 | FRANCE | N°18LY02183

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 19 novembre 2019, 18LY02183


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1600212 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2018, M. et Mme F..., représentés par Me E..., demandent à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 mai 2018 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1600212 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2018, M. et Mme F..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 22 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge et, et à titre subsidiaire la réduction de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme F... soutiennent que :

- l'impôt sur le revenu relatif à l'année 2010 est prescrit au 31 décembre 2013 dès lors que la notification de la proposition de rectification ne peut être regardée comme étant intervenue avant le 31 décembre 2013 ;

- la procédure de recouvrement est irrégulière dès lors que l'impôt sur le revenu a été établi par voie d'avis d'imposition et non par voie d'avis de mise en recouvrement tel que prévu par les dispositions de l'article 1658 du code général des impôts ;

- la somme perçue ne présente pas le caractère d'une rémunération imposable et ne constitue pas un bénéfice non commercial dès lors qu'elle a revêtu un caractère exceptionnel ;

- cette somme doit être imposée sur son montant net si bien que l'assiette imposable ne saurait en tout excéder une somme de 925 000 euros ;

- à supposer que la somme de 1 200 000 euros soit imposable, le recouvrement des contributions sociales incombait aux Urssaf et non à la direction des finances publiques.

Par un mémoire, enregistré le 27 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la prescription a valablement été interrompue avant l'expiration du délai de reprise par la notification de la proposition de rectification du 16 décembre 2013 ;

- aucune disposition légale n'imposait la mise en recouvrement de l'impôt sur le revenu par voie d'avis de mise en recouvrement et la mise en recouvrement par voie de rôle était régulière ;

- la somme de 1 200 000 euros perçue par M. F... est constitutive d'une source de profit au sens des dispositions de l'article 92 du code général des impôts, imposable à l'impôt sur le revenu et entre dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;

- c'est à bon droit que la somme en litige a été soumise aux prélèvements sociaux en application des dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 et 2011, à l'issue duquel l'administration fiscale a soumis à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, une somme de 1 200 000 euros perçue en 2010 par M. F... en vertu d'une sentence arbitrale. Elle a également soumis cette somme aux prélèvements sociaux. M. et Mme F... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis de ce fait au titre de l'année 2010.

Sur l'impôt sur le revenu :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 applicable à partir du 1er janvier 2011 : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement ".

3. Si l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 a complété l'article 1658 du code général des impôts en y ajoutant le membre de phrase " ou d'avis de mise en recouvrement ", il ne résulte pas de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires et qui doivent être combinées avec les dispositions précitées, que le législateur aurait ainsi entendu imposer à l'administration, à peine d'irrégularité, d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. Il suit de là que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure est irrégulière faute pour eux d'avoir reçu un avis de mise en recouvrement au lieu des avis d'imposition reçus en l'espèce.

En ce qui concerne le droit de reprise de l'administration :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 189 du même code : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".

5. Eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable. Il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer.

6. Il résulte de l'instruction qu'une proposition de rectification datée du 16 décembre 2013 portant notamment sur l'impôt sur le revenu et les contributions sociales établis au titre de l'exercice 2010 a été adressée, par pli recommandé avec avis de réception, à M. et Mme F.... Ce pli n'ayant pu être remis, ils ont été avisés le 19 décembre 2013 de la mise en instance de ce pli, lequel leur a été effectivement remis le 2 janvier 2014. Ainsi qu'il a été dit, c'est la date de vaine présentation du pli à l'adresse du contribuable qui doit être retenue comme date d'interruption de la prescription. Au surplus, cette proposition de rectification leur a également été signifiée par voie d'huissier à leur domicile le 30 décembre 2013, sans qu'il ne résulte de l'instruction que cette signification ait été entachée d'irrégularités faisant obstacle à ce que sa date soit établie. M. et Mme F... ne sont ainsi pas fondés à soutenir que l'impôt sur le revenu était prescrit à la date à laquelle il a été mis en recouvrement.

