Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Le trou d'Houillet a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner solidairement la commune de Limay et l'Etat à lui verser la somme de 750 000 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de l'illégalité des décisions du 15 février 2007 et du 27 juillet 2010 par lesquelles la commune de Limay a refusé de délivrer un permis de lotir en neuf lots un terrain cadastré AI 47 situé 69 avenue André-Lecoq sur le territoire de cette commune, de l'illégalité des décisions du 13 mars 2014 par lesquelles le maire de cette commune a délivré neuf certificats d'urbanisme négatifs ainsi que de l'illégalité de l'arrêté du 30 juin 2007 par lequel le préfet des Yvelines a approuvé le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la vallée de la Seine et de l'Oise dans le département des Yvelines en tant qu'il classe sa parcelle en zone naturelle et donc en zone verte et en zone d'aléa fort.
Par un jugement n° 1405578 du 11 octobre 2017 le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2017, et deux mémoires, enregistrés les 13 septembre 2018 et 9 janvier 2019, la SCI Le trou d'Houillet, représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement ;
2° de condamner solidairement la commune de Limay et l'Etat à lui verser la somme de 750 000 euros majorée des intérêts à compter de la réception des demandes indemnitaires préalables ;
3° de mettre à la charge solidairement de la commune de Limay et de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les fautes commises par la commune résultent du refus de permis d'aménager du 15 février 2007 dont l'annulation est devenue définitive alors qu'un tel permis antérieur au PPRI aurait cristallisé les dispositions d'urbanisme applicables au lotissement et de l'application fautive du PPRI par la délivrance le 13 mars 2014 de 9 certificats d'urbanisme négatifs portant atteinte à la chose jugée ;
- la faute commise par la préfecture des Yvelines résulte du classement doublement fautif en zone urbanistique naturelle inconstructible et en zone verte d'aléa fort à modéré de submersion de la parcelle en cause ; la juridiction administrative a jugé qu'il n'existait aucun risque au titre de l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme et que l'aménagement du terrain n'emportait aucun empêchement au titre de l'écoulement des eaux, ce qui interdit donc le classement en zone verte du PPRI ; le terrain en cause n'a subi aucune inondation lors de la crue de janvier 2018 ;
- le lien de cause à effet est certain avec le préjudice subi d'avoir été privée de la possibilité de céder en 2007 et pendant au moins 5 ans le terrain à une société de promotion immobilière pour une somme de 640 000 euros à actualiser à hauteur d'un montant de 750 000 euros ; le terrain constructible ressortant alors à la valeur de 170 euros le m² ne présente plus actuellement aucune valeur.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret du 8 février 1991 portant approbation du plan des surfaces submersibles de la vallée de la Seine, pour la section située dans le département des Yvelines, de Carrières-sur-Seine à Port-Villez en rive droite et de Bougival à Port-Villez en rive gauche, et déterminant les dispositions techniques applicables ;
- l'arrêté du 30 juin 2007 du préfet des Yvelines portant approbation du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la vallée de la Seine et de l'Oise dans le département des Yvelines ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la SCI Le trou d'Houillet.
