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27/12/2018 | FRANCE | N°18LY01480

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 27 décembre 2018, 18LY01480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 novembre 2017 par laquelle le préfet de l'Ardèche a décidé son transfert aux autorités slovènes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1708818 du 24 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement n° 1708818 du magistrat désigné par le président du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 novembre 2017 par laquelle le préfet de l'Ardèche a décidé son transfert aux autorités slovènes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1708818 du 24 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2018, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1708818 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 24 janvier 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche d'enregistrer sa demande d'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- le préfet de l'Ardèche n'a pas procédé à un examen complet et particulier de sa situation personnelle ;

- la décision de transfert est illégale, la demande aux autorités slovènes visant à sa prise en charge ayant été formulée après l'expiration du délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il doit être considéré qu'il a introduit sa demande d'asile en France au plus tard le 20 juin 2017 ; à titre subsidiaire, il doit être fait application des dispositions de l'article 24 du règlement ;

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit car une demande d'asile en Bulgarie a été effectuée avant la demande d'asile en Slovénie ;

La requête a été communiquée au préfet de qui n'a pas produit d'observation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 25 janvier 2018, Bundesrepublik Deutschland contre Aziz Hasan, C-360/16 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 30 avril 1993 à Hakimabad (Afghanistan), est entré irrégulièrement en France le 12 juin 2017, selon ses déclarations. Le 4 août 2017, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture du Rhône. Le 8 novembre 2017, le préfet de l'Ardèche a décidé de transférer l'intéressé vers la Slovénie, où il avait présenté une demande d'asile le 5 juin 2017 et qui a expressément accepté, le 6 septembre 2017, de prendre en charge l'examen de sa demande d'asile. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa demande par jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction en date du 24 janvier 2018, dont il fait appel.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

4. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre État membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet État, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'État en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

5. L'arrêté du 8 novembre 2017 en litige, qui vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, se borne, après avoir précisé les circonstances de l'entrée et du séjour irréguliers de M. B... sur le territoire français et mentionné l'attestation de demande d'asile en procédure Dublin remise à l'intéressé le 4 août 2017, en application des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif de son enregistrement au fichier Eurodac en Bulgarie le 16 septembre 2016 et en Slovénie, sous l'identité de Malakzai Omid, le 5 juin 2017, à mentionner que les autorités slovènes, saisies le 24 août 2017 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 paragraphe 1 point b) du règlement n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 6 septembre 2017 et que la Slovénie est donc considérée comme l'État responsable de sa demande d'asile. Ces énonciations, qui ne font pas apparaître que M. B... a antérieurement demandé l'asile en Slovénie, permettant ainsi de déterminer la responsabilité des autorités slovènes, requises aux fins de reprise en charge de l'intéressé, ne l'ont pas mis à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement son recours. Dès lors, la décision litigieuse est insuffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En second lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ". Aux termes de l'article 24 du même règlement, relatif à la " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant " : " 1. Lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite estime qu'un autre État membre est responsable conformément (...) à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. (...) lorsqu'un État membre sur le territoire duquel une personne se trouve sans titre de séjour décide d'interroger le système Eurodac (..), la requête aux fins de reprise en charge d'une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), du présent règlement (...), dont la demande de protection internationale n'a pas été rejetée par une décision finale, est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (...) / 3. Si la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais prévus au paragraphe 2, l'État membre sur le territoire duquel la personne concernée se trouve sans titre de séjour donne à celle-ci la possibilité d'introduire une nouvelle demande. ".

7. Par l'arrêt du 25 janvier 2018, Bundesrepublik Deutschland contre Aziz Hasan, C-360/16, la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit qu'il y a lieu, en vue de sauvegarder l'effet utile de l'article 24, paragraphe 3, du règlement Dublin III, d'interpréter cette disposition en ce sens que lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais prévus à l'article 24, paragraphe 2, de ce règlement, l'État membre sur le territoire duquel se trouve la personne concernée sans titre de séjour est responsable de l'examen de la nouvelle demande de protection internationale que cette personne doit être autorisée à introduire.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été convoqué le 20 juin 2017 au centre d'examen de situation administrative de la préfecture de police de Paris, afin d'examiner sa situation. La " note d'information sur la procédure de reprise en charge par un État membre, règlement n° 604/2013 du 23 juin 2013 dit Dublin III " établie par le préfet de police le 20 juin 2017 mentionne que , lors de l'examen de sa situation administrative, conformément à l'article 17 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, relatif aux ressortissants des pays tiers séjournant illégalement sur le territoire d'un État membre, les empreintes de M. B... ont fait l'objet d'un contrôle qui a fait apparaître qu'il avait déposé une demande d'asile en Bulgarie, le 16 septembre 2016, et en Slovénie, le 5 juin 2017, et qu'une demande de reprise en charge vers ce/ces pays sur le fondement de l'article 18, paragraphe 1, point b) du règlement n° 604/2013 est mise en oeuvre. Toutefois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de police aurait saisi les États précités aux fins de reprise en charge de M. B... dans le délai de deux mois qui lui était imparti conformément au paragraphe 2 de l'article 24 du règlement Dublin III, à compter du résultat positif Eurodac obtenu au plus tard le 20 juin 2017. Le préfet de l'Ardèche n'a, quant à lui, après le dépôt par M. B... de sa demande de protection le 4 août 2017, saisi les autorités slovènes que le 24 août 2017. Conformément à l'interprétation donnée par la Cour de Justice de l'Union Européenne des dispositions du paragraphe 3 de l'article 24 du règlement Dublin III dans l'arrêt précité du 25 janvier 2018, la France était, à compter du 20 août 2017, responsable de l'examen de la nouvelle demande d'asile déposée en France par M. B... à la préfecture du Rhône. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que le préfet de l'Ardèche ne pouvait, sans méconnaître l'article 24 du règlement Dublin III, prendre à son encontre le 8 novembre 2017 une décision de transfert vers la Slovénie.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. "

11. Le présent arrêt implique seulement que l'autorité administrative compétente statue à nouveau sur le cas de M. B..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Zouine, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le paiement à cet avocat d'une somme de 800 euros au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 24 janvier 2018 et l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 8 novembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ardèche d'examiner à nouveau la situation de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Zouine la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la contribution de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Privas.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 décembre 2018.

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N° 18LY01480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01480
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-27;18ly01480 ?
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