En ce qui concerne l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ". Il appartient à l'administration, lorsqu'elle entend fonder une imposition sur les dispositions de cet article, en dehors de toute procédure de taxation d'office, d'établir que les sommes réintégrées dans les bases imposables du contribuable constituent des revenus. Dans ce cadre, il incombe au juge de l'impôt d'apprécier si l'administration établit la nature de revenus des sommes en cause, compte tenu des éléments de preuve qu'elle présente et, le cas échéant, des éléments que lui soumet le contribuable qui soutient que les sommes en litige ne présentent pas la nature de revenus ou relèvent d'une autre catégorie d'imposition et de ceux que l'administration lui oppose alors en vue d'établir, par tout autre moyen complémentaire, le bien-fondé de l'imposition.

8. Il résulte de l'instruction que, pour soumettre à l'impôt sur le revenu la somme de 1 200 000 euros perçue par M. F..., l'administration s'est fondée sur les termes de la sentence arbitrale du 6 novembre 2009, que les contribuables lui ont remise à l'occasion de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle. Selon cette sentence arbitrale, la SNC Groupe Bernard B... (GBT) est condamnée à verser à M. F... une somme de 1 200 000 euros " au titre d'indemnité pour gestion d'affaire ", et une somme de 320 000 euros à titre de remboursement de frais. L'indemnité de 1 200 000 euros allouée à M. F... est motivée par le fait qu'il a coopéré avec les conseils de M. B... en vue de la mise au point d'une stratégie d'accompagnement supplétive aux actions judiciaires engagées par ces derniers, en effectuant notamment des recherches et des interventions auprès de différentes instances et interlocuteurs, ce, durant douze années, et que son intervention, notamment dans le cadre d'une procédure de " discovery " engagée aux Etats-Unis, a permis la communication d'une pièce essentielle pour le résultat favorable finalement obtenu par la SNC GBT. Aux termes de la sentence arbitrale en cause, M. F... est " effectivement intervenu en qualité de gérant d'affaire en faveur des intérêts de la SNC GBT " et " a participé efficacement aux résultats obtenus ". La somme en litige correspond ainsi à la rémunération de démarches et diligences, renouvelées pendant plusieurs années et ayant participé à l'obtention de résultats profitables pour l'auteur de la rémunération et son montant a été déterminée en fonction de la durée au cours de laquelle M. F... a apporté son concours, de l'utilité de ce concours et de l'importance de l'avantage qui en est résulté pour la société GBT. La seule circonstance que cette source de profit, qui n'est pas, par nature insusceptible de se renouveler, a été occasionnelle et que son paiement est intervenu en une seule fois ne fait pas obstacle à la qualification de bénéfice non commercial, le revenu en cause n'étant par ailleurs rattachable à aucune autre catégorie. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a considéré que le profit ainsi réalisé par M. F... constituait un revenu et l'a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, au titre de l'année 2010.

9. En deuxième lieu, les requérants, qui ne produisent aucun justificatif ni même ne donnent une quelconque explication, n'établissent pas qu'ils auraient exposé des frais et charges pour un montant supérieur à la somme de 320 000 euros qu'ils ont perçue à ce titre en vertu de la sentence arbitrale déjà mentionnée.

Sur les contributions sociales :

10. Aux termes de l'article 1600-0 F du code général des impôts, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2019 : " I. - Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale. (...) ". Aux termes de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes mentionnés aux I et II de l'article L. 136-6. (...) Les dispositions du III de l'article L. 136-6 sont applicables à ce prélèvement. ". Aux termes de l'article L. 136-6 de ce code, relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine (...) : " I - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France (...) sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) : / (...) f) De tous revenus qui entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles au sens du code général des impôts, à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5. (...) III. - La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I à II, à l'exception du e bis du I, est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu. ".

11. Il résulte de l'instruction que l'administration a soumis la somme de 1 200 000 euros perçue par M. F... au prélèvement social sur les revenus du patrimoine. Contrairement à ce que les requérants soutiennent, les services de l'administration fiscale étaient compétents pour établir cette imposition. Ainsi, leur moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie en l'espèce doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... F... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique le 19 novembre 2019.

N° 18LY002183

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02183
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-05-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices non commerciaux. Personnes, profits, activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PHILIP

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-19;18ly02183 ?
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