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17/12/2020 | FRANCE | N°18LY02117

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 17 décembre 2020, 18LY02117


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 11 janvier 2016 par laquelle le président de la communauté de communes du pays du Grésivaudan a prononcé son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes du pays du Grésivaudan une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601481 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la déc

ision du président de la communauté de communes du pays du Grésivaudan du 11 janvier 2016 et a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 11 janvier 2016 par laquelle le président de la communauté de communes du pays du Grésivaudan a prononcé son licenciement ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes du pays du Grésivaudan une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601481 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du président de la communauté de communes du pays du Grésivaudan du 11 janvier 2016 et a mis à la charge de la communauté de communes du pays du Grésivaudan une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 juin 2018 et deux mémoires, enregistrés le 20 juin 2018 et le 4 octobre 2019, la communauté de communes du pays du Grésivaudan, représentée par Me Fessler (SCP Fessler-Jorquera-Cavailles), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucune méconnaissance de son obligation de reclassement ne saurait lui être reprochée, à défaut d'un emploi de catégorie A disponible et en l'absence de demande de l'intéressé d'un reclassement sur tout autre poste disponible.

Par trois mémoires en défense enregistrés le 22 août 2018, le 30 septembre 2019 et le 3 juin 2020, M. E... C..., représenté par Me B... (H... et associés) puis par Me F..., avocats, conclut au rejet de la requête et demande, dans le dernier état de ses écritures, que soit mise à la charge de la communauté de communes du pays du Grésivaudan la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que :

- la requête est irrecevable, le président de la communauté de communes n'ayant pas été habilité à intenter cette action ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- la décision en litige se fonde en outre sur une décision de nomination elle-même entachée d'illégalité, dès lors qu'elle a été signée par une autorité incompétente et qu'elle n'a pas été précédée d'une délibération créant ce poste et de la consultation du comité technique ;

- la décision en litige se fonde sur un motif inexact, l'emploi qu'il occupait précédemment ayant depuis été supprimé et ne pouvant dès lors être regardé comme ayant été pourvu par un agent titulaire ;

- la communauté de communes a en outre méconnu son obligation de reclassement en s'abstenant de lui proposer de réintégrer son poste ou les trois postes de catégorie A alors vacants.

Par ordonnance du 16 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 juillet 2020.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés en vue de compléter l'instruction.

Un mémoire a été produit le 17 novembre 2020 pour M. C... et n'a pas été communiqué.

Par courrier du 23 novembre 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré de l'illégalité, soulevée par la voie de l'exception, de la décision du 27 août 2015 nommant Mme A... aux fonctions précédemment occupées par M. C..., cette décision étant devenue définitive à la date à laquelle ce moyen a été soulevé.

Un mémoire a été produit le 24 novembre 2020 pour la communauté de communes du pays du Grésivaudan et n'a pas été communiqué.

Un mémoire a été produit le 26 novembre 2020 pour M. C... et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Fessler, avocat, représentant la communauté de communes du pays de Grésivaudan, et de Me Michel, avocat, représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C... a été recruté par un syndicat intercommunal repris à compter du 1er janvier 2010 par la communauté de communes du pays du Grésivaudan, depuis devenue communauté de communes Le Grésivaudan, comme responsable de la gestion des ordures ménagères en qualité de contractuel. Le président de la communauté de communes a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, par décision du 27 janvier 2014, laquelle a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 octobre 2015, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 avril 2017. La communauté de communes du pays du Grésivaudan a procédé à la réintégration juridique de l'intéressé sans procéder à sa réintégration effective dans son ancien emploi, en relevant que celui-ci avait depuis été pourvu par un agent titulaire, et a, à nouveau, prononcé son licenciement par décision du 11 janvier 2016, annulée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018, dont la communauté de communes du pays du Grésivaudan relève appel.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté n° 18-1003 du président de la communauté de communes du pays du Grésivaudan en date du 7 juin 2017, désignant le cabinet d'avocats Fessler, Jorquera et Cavailles pour représenter la communauté de communes dans la présente instance et dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que, par une délibération du 25 avril 2014, le conseil de la communauté de communes a habilité le président de celle-ci à ester en justice au nom de la communauté de communes, à intenter toutes les actions en justice et à défendre les intérêts de la communauté de communes dans l'ensemble des cas susceptibles de se présenter, notamment en appel et devant les juridictions administratives. Celle-ci a été publiée au registre des délibérations du conseil de la communauté de communes et a été transmise aux services de la préfecture le 5 mai 2014, ainsi qu'il ressort des mentions portées sur l'exemplaire disponible sur le site internet de la communauté de communes. La fin de non-recevoir opposée en défense par M. C..., qui, au demeurant, se borne à invoquer l'insuffisance de l'arrêté du 7 juin 2017, ne saurait être retenue.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En exécution d'un jugement annulant une décision illégale d'éviction d'un agent public, l'autorité administrative est tenue de procéder d'office, sans qu'il soit nécessaire que l'intéressé en fasse la demande, à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière. Quels que soient les motifs d'annulation de la décision d'éviction, cette reconstitution de carrière, qui revêt un caractère rétroactif, soit à compter de la date d'effet de l'éviction illégale, comprend la reconstitution des droits sociaux, notamment des droits à pension de retraite, que l'agent aurait acquis en l'absence de cette éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que celui de la part patronale. Par ailleurs, il incombe également à l'autorité administrative, de sa propre initiative, de régler la situation de l'agent pour l'avenir, notamment en procédant, en principe, à sa réintégration effective ou, le cas échéant, en prenant une nouvelle décision d'éviction.

