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24/05/2018 | FRANCE | N°17VE03794

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 24 mai 2018, 17VE03794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a ordonné son transfert vers l'Italie, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation en application de l'articl

e L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, dans le dernier état de ses écritures, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a ordonné son transfert vers l'Italie, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation en application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1710098 du 17 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil, après avoir admis M. A...à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'une part, a annulé les arrêtés du PREFET DE LA SEINE-SEINE-DENIS en date du 13 novembre 2017, d'autre part, lui a enjoint de statuer à nouveau sur le cas de l'intéressé, en application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me B..., de la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2017, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de transfert en litige était insuffisamment motivée ; d'une part, cette décision mentionne les considérations de droit et de fait qui la fondent ; d'autre part, au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, aucun texte ne fait obligation à l'autorité administrative de mentionner dans la décision de transfert le critère de responsabilité retenu, parmi ceux énoncés au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; en outre, l'ensemble des exigences rappelées dans l'arrêt de la Cour de justice du 7 juin 2016, C-63/15, ont été, en l'espèce, respectées ; en particulier, M. A...a été informé, avant l'intervention de la décision de transfert en litige, de ce que les autorités italiennes avaient relevé ses empreintes et cette décision mentionne la procédure de prise en charge engagée à son encontre, éléments qui lui permettaient de comprendre les dispositions dont l'autorité préfectorale a entendu faire application ;

- le signataire de cette décision bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet ;

- M. A...a bénéficié d'un entretien individuel dans le respect des exigences des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- cette décision n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est exempte d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision d'assignation à résidence en litige est suffisamment motivée ;

- cette décision a été prise conformément aux dispositions du 1° du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de M.A....

1. Considérant que M.A..., ressortissant bangladais né le 3 janvier 1992 et entré en France, selon ses déclarations, le 6 février 2017, a présenté, le 29 mars 2017, une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis ; que la comparaison du relevé décadactylaire de ses empreintes, effectué le même jour, avec le fichier Eurodac a établi qu'elles avaient déjà été relevées le 15 décembre 2016 par les autorités italiennes ; qu'après un entretien individuel mené le 29 mars 2017 avec l'intéressé, l'autorité préfectorale a saisi, le 24 mai 2017, ces autorités d'une demande de prise en charge qui a été implicitement acceptée le 24 juillet 2017 ; que, par deux arrêtés du 13 novembre 2017 notifiés le même jour, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a ordonné le transfert de M. A...vers l'Italie, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ; que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement du 17 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé, à la demande de M.A..., ses arrêtés du 13 novembre 2017 et lui a enjoint de statuer à nouveau sur le cas de l'intéressé, en application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, (...) la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. " ;

3. Considérant, d'autre part, que le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre ; que, selon le même règlement, l'application de ces critères est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 du même article ; que l'article 3 du règlement prévoit également, dans son paragraphe 2, que " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen ", et réserve, au deuxième alinéa du même paragraphe, le cas de " défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs " prévalant dans " l'État membre initialement désigné comme responsable " ; qu'en outre, il résulte clairement des dispositions de l'article 7 du règlement que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date ; que, par ailleurs, l'article 18 du règlement définit, dans son paragraphe 1, les obligations qui pèsent sur l'État membre qui est responsable de l'examen d'une demande d'asile et mentionne différents cas dans lesquels ce dernier doit " prendre en charge " ou " reprendre en charge " un demandeur qui a introduit une demande dans un autre Etat membre ; que les articles 20 et suivants du même règlement fixent les règles selon lesquelles sont organisées les procédures de prise en charge ou de reprise en charge d'un demandeur d'asile par l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que ces articles déterminent notamment les conditions dans lesquelles l'Etat, sur le territoire duquel se trouve le demandeur d'asile, requiert l'Etat qu'il estime responsable de l'examen de la demande d'asile aux fins de prise ou de reprise en charge du demandeur d'asile ; que, dans ce cadre, le paragraphe 1 de l'article 26 du règlement précise : " Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale " ; que le paragraphe 1 de l'article 27 du règlement prévoit, pour sa part, que le demandeur " dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction " ;

4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...). " ;

5. Considérant que la requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS présente à juger notamment les questions suivantes :

- la décision de transfert prise en application de l'article 26 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 doit-elle mentionner, au titre de l'obligation de motivation prévue à l'article L. 742-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le critère retenu lors de la détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile ainsi que les éléments de fait ayant conduit à l'application de ce critère ou bien convient-il de considérer que l'application éventuelle d'un critère de responsabilité relève du processus de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, auquel est d'ailleurs associé le demandeur, mais ne constitue pas l'une des considérations de droit et de fait fondant une décision de transfert qui ne peut être prise qu'après l'acceptation de la prise ou de la reprise en charge par l'Etat requis '

- le cas échéant, convient-il de distinguer entre le cas où la décision de transfert est prise à la suite de l'acceptation d'une demande de prise en charge, le ressortissant étranger ayant pour la première fois sollicité l'asile en France, et le cas où une telle décision fait suite à l'acceptation d'une demande de reprise en charge, le ressortissant étranger ayant sollicité l'asile dans un autre Etat que la France et la détermination de l'Etat en principe responsable de l'examen de sa demande ayant été effectuée une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile au vu de la situation prévalant à cette date '

6. Considérant que ces questions de droit soulèvent une difficulté sérieuse et sont susceptibles de se poser dans de nombreux litiges ; qu'il y a lieu dès lors, en application des dispositions précitées de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de surseoir à statuer sur la présente requête et de transmettre pour avis le dossier de cette requête au Conseil d'Etat ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait fait connaître son avis sur les questions de droit posées au point 5 du présent arrêt ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la communication du dossier prévue à l'article 2 ci-dessous.

Article 2 : Le dossier de la requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est transmis au Conseil d'Etat.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent jugement sont réservés jusqu'en fin d'instance.

2

N° 17VE03794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03794
Date de la décision : 24/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-05-24;17ve03794 ?
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