Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 4 avril 2017, M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 4 novembre 2016 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de " Parcours d'Exil " tendant à sa réintégration dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, d'annuler la décision du 14 décembre 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lui a retiré le bénéfice des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, et d'enjoindre au directeur de cet office de lui verser rétroactivement les allocations pour demandeur d'asile à compter du mois de juillet 2016 et de lui attribuer une place dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, ou, à défaut, de réexaminer ses droits.
Par un jugement n° 1702944 du 17 juillet 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 août 2017, 29 mai 2018 et 12 juin 2018, M. C...B..., représenté par Me Hassaïne, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler les décisions des 4 novembre 2016 et 14 décembre 2016 par lesquelles l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rejeté la demande de reconsidération de la décision d'expulsion dont il faisait l'objet et lui a retiré rétroactivement le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile ;
3° d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de lui verser rétroactivement les allocations pour demandeur d'asile à compter du mois de juillet 2016 et de lui attribuer une place dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, ou, à défaut, de réexaminer ses droits ;
4° de mettre à la charge de cet Office, au bénéfice de son avocat, la somme de
2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- une erreur de fait a été commise en ce qu'il n'a pas accepté de quitter sa chambre et qu'il conteste ne pas avoir fait l'objet d'une expulsion ;
- une erreur manifeste d'appréciation a été commise au regard de sa situation de demandeur d'asile et plus particulièrement de la vulnérabilité de sa compagne, et de la non gravité des faits qui lui sont reprochés à les supposer établis ;
- les articles L. 744-3, L. 744-8 et R. 744-12 du code de l'entrée et du séjour ont été méconnus, en l'absence de recueil de ses observations et de respect de la procédure d'expulsion ; il conteste avoir reçu un quelconque courrier de mise en demeure, notamment le courrier du
26 octobre 2016 mentionné dans le jugement attaqué.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.
1. Considérant que M. C...B..., né le 18 août 1988 et de nationalité guinéenne, a déclaré être entré en France le 12 juillet 2014 ; qu'il a présenté le 2 juillet 2015 une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 17 octobre 2016, notifiée le 16 mars 2017, contre laquelle il a formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ; que M. B...a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur le fondement de l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il a été hébergé au centre d'accueil d'urgence pour demandeurs d'asile à partir du
10 décembre 2014 puis, à compter du 1er juillet 2016, au centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) d'Aubervilliers (93), géré par l'association COALLIA ; qu'une femme ayant été surprise le 27 septembre 2016 dissimulée dans la douche de la chambre du requérant, le gestionnaire du lieu d'hébergement a, en application de l'article R. 744-11 dudit code, signalé à l'OFII cette violation du règlement et procédé à l'exclusion immédiate du centre de
M.B... ; que celui-ci a demandé le 4 octobre 2016, par l'intermédiaire de l'association " Parcours d'Exil ", au préfet de la Seine-Saint-Denis et à l'OFII, d'intervenir auprès de l'association COALLIA en vue de sa réintégration dans son hébergement ; que, par un courrier du 4 novembre 2016, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à cette demande d'intervention ; que le directeur de l'OFII, retenant un manquement grave de M. B...au règlement du lieu où il était hébergé, a décidé par courrier du 14 décembre 2016, sur le fondement des articles L. 744-8 et D. 744-26 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de retirer à l'intéressé le bénéfice des conditions matérielles d'accueil dont il bénéficiait, parmi lesquelles l'allocation pour demandeur d'asile ; que la requête d'excès de pouvoir formée contre ces décisions a été rejetée par un jugement n° 1702944 du 17 juillet 2017 du Tribunal administratif de Montreuil, dont M. B...relève appel ;
Sur les conclusions dirigées contre le courrier du 4 novembre 2016 du préfet de la
Seine-Saint-Denis ;
2. Considérant que le Tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement attaqué, rejeté pour irrecevabilité les conclusions d'annulation dirigées par M. B...contre le courrier du 4 novembre 2016 adressé par le préfet de la Seine-Saint-Denis à l'association " Parcours d'Exil ", au motif que ce courrier ne pouvait être regardé comme décisoire et qu'il ne faisait dès lors pas grief à M.B...;
3. Considérant que si M. B...demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 17 juillet 2017, il se borne à critiquer la légalité de la position prise par le préfet de la Seine-Saint-Denis dans son courrier du 4 novembre 2016, sans contester l'irrecevabilité opposée par les premiers juges aux conclusions dirigées contre ce courrier ; que les conclusions de la requête d'appel tendant à l'annulation de cet acte ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées, sans qu'il y ait lieu pour la Cour d'examiner les moyens présentés par M. B...à l'appui de celles-ci ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 décembre 2016 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : (...) 2° Retiré (...) en cas de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ; (...) " ; que l'article 6 du règlement intérieur du CADA d'Aubervilliers interdit d'héberger dans sa chambre des personnes non inscrites sur les registres de présence du centre, réserve l'usage des locaux et l'utilisation des équipements collectifs aux personnes hébergées, et ajoute que le responsable du centre doit être informé des visites des personnes extérieures ; que le contrat d'hébergement du 1er juillet 2016 signé par M. B...rappelait également l'obligation de respecter le règlement de fonctionnement du CADA ;
