Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fondation Jérôme Lejeune a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 9 mai 2016 par laquelle l'Agence de la biomédecine a autorisé pour une durée de cinq ans le groupe hospitalier de Paris-Sud de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à mettre en œuvre un protocole de recherche sur l'embryon humain afin d'étudier les conséquences d'un dysfonctionnement mitochondrial sur le développement embryo-fœtal humain, les moyens de les prévenir et de les traiter.
Par un jugement n° 1610385 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 juillet 2017, 11 septembre 2017, 4 juin 2018, 23 octobre 2018 et 6 février 2019, la Fondation Jérôme Lejeune, représentée par Me Hourdin, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2017 et la décision du 9 mai 2016 de l'Agence de la biomédecine;
2°) de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision méconnaît l'article L. 2151-5 du code de la santé publique dès lors que le consentement des couples donneurs n'a pas été recueilli ; la décision renvoie à une collecte ultérieure des consentements ;
- la décision méconnaît l'article L. 2151-2 du code de la santé publique dès lors que le protocole de recherche conduit à la création d'embryons à des fins de recherche puisqu'il consiste à enlever les pronuclei d'un embryon et à les remplacer par les pronuclei d'un second embryon, ce qui aboutit à la création d'un embryon qui aura ainsi le génome nucléaire de l'un des deux embryons et le génome mitochondrial de l'autre; le patrimoine génétique se compose du génome nucléaire et du génome mitochondrial ; le comité d'éthique a constaté en décembre 2017 que le don de mitochondries implique la reconstitution d'un embryon ;
- la décision méconnaît l'article L. 2151-2 du code de la santé publique en ce que le protocole de recherche autorisé conduit à la création d'embryons transgéniques dès lors qu'il y a modification du patrimoine génétique de l'embryon par ajout dans un embryon d'un ADN exogène, en l'espèce par l'ajout des 37 gènes mitochondriaux de l'embryon énucléé ; cela a pour effet de remplacer l'ADN mitochondrial ; l'Agence retient une conception restrictive du patrimoine génétique limité au seul ADN nucléaire et excluant l'ADN mitochondrial ;
- la législation n'autorise pas la modification génétique des embryons humains pour le traitement de maladies génétiques.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Gars,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,
- les observations de Me Hourdin pour la Fondation Jérôme Lejeune, et celles de Me de Cenival pour l'Agence de la biomédecine.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 9 mai 2016, la directrice de l'Agence de la biomédecine a autorisé le Groupe Hospitalier Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Hôpital Necker-Enfants malades, à mettre en œuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité d'investiguer les conséquences d'un dysfonctionnement mitochondrial sur le développement embryo-fœtal humain, les moyens de les prévenir et de les traiter. La fondation Jérôme Lejeune relève appel du jugement du 21 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 2151-2 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur issue de la loi du 7 juillet 2011 : " La conception in vitro d'embryon ou la constitution par clonage d'embryon humain à des fins de recherche est interdite./La création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite. "
3. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le génome d'un embryon est composé de l'ADN nucléaire contenu dans le noyau de la cellule et de l'ADN mitochondrial contenu dans les mitochondries, et d'autre part, que la troisième étape du programme de recherche autorisé consacré à l'exploration des maladies génétiques mitochondriales consiste à transférer l'ADN nucléaire d'un embryon dont les mitochondries sont atteintes de mutations pathogènes, vers un autre embryon, dont les mitochondries sont saines, afin d'étudier les conséquences d'une " modification du dialogue nucléo-mitochondrial ". Le matériau génétique " nucléaire " d'un embryon est ainsi transféré dans un autre embryon dont l'ADN nucléaire a été au préalable retiré, mais qui conserve son ADN mitochondrial d'origine. Ce transfert de matériau d'ADN nucléaire aboutit ainsi à modifier une partie du patrimoine génétique de l'embryon qui reçoit l'ADN nucléaire d'un autre embryon, modification du patrimoine génétique prohibée par les dispositions précitées alors en vigueur. Si l'Agence de la biomédecine soutient que cette étape n'aboutirait pas à un embryon transgénique du fait que l'ADN nucléaire transféré au sein d'un autre embryon n'est pas modifié en lui-même et qu'aucune séquence étrangère n'y est insérée, ni les dispositions législatives précitées ni les travaux préparatoires de la loi du 7 juillet 2011 ne limitent la notion d'embryon transgénique à un embryon dont seule la partie ADN nucléaire aurait été modifiée, ou ne réduit le génome de l'embryon au seul ADN nucléaire.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen, que la Fondation Jérôme Lejeune est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'autorisation du protocole de recherche du 9 mai 2016 délivré par l'Agence de la biomédecine.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Fondation Jérôme Lejeune qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agence de la biomédecine une somme de 1 500 euros à verser à ce titre à la Fondation Jérôme Lejeune.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1610385 du 21 juin 2017 du tribunal administratif de Montreuil est annulé ainsi que la décision du 9 mai 2016 de l'Agence de la biomédecine.
Article 2 : L'Agence de la biomédecine versera à la Fondation Jérôme Lejeune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'Agence de la biomédecine au titre de l'article
L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 17VE02468 2