Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge de son obligation solidaire au paiement de la somme de 765 959 euros, correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge des époux B... au titre des années 2005 et 2006.
Par une ordonnance n° 1606642 du 9 octobre 2017, le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 octobre et 15 décembre 2017 et régularisés le 9 février 2018, Mme E..., représentée par Me Baguet, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de prononcer la décharge de son obligation solidaire ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité de l'ordonnance :
- le juge de première instance ne pouvait pas rejeter sa demande sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative en se fondant sur les dispositions de l'article 382 quater de l'annexe 2 au code général des impôts dont elle invoque l'illégalité par la voie de l'exception au motif que ces dispositions méconnaissent son droit à un recours juridictionnel effectif, limitent illégalement l'office du juge du plein contentieux de la décharge de l'obligation solidaire au paiement de l'impôt, et créent implicitement mais nécessairement un nouveau cas d'irrecevabilité des requêtes portées devant les juridictions administratives ;
- la production, devant le tribunal, d'une pièce qui n'avait pas été soumise à l'administration fiscale, que ces dispositions prohibent, n'avait pas le caractère d'un fait manifestement insusceptible de venir au soutien du moyen soumis au premier juge au sens du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
- l'administration fiscale ne pouvait pas exiger d'elle la production du jugement prononçant son divorce alors-même que les modalités de preuve de la séparation ne sont pas régies par le code général des impôts ;
- l'administration ne pouvait pas s'appuyer sur l'absence d'obligation de résidence commune des époux pour tenir pour insuffisamment probante la circonstance qu'elle vit séparément de M. B..., dès lors que l'article 215 du code civil exige une communauté de vie entre époux ;
- sa situation financière justifie qu'il soit fait droit à sa demande de décharge de son obligation solidaire au paiement de l'impôt.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a demandé à l'administration fiscale, le 17 février 2015, à être déchargée, sur le fondement des dispositions du II de l'article 1691 bis du code général des impôts, de son obligation solidaire au paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle avait été assujettie, au titre des années 2005 et 2006, avec M. A... B... avec qui elle était mariée. Cette demande a été rejetée par un courrier du directeur départemental des finances publiques des Yvelines du 8 septembre 2016. L'intéressée relève appel de l'ordonnance du 9 octobre 2017 par laquelle le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à la décharge de cette obligation solidaire.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que (...) des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien (...) ".
3. Aux termes de l'article 1691 bis du code général des impôts : " I. - Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement : (...) / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune (...) / II. - 1. Les personnes divorcées ou séparées peuvent demander à être déchargées des obligations de paiement prévues au I (...) lorsque, à la date de la demande : / a) Le jugement de divorce ou de séparation de corps a été prononcé (...) ". Le dernier alinéa de l'article 382 quater de l'annexe 2 à ce code, issu de l'article 1er du décret du 18 avril 2012, prévoit quant à lui que " Le demandeur ne peut soumettre au juge des pièces justificatives autres que celles qu'il a déjà produites à l'appui de la demande de décharge de responsabilité qu'il a présentée au directeur départemental des finances publiques ou au directeur en charge du service à compétence nationale, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans cette demande ".
4. Il résulte de l'instruction qu'à l'appui de sa demande de décharge de l'obligation solidaire au paiement de l'impôt sur le revenu, Mme E... a fait valoir devant le Tribunal administratif qu'elle remplissait les conditions posées par l'article 1691 bis du code général des impôts en invoquant notamment le fait qu'elle était divorcée de son ex-conjoint.
5. Pour rejeter, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande présentée par Mme E..., le président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a notamment relevé, en se fondant sur les dispositions précitées de l'article 382 quater de l'annexe II au code général des impôts, que l'intéressée ne pouvait pas soumettre au tribunal son jugement de divorce dès lors qu'elle n'avait pas préalablement produit cette pièce devant le directeur départemental des finances publiques des Yvelines, pour en déduire que sa requête n'était, dans cette mesure, assortie que d'un fait manifestement insusceptible de venir à son soutien.
6. Toutefois, la production du jugement de divorce de Mme E..., destinée à établir la réalité du divorce allégué au soutien de son moyen tiré de ce qu'elle remplissait les conditions posées par l'article 1691 bis précité du code général des impôts, s'attache non aux faits dont l'appelante s'était prévalue devant l'administration fiscale, mais uniquement aux pièces de nature à établir la matérialité de ces faits. L'examen de cette pièce, au regard des dispositions précitées de l'article 382 quater de l'annexe II au code général des impôts, relève d'une appréciation du bien-fondé de ce moyen. Cette pièce ne saurait, dès lors, être assimilée à un fait manifestement insusceptible de venir au soutien de ce moyen au sens des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme E... est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire au Tribunal administratif de Versailles pour qu'il statue à nouveau sur la demande de Mme E....
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 5ème chambre du Tribunal administratif de Versailles du 9 octobre 2017 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au Tribunal administratif de Versailles.
Article 3 : L'État versera à Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 17VE03169