5. Considérant que, pour justifier sa décision de retrait des conditions matérielles d'accueil accordées à M.B..., consistant dans le versement à ce demandeur d'asile de l'allocation pour demandeur d'asile et dans la mise à sa disposition d'un hébergement en CADA, le directeur général de l'OFII s'est fondé dans sa décision sur le fait que le gestionnaire du CADA où était hébergé l'intéressé lui avait signalé qu'une personne étrangère avait été " suspectée à plusieurs reprises " dans la chambre de celui-ci et que, malgré le rappel des règles de fonctionnement du centre, une femme avait été retrouvée dissimulée dans sa douche ; que si le fait, de la part de M.B..., d'avoir sans autorisation accueilli ou même simplement reçu une personne étrangère au centre d'accueil est contraire à l'interdiction formelle édictée à l'article 6 du règlement du centre, et peut être regardée, si elle est réitérée bien que l'intéressé ait été mis en garde, comme un manquement grave susceptible de justifier un retrait des conditions d'accueil qui lui avaient été accordées, de simples suspicions d'une réitération d'un tel comportement ne sauraient justifier une telle mesure ; que s'il est constant que M. B...a bien été surpris le
27 septembre 2017, dans sa chambre, en compagnie d'une personne qu'il présente comme sa concubine et dont il a reconnu l'enfant né cinq jours plus tard, ni la décision litigieuse ni l'administration dans ses écritures en défense, en première instance comme en appel, ne précisent s'il s'agissait d'un accueil ponctuel ou d'un hébergement d'une personne étrangère au CADA ; que le reproche fait au requérant d'avoir répété le même comportement à plusieurs reprises n'est pas établi, la décision elle-même faisant état de suspicions et non de la constatation d'un comportement réitéré ; que l'OFII, pourtant rapidement alerté par téléphone puis par des écrits circonstanciés par M. B...et par l'association " Parcours d'Exil " du comportement selon eux anormal de la direction du CADA qui aurait expulsé M. B...sans l'entendre et sans que la réitération d'un accueil irrégulier ni même l' " hébergement " d'une personne étrangère au centre puissent lui être reprochés, ne fait état d'aucun élément tiré d'une enquête qu'il aurait menée, notamment auprès des personnels ou de la direction du centre, sur les faits réellement établis susceptibles d'être retenus à l'encontre de M.B..., avant de prendre la décision litigieuse, laquelle se borne à reprendre sans y ajouter les motifs de fait figurant sur la décision d'expulsion immédiate prise par le CADA, reposant elle-même en partie sur des faits insuffisamment précis ou des suspicions ; que le requérant avait quant à lui exposé de manière plausible que Mme D...A..., dont il ressort des pièces du dossier qu'elle disposait
elle-même d'une chambre d'hôtel mise à sa disposition par le SAMU social à Malakoff
(Hauts-de-Seine), était simplement venue lui rendre visite et se restaurer à la suite d'un examen médical à l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis (93), situé non loin d'Aubervilliers ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce relatées ci-dessus, et eu égard, d'une part, à la portée de la décision litigieuse, qui prive M. B...de l'ensemble des garanties matérielles d'existence prévues par la loi pour les demandeurs d'asile et, d'autre part, à l'exigence de protection des personnes qui se prévalent du droit d'asile, constitutionnellement garanti, le requérant est fondé à soutenir qu'en prenant la décision litigieuse au motif d'un manquement grave de M. B...au règlement du lieu d'hébergement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur de l'OFII a fait une inexacte application de ces dispositions ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 14 décembre 2016 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que l'annulation de la décision litigeuse implique nécessairement, d'une part, que l'OFII verse à M. B...l'allocation pour demandeur d'asile qui lui est due à compter de la date de son exclusion du bénéfice de cette allocation et jusqu'au terme du mois suivant celui de la notification de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile, conformément aux dispositions de l'article L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; qu'elle implique d'autre part, sous réserve qu'il n'ait pas déjà été statué par la Cour nationale du droit d'asile sur le recours de M.B..., que l'office admette celui-ci dans un lieu d'hébergement pour demandeur d'asile jusqu'à la date de notification à l'intéressé de la décision qui sera prise par cette juridiction ; qu'il y a lieu d'enjoindre à l'OFII d'agir en ce sens dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2017 ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Hassaïne, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'OFII le versement à Me Hassaïne de la somme de 2 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de l'OFII du 14 décembre 2016 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'OFII, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, d'une part, de verser à M. B...l'allocation pour demandeur d'asile qui lui est due pour la période courant de la date de son exclusion du bénéfice de cette allocation et jusqu'au terme du mois suivant celui de la notification de la décision définitive lui accordant ou lui refusant une protection au titre de l'asile, et, d'autre part, sous réserve qu'il n'ait pas déjà été statué par la Cour nationale du droit d'asile sur le recours de M. B..., d'admettre celui-ci dans un lieu d'hébergement pour demandeur d'asile jusqu'à ce que lui soit notifiée la décision qui sera prise par cette juridiction.
Article 3 : L'OFII versera à Me Hassaïne une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. B...est rejeté.
Article 5 : Le jugement du 17 juillet 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 17VE02584