4. Un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l'emploi pour lequel il a été recruté, lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi ou supprimer cet emploi dans le cadre d'une modification de l'organisation du service. Elle peut, pour ce motif, légalement écarter l'agent contractuel de cet emploi.

5. Dans l'attente des décrets prévus par l'article 49 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, l'administration, lorsqu'elle entend pourvoir par un fonctionnaire l'emploi occupé par un agent contractuel titulaire d'un contrat à durée indéterminée, propose à cet agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et si l'intéressé le demande, tout autre emploi. L'agent contractuel ne peut être licencié, sous réserve du respect des règles relatives au préavis et aux droits à indemnité qui résultent, pour les agents non-titulaires de l'Etat, des dispositions des titres XI et XII du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, que si le reclassement s'avère impossible, faute d'emploi vacant, ou si l'intéressé refuse la proposition qui lui est faite.

6. Il est constant que, nonobstant le courrier du président de la communauté de communes du pays du Grésivaudan du 21 octobre 2015 l'interrogeant à cet égard, M. C... n'a pas formulé par écrit de demande tendant, le cas échéant, à être reclassé sur un emploi relevant d'une catégorie hiérarchique inférieure à celle du poste qu'il occupait antérieurement. En tout état de cause, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait formulé une telle demande oralement au cours l'entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 17 décembre 2015, l'intéressé soutenant avoir alors indiqué être prêt à examiner les propositions de poste qui lui seraient faites ce qui ne saurait être assimilé à une telle demande. Dans ces circonstances, à défaut d'une demande en ce sens de M. C..., la communauté de communes du pays du Grésivaudan n'était pas tenue, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, de lui proposer des emplois d'un niveau inférieur à celui qu'il occupait antérieurement, notamment celui de chef d'équipe collecte, pour satisfaire à l'obligation de reclassement lui incombant.

7. Il suit de là que la communauté de communes du pays du Grésivaudan est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 11 janvier 2016.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Grenoble que devant la cour.

9. En premier lieu, la décision affectant un agent titulaire sur un emploi jusqu'alors occupé par un agent contractuel n'est pas une mesure spécialement édictée en vue de permettre le licenciement de ce dernier. Ainsi, ces décisions ne constituent pas une opération complexe. Si, en l'espèce, M. C... se prévaut, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision du 27 août 2015 nommant Mme A..., agent titulaire, sur l'emploi qu'il occupait précédemment, il ressort des pièces du dossier, notamment des courriers échangés le 21 octobre 2015 et le 23 novembre 2015, que M. C... avait, dès cette dernière date, connaissance de cette nomination. Indépendamment de toute publication de cette décision individuelle, le délai de recours ouvert contre cette décision était par suite échu, à son égard, à la date à laquelle il s'est prévalu de son illégalité. Enfin, il n'est nullement établi que cette décision puisse être regardée comme juridiquement inexistante. L'exception d'illégalité de cette décision de nomination est, par suite, irrecevable et ne peut qu'être écartée.

10. En deuxième lieu, il est constant que le licenciement de M. C... a pour motifs, outre l'impossibilité de procéder à son reclassement, l'affectation d'un agent titulaire au poste de directeur de la gestion des déchets qu'il occupait précédemment. La circonstance que la nomination de cet agent titulaire ait été précédée d'un changement du grade de l'emploi budgétaire correspondant à ce poste, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme ayant emporté la suppression de cet emploi suivie de la création d'un nouvel emploi, n'est pas de nature à entacher d'inexactitude ces motifs. Cette circonstance ne peut dès lors être utilement invoquée qu'à l'encontre de la décision de nomination elle-même et est dépourvue d'incidence sur le licenciement en litige.

11. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le poste précédemment occupé par M. C... n'était pas vacant à la date à laquelle pesait sur la communauté de communes du pays du Grésivaudan l'obligation de le réintégrer. Par ailleurs, ce poste ayant toujours été occupé par M. C..., comme par sa successeur, en qualité d'ingénieur et eu égard à la nature des compétences requises pour assumer la gestion des ordures ménagères, il relevait de la filière technique. Dès lors, les postes de catégorie A, qui étaient selon lui alors vacants, mais qui relevaient de filières administratives ou médico-sociales, ne constituaient pas des postes équivalents à celui qu'il occupait précédemment et que la communauté de communes du pays de Grésivaudan aurait été tenue de lui proposer.

12. Enfin, contrairement à ce que prétend M. C..., le poste de responsable de la gestion des ordures ménagères qu'il occupait précédemment a été pourvu avant même que son précédent licenciement ne soit annulé par le tribunal administratif de Grenoble. Par ailleurs, il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la communauté de communes du pays du Grésivaudan ait méconnu son obligation de le réintégrer en exécution de cette annulation et de rechercher une solution de reclassement. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir manque en fait et doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes du pays du Grésivaudan est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 11 janvier 2016.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Le Grésivaudan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 800 euros à verser à la communauté de communes Le Grésivaudan en application de de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. C... versera à la communauté de communes Le Grésivaudan une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Le Grésivaudan et à M. E... C....

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme D... G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 17 décembre 2020.

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N° 18LY02117


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02117
Date de la décision : 17/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Effets des annulations.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDI
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELAS LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-17;18ly02117 ?
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