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29/05/2019 | FRANCE | N°17VE02884

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 29 mai 2019, 17VE02884


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Cofidis a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2009 pour un montant en droits et intérêts de retard de 10 884 812 euros.

Par un jugement n° 1600888 du 11 mai 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Cofidis de ces compléments d'imposition et a rehaussé la base imposable de ces impôts dus au titre de l'année 2010 de 6 7

86 727 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Cofidis a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2009 pour un montant en droits et intérêts de retard de 10 884 812 euros.

Par un jugement n° 1600888 du 11 mai 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Cofidis de ces compléments d'imposition et a rehaussé la base imposable de ces impôts dus au titre de l'année 2010 de 6 786 727 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 septembre 2017 et 5 juin 2018, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la charge de la société l'impôt sur les sociétés et la contribution sociale au titre de l'année 2009 à hauteur de la somme de 10 884 812 euros.

Le ministre soutient que la provision concernant des crédits à la consommation ayant donné lieu à au moins un impayé depuis 90 jours n'est pas déductible dès lors que la perte provisionnée n'est pas probable et que son montant, déterminé de manière statistique, est insuffisamment précis.

..........................................................................................................

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tronel,

- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Cofidis.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cofidis, spécialisée dans le crédit à la consommation aux particuliers, octroie des prêts à la consommation à distance. Elle a constitué, au cours des années 2009 et 2010, des provisions concernant des crédits ayant donné lieu à au moins un impayé depuis moins de 90 jours. Ces provisions ne faisant pas l'objet d'un traitement spécifique par le règlement du Comité de la réglementation comptable n° 2002-03 du 12 décembre 2002 relatif au traitement comptable du risque de crédit dans les entreprises relevant du Comité de la réglementation bancaire et financière alors applicable, c'est sur le fondement du 1 de l'article 39 du code général des impôts qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société, l'administration a remis en cause le caractère déductible de ces provisions et les a réintégrées dans les bases imposables de la société. Cette réintégration s'est traduite par un rehaussement en base de 28 024 168 euros au titre de 2009 et une réduction de 6 786 727 euros au titre de 2010 du fait de la correction symétrique de la reprise sur cet exercice de la provision comptabilisée en 2009. Les impositions supplémentaires de l'année 2009 ont été mises en recouvrement le 15 avril 2015. Saisi par la société Cofidis, par un jugement du 11 mai 2017, le Tribunal administratif de Montreuil l'a déchargée des rappels d'impôt sur les sociétés et de contributions sociale mis à sa charge au titre de 2009 et rehaussé la base imposable de l'année 2010 de 6 786 727 euros. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. / (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

3. L'administration soutient que la charge provisionnée n'est pas probable au sens de dispositions précitées dès lors que le seul évènement qui déclenche la constitution des provisions en litige est l'existence d'un ou deux impayés inférieurs à 90 jours, sans que la société Cofidis prenne en compte concrètement la capacité de ses clients à rembourser leur dette.

4. Il résulte des explications fournies par la société Cofidis que l'évènement justifiant la constitution de la provision au cours de l'exercice considéré est l'existence d'un ou plusieurs impayés dans une période de 90 jours. Elle rappelle qu'à la différence des organismes bancaires classiques, elle ne dispose pas de compte courant client et ne peut pas compenser un impayé avec un débit sur un tel compte. Elle précise que lorsqu'elle constate un impayé depuis moins de 90 jours, une représentation automatique du prélèvement a lieu au cours du premier mois. Si cette tentative demeure infructueuse, elle adresse à son débiteur un courrier l'invitant à la contacter ou à régulariser sa situation. Elle poursuit par des campagnes d'appels et dès le premier contact avec son client, elle l'interroge sur sa situation financière, familiale, sur le motif de l'impayé et ses perspectives de régularisation. Mais ni le non-paiement des créances à leur échéance, ni l'échec des campagnes d'appel, qui ne consistent qu'à reprendre contact avec le client défaillant, ni l'impossibilité de compenser cet impayé par un prélèvement sur les comptes bancaires de ses clients, qui résulte du seul mode de fonctionnement général de l'entreprise, ne peuvent justifier la constitution d'une provision dans les conditions prévues par les dispositions précitées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts.

5. La société fait par ailleurs état de ce que les actions en recouvrement sont différenciées en fonction du profil de ses clients, lesquels sont classés en " paliers opérationnels " selon la combinaison de plusieurs critères, tenant compte du risque individuel du débiteur (note de score), du montant de la dette, de la durée pendant laquelle le client est demeuré dans le palier et des éventuels impayés antérieurs. Mais elle n'indique pas clairement, ni ne l'établit par ailleurs, que les provisions seraient constituées après avoir tenu compte de la situation individuelle de son client ou après avoir vainement mis en oeuvre des actions de recouvrement, dont au demeurant elle ne détaille pas la nature selon le palier opérationnel où est classé le débiteur.

6. Par suite, la société COFIDIS n'établit pas que les créances en litige présentaient, à la clôture des exercices en litige, un risque probable de non recouvrement.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le

bien-fondé de la méthode d'évaluation du montant de la provision en litige, que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la société Cofidis a été assujettie au titre de l'année 2009. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué et de remettre à la charge de la société Cofidis ces suppléments d'imposition.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font à obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Cofidis la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1600888 du 11 mai 2017 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles la société Cofidis a été assujettie au titre de l'année 2009 sont remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de la société Cofidis présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

N° 17VE02884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02884
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: Mme DANIELIAN
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-05-29;17ve02884 ?
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