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31/10/2018 | FRANCE | N°18DA00637

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 31 octobre 2018, 18DA00637


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'établissement public Voies navigables de France a déféré Mme C... A...au tribunal administratif d'Amiens, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenue d'une contravention de grande voirie et a demandé au tribunal, en premier lieu, d'enjoindre à l'intéressée de libérer la maison éclusière qu'elle occupe sans droit ni titre à Chavignon, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, en second lieu, de la condamner au paiement

d'une somme totale de 250 euros au titre des frais d'établissem...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : L'établissement public Voies navigables de France a déféré Mme C... A...au tribunal administratif d'Amiens, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenue d'une contravention de grande voirie et a demandé au tribunal, en premier lieu, d'enjoindre à l'intéressée de libérer la maison éclusière qu'elle occupe sans droit ni titre à Chavignon, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, en second lieu, de la condamner au paiement d'une somme totale de 250 euros au titre des frais d'établissement et de notification du procès-verbal et des frais de notification du jugement à intervenir par voie d'huissier de justice. Par un jugement n° 1700002 du 28 décembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a condamné MmeA..., d'une part, à libérer la maison qu'elle occupe indûment dans le délai d'un mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, d'autre part, à verser à l'établissement public Voies navigables de France les sommes de 140 euros correspondant aux frais engagés pour l'établissement et la notification du procès-verbal et de 110 euros correspondant aux frais de notification du jugement à intervenir par huissier de justice, sous réserve que cet établissement public fasse effectivement signifier ce jugement par acte d'huissier de justice.

Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mars et 1er août 2018, Mme C...A..., représentée par la SCP Bejin, Camus, Belot, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter les demandes de l'établissement public Voies navigables de France. --------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code des transports ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme A...a été autorisée à occuper une maison éclusière située sur le territoire de la commune de Chavignon sur le fondement d'une convention d'occupation conclue avec l'établissement public Voies navigables de France et courant, en dernier lieu, jusqu'au 31 décembre 2015. Cette convention n'a pas été renouvelée au-delà de cette date mais Mme A... s'est maintenue dans les lieux. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 4 février 2016 à l'encontre de Mme A...puis déféré au tribunal administratif d'Amiens par l'établissement public Voies Navigables de France qui se fonde sur l'appartenance du bien au domaine public fluvial. Mme A...relève appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens, sans statuer sur l'action publique, l'a condamnée à libérer la maison qu'elle occupe dans un délai d'un mois et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ainsi qu'à verser diverses sommes au titre des frais d'établissement du procès-verbal et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur la régularité du jugement : 2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a omis de se prononcer sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative soulevée par Mme A...dans son mémoire en défense. Il n'a pas non plus répondu aux moyens de défense de l'intéressée tirés du défaut de qualité de l'établissement public Voies navigables de France pour rechercher son expulsion et de l'illégalité de la décision par laquelle cet établissement a refusé de renouveler la convention sur le fondement de laquelle elle occupait la maison en cause. Ainsi, le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens est entaché d'une insuffisance de motifs et doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'établissement public Voies navigables de France devant le tribunal administratif d'Amiens. Sur la compétence de la juridiction administrative : 4. La maison éclusière occupée par MmeA..., située sur le territoire de la commune de Chavignon, sur la rive gauche du canal de l'Oise à l'Aisne, est une propriété de l'Etat dont la gestion a été confiée à l'établissement public Voies navigables de France, et est au nombre des ouvrages destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation sur le domaine public fluvial. Si elle n'est plus aujourd'hui affectée à cette destination, il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas fait l'objet d'une décision expresse de déclassement, seule de nature à entraîner sa sortie du domaine public. Les stipulations de la convention d'occupation conclue entre Mme A...et le gestionnaire de ce bien sont, en tout état de cause, sans influence sur cette qualification. Dès lors, le présent litige relatif à la réparation des atteintes qui sont apportées au domaine public fluvial dont la conservation a été confiée à l'établissement public Voies navigables de France et qui ne peuvent être poursuivies que par la voie administrative, ressortit à la compétence de la juridiction administrative. Mme A...n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les demandes de cet établissement doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Sur l'action publique : 5. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / Pour le domaine public défini à l'article L. 4314-1 du code des transports, l'autorité désignée à l'article L. 4313-3 du même code est substituée au représentant de l'Etat dans le département. (...) / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance ". 6. Il résulte des dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative que le juge de la contravention de grande voirie, dès qu'il est saisi par une autorité compétente, doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens. 7. Toutefois, en application d'un principe général du droit des sanctions, la situation de l'appelante ne peut être aggravée sur son seul appel. 8. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens n'a pas, comme il le devait malgré l'absence de conclusions explicites en ce sens, statué sur l'action publique et n'a, par suite, infligé aucune peine à Mme A...à ce titre. Toutefois, l'établissement public Voies navigables de France n'a pas interjeté appel du jugement. Dès lors, en application du principe rappelé au point 7, il n'y a pas lieu, pour la cour, saisie du seul appel de MmeA..., de statuer sur l'action publique. Sur l'action domaniale : 9. Aux termes de l'article L. 4313-2 du code des transports : " Voies navigables de France est substitué à l'Etat dans l'exercice des pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public qui lui est confié (...) ". Aux termes de l'article L. 4313-3 du même code : " Dans le cas où des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine défini par le chapitre IV du présent titre ont été constatées, le directeur général de Voies navigables de France saisit la juridiction territorialement compétente, en lieu et place du préfet, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative (...) ". 10. En application des dispositions citées au point précédent, l'établissement public Voies navigables de France est substitué à l'Etat dans l'exercice des pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public fluvial. Il en résulte que cet établissement est compétent pour poursuivre la procédure de contravention de grande voirie visant l'occupation irrégulière, par MmeA..., d'une maison éclusière relevant, ainsi qu'il a été dit au point 4, du domaine public fluvial. 11. Aucune disposition n'imposait au gestionnaire du domaine public de notifier à l'intéressée un commandement de payer avant de rechercher son expulsion devant la juridiction administrative. Au demeurant, il résulte de l'instruction que de nombreux commandements de payer ont été adressés à Mme A...pour recouvrer ses redevances d'occupation impayées. 12. Aux termes du second alinéa de l'article L. 4313-2 du code des transports : " Les contraventions sont constatées par les agents mentionnés aux articles L. 2132-21 et L. 2132-23 du code général de la propriété des personnes publiques ". Aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance, les agents de police judiciaire et les officiers de police judiciaire sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie ". Aux termes de l'article L. 2132-23 du même code : " Ont compétence pour constater concurremment les contraventions en matière de grande voirie définies aux articles L. 2132-5 à L. 2132-10, L. 2132-16 et L. 2132-17 : / (...) / 3° Les personnels de Voies navigables de France sur le domaine qui lui a été confié, commissionnés par le directeur général de Voies navigables de France et assermentés devant le tribunal de grande instance, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat (...) ". 13. L'établissement public Voies navigables de France a produit les éléments justifiant de l'assermentation de M. D...B..., auteur du procès-verbal de contravention de grande voirie. Cet agent était ainsi habilité à dresser le procès-verbal du 4 février 2016. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait irrégulière en raison de l'incompétence de l'auteur du procès-verbal de contravention de grande voirie. 14. Si l'observation du délai de dix jours mentionné par les dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, citées au point 5, n'est pas prescrite à peine de nullité, les conditions et délais dans lesquels est notifié le procès-verbal ne doivent pas porter atteinte aux droits de la défense. 15. Il résulte de l'instruction que Mme A...a reçu notification le 28 octobre 2016 du procès-verbal de contravention de grande voirie du 4 février 2016. Si cette notification est intervenue au-delà du délai prévu par les dispositions citées au point précédent, il n'est pas démontré, en tout état de cause, que ce retard, pour regrettable qu'il soit, aurait eu en l'espèce pour effet de porter atteinte aux droits de la défense. 16. Aucune disposition ni aucun principe n'imposaient que les constatations effectuées par l'auteur du procès-verbal du 4 février 2016 soient réalisées en présence de MmeA.... Dès lors, la circonstance que celle-ci était absente lorsque l'agent assermenté a effectué ses constatations n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité, ni ne retire à ces constatations leur valeur probante, alors au demeurant qu'il n'est nullement contesté que Mme A... occupait la maison éclusière en cause. 17. Il est constant que la convention sur le fondement de laquelle Mme A...occupait la maison éclusière en cause n'a plus été renouvelée au-delà de son terme prévu, en dernier lieu, le 31 décembre 2015. Si l'intéressée fait valoir que la décision de l'établissement public Voies navigables de France de ne pas renouveler cette convention d'occupation ne reposait sur aucun motif d'intérêt général, il résulte de l'instruction que Mme A...ne versait plus la redevance d'occupation prévue par la convention et était redevable, à la date de ce refus de renouvellement, d'une dette de plusieurs milliers d'euros à ce titre. Ce manquement de l'intéressée à ses obligations contractuelles justifiait, en tout état de cause, le refus de l'établissement public Voies navigables de France de renouveler la convention. Cet établissement est, dès lors, fondé à soutenir que Mme A...est occupante sans titre de la maison éclusière en cause. 18. Il résulte de tout ce qui précède que l'établissement public Voies navigables de France est fondé à demander que soit ordonnée l'expulsion sans délai de Mme A...du logement qu'elle occupe. Il y a lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte de 50 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir. Sur les frais d'établissement et de notification du procès-verbal : 19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme A...à verser à l'établissement public Voies navigables de France la somme de 140 euros au titre des frais d'établissement et de notification du procès-verbal de contravention de grande voirie. Sur les frais liés au litige : 20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...le versement à l'établissement public Voies navigables de France de la somme de 250 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens du 28 décembre 2017 est annulé. Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'action publique. Article 3 : Il est enjoint à Mme A...de libérer sans délai la maison éclusière qu'elle occupe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : Mme A...versera à l'établissement public Voies navigables de France les sommes de 140 euros au titre des frais d'établissement et de notification du procès-verbal de contravention de grande voirie et de 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et à l'établissement public Voies navigables de France. N°18DA00637 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18DA00637
Date de la décision : 31/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Charles-Edouard Minet
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP BEJIN CAMUS BELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-31;18da00637 ?
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