Une note en délibéré, présentée pour la SCI Le trou d'Houillet, a été enregistrée le 17 octobre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Le trou d'Houillet, propriétaire d'un terrain cadastré section AI n° 47 situé 69 avenue André-Lecoq sur le territoire de la commune de Limay, a déposé, le 12 juin 2006, une demande d'autorisation de lotir neuf lots d'une surface totale de 4 414 m². Cette demande a été rejetée par un arrêté du maire de la commune de Limay du 15 février 2007 qui a été annulé par un jugement du 4 mai 2010 du Tribunal administratif de Versailles confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 9 février 2012 au motif que le maire avait entaché son arrêté d'erreur d'appréciation en se fondant sur ce que le projet était de nature à porter atteinte à la salubrité ou la sécurité publique, " nonobstant le fait qu'un plan de prévention des risques d'inondation classant le terrain d'assiette dans une zone inconstructible, destinée à accueillir l'expansion des crues, ait été en cours d'élaboration à la date de l'arrêté attaqué ". Une seconde décision de refus d'autorisation de lotir du 27 juillet 2010 a été annulée par un jugement du 29 novembre 2012 du même tribunal au motif que " la commune de Limay ne pouvait, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation rejeter la demande de permis d'aménager au motif qu'elle méconnaissait les dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lesquelles permettent à l'autorité compétente, en tant que de besoin, d'assortir de prescriptions spéciales l'autorisation sollicitée ". Après avoir délivré à la SCI Le trou d'Houillet, le 13 mai 2013, un certificat d'autorisation tacite d'aménager pour la création d'un lotissement de neuf lots, le maire de la commune de Limay, saisi le 20 janvier 2014 de neuf demandes de certificats d'urbanisme pré-opérationnels, a délivré à la SCI, le 13 mars 2014, neuf certificats d'urbanisme négatifs. La SCI Le trou d'Houillet, dont la double demande préalable d'indemnisation du 26 mai 2014 pour un montant respectif de 750 000 euros a été rejetée par une décision du 28 juillet 2014 du préfet des Yvelines et une décision implicite de la commune, a saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à voir engager la responsabilité de l'Etat et de la commune de Limay et à les condamner solidairement à lui verser une indemnité de 750 000 euros, en réparation des préjudices résultant des fautes commises par la commune de Limay et par l'Etat. Par un jugement du 11 octobre 2017, dont la SCI Le trou d'Houillet relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande.
Sur la responsabilité de la commune de Limay au titre des certificats d'urbanisme négatifs :
2. Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
3. D'une part, l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 9 février 2012 et au jugement du 29 novembre 2012 ainsi qu'aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire rappelés au point 1, interdisait, en l'absence de circonstance nouvelle de droit ou de fait, au maire de la commune de Limay de se fonder à nouveau sur un motif de rejet de permis d'aménager tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. D'autre part, le jugement du 29 novembre 2012 du Tribunal administratif de Versailles interdisait également de fonder un refus de permis d'aménager sur le fondement de dispositions intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision de refus annulée. Il est constant, en l'espèce, que le maire de la commune de Limay a, dans le respect de l'autorité de chose jugée, délivré, le 13 mai 2013, un certificat de permis d'aménager tacite pour la création d'un lotissement de neuf lots destinés à être bâtis.
4. Les neuf certificats d'urbanisme négatifs délivrés ultérieurement le 13 mars 2014 qui se fondent sur ce que le projet est prévu, d'une part, sur un terrain situé " en zone verte du PPRI de la vallée de la Seine et de l'Oise dans les Yvelines approuvé en juin 2007 " inconstructible car devant conserver une fonction de champ d'expansion des crues de la Seine, et, d'autre part, sur un " emplacement réservé : réserve d'équipement n° 20 du PLU : espace vert et liaison piétonne " relevant de nouvelles circonstances de droit ne méconnaissent donc pas l'autorité de chose jugée. En tout état de cause, à supposer même que le terrain en cause ne soit pas dans le champ d'expansion des crues de la Seine dès lors qu'il n'aurait pas été inondé lors des débordements récents, la société requérante ne conteste pas la légalité du second motif relatif à l'emplacement réservé fondant les certificats d'urbanisme négatifs du 13 mars 2014.
5. Par suite, la SCI Le trou d'Houillet n'est pas fondée à soutenir que le maire de la commune de Limay, en délivrant les neuf certificats d'urbanisme négatifs, aurait commis une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de cette commune.
Sur la responsabilité de l'Etat au titre du classement en zone verte du PPRI :
6. Le terrain d'assiette du projet de lotissement était classé en zone B dite d'expansion des crues, en vertu de l'article 1er du décret du 8 février 1991 susvisé, lequel autorisait dans cette zone les constructions sous réserve de prescriptions spéciales. Le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la vallée de la Seine et de l'Oise dans les Yvelines approuvé le 30 juin 2007 classe le terrain d'assiette dans une zone verte qu'il définit par " les zones vertes sont constituées de l'ensemble des secteurs inondables non bâtis, au bâti dispersé ou obsolète soumis aux aléas modérés à très forts (de 0m à plus de 2m) (...) Ces secteurs considérés comme non constructibles doivent conserver ou retrouver leur fonction de champ d'expansion des crues de la Seine. ". Il résulte de l'instruction que la parcelle litigieuse laissée à l'état naturel ne comporte aucune construction et qu'elle se situe entre les plus hautes eaux connues (PHEC) par référence à la crue de 1910 pour la Seine d'une hauteur 20,82 NGF en amont et 20,74 NGF en aval. D'une part, les circonstances qu'une extrémité de la parcelle vers la rue du Docteur-Vinaver serait à une altitude comprise entre 20,58 NGF, donc proche de 0 m de la PHEC d'amont, et 22,46, donc hors aléa et que des constructions soient implantées sur les parcelles limitrophes, n'est pas de nature à établir que le plan serait entaché d'une inexactitude ou d'une erreur d'appréciation de la " fonction de champ d'expansion des crues de la Seine " de l'ensemble de la parcelle en cause dont la majeure partie est sous le niveau des PHEC. D'autre part, l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 9 février 2012 et au jugement du 29 novembre 2012 ainsi qu'aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire rappelés au point 1, n'implique ni l'illégalité du PPRI en ce qui concerne le classement en zone verte de la parcelle ni le droit au maintien des dispositions techniques applicables en zone B dite d'expansion des crues de l'article 1er du décret du 8 février 1991.
7. Par suite, la SCI requérante n'est pas fondée à soutenir que l'Etat aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Sur la responsabilité de la commune de Limay au titre des refus de permis d'aménager :
8. La décision par laquelle l'autorité administrative s'oppose illégalement à une opération de lotissement constitue une faute de nature à engager sa responsabilité. Dans le cas où l'autorité administrative pouvait, sans méconnaître l'autorité absolue de la chose jugée s'attachant au jugement d'annulation de cette décision, légalement rejeter la demande d'autorisation, au motif notamment que le lotissement projeté était situé dans un secteur inconstructible en vertu des règles d'urbanisme applicables, l'illégalité commise ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices résultant de l'impossibilité de mettre en oeuvre le projet immobilier projeté. Dans les autres cas, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison du refus illégal opposé à la demande de lotissement revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va, toutefois, autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs des lots ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Ce dernier est alors fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
9. La société demande à être indemnisée de la perte du prix de cession de son terrain résultant de l'illégalité des refus d'autorisation de lotir du 15 février 2007 et du 27 juillet 2010, qui aurait selon elle fait obstacle à la vente du terrain dès 2007 pour un montant de 640 000 euros, actualisé à 750 000 euros devant la juridiction. Il résulte cependant de l'instruction que le " protocole d'accord " sous seing privé aux termes duquel un autre promoteur immobilier s'engageait le 2 mai 2007 à acquérir le terrain litigieux au prix de 640 000 euros était assorti de conditions suspensives concernant " Les caractéristiques particulières de ce terrain, nécessitant une nouvelle étude et probablement un procès, ne permettent pas de définir l'évolution de la vente " et l'obtention d'un " permis " et de celle encore " que tous les recours soient épuisés ". La SCI Le trou d'Houillet se borne à se prévaloir de cette seule " valeur attribuée à l'opération par un autre promoteur " et des prix moyens d'autres terrains constructibles sans justifier de circonstances particulières, telles que d'autres démarches de vente ou un renouvellement de l'engagement souscrit en 2007 par le futur acquéreur du terrain notamment lorsqu'elle s'est vu délivrer le 13 mai 2013 un certificat d'autorisation tacite d'aménager un lotissement. Ainsi, dans ces conditions, le chef de préjudice en cause ne présente pas un caractère suffisamment certain pour ouvrir droit à indemnisation.
10. Il résulte de ce qui précède que la SCI Le trou d'Houillet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Par voie de conséquence du rejet de ses conclusions en annulation, les conclusions de la SCI Le trou d'Houillet tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Limay présentées en application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Le trou d'Houillet est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Limay présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 17VE03775 2