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28/03/2019 | FRANCE | N°17PA01829

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 28 mars 2019, 17PA01829


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Casino de Nouméa a demandé au Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie :

1°) de prononcer la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie à hauteur de 1 631 889 695,83 F CFP au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 ;

2°) en conséquence de quoi, de ramener le montant des prélèvements à la somme de 1 297 926 627,11 F CFP ;

3°) de prononcer la restitution de la somme de 333 963 06

8,72 F CFP à titre de trop perçu de prélèvement communal sur le produit des jeux au titre des années 2012...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Casino de Nouméa a demandé au Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie :

1°) de prononcer la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie à hauteur de 1 631 889 695,83 F CFP au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 ;

2°) en conséquence de quoi, de ramener le montant des prélèvements à la somme de 1 297 926 627,11 F CFP ;

3°) de prononcer la restitution de la somme de 333 963 068,72 F CFP à titre de trop perçu de prélèvement communal sur le produit des jeux au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015 ;

4°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 400 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600382 du 30 mars 2017, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 mai 2017 et 24 janvier 2018, la société Casino de Nouméa, représentée par Me B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600382 du 30 mars 2017 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie à hauteur de 1 631 889 695,83 F CFP au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 ;

3°) en conséquence de quoi, de ramener le montant des prélèvements à la somme de 1 297 926 627, 11 F CFP ;

4°) de prononcer la restitution de la somme de 333 963 068,72 F CFP à titre de trop perçu de prélèvement communal sur le produit des jeux au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015 ;

5°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 800 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le prélèvement est régi par les dispositions de l'article 890 du code des impôts ;

- l'article 890 du code des impôts ainsi que le cahier des charges en vigueur renvoient aux dispositions applicables au prélèvement territorial qui s'applique au produit net des jeux ;

- les mentions d'un cahier des charges antérieurs ne sont pas opposables à la société ;

- la seule mention erronée d'un cahier des charges antérieur sur les bordereaux de recouvrement ne saurait autoriser le prélèvement sur les produits bruts ;

- les travaux préparatoires relatifs aux délibérations du congrès ne sauraient lui être opposées et indiquent d'ailleurs une refonte complète du prélèvement antérieur ;

- les délibérations du congrès indiquent au contraire que les prélèvements sont assis sur le produit net ;

- la loi de pays n° 2016-20, relative aux privilèges et hypothèques et portant diverses dispositions d'ordre fiscal, publiée au Journal Officiel de la Nouvelle-Calédonie le 31 décembre 2016 conserve la base d'imposition sur le produit net des jeux mais en supprimant l'abattement de 30% ;

- le directeur des services fiscaux a, dans sa réponse a du 18 septembre 2015, précisé que la base du prélèvement communal est constituée par le produit net des jeux d'argent tel que défini à l'article 626 du code des impôts, avec toutefois un abattement de 30 % ;

- la demande devant les premiers juges a été précédée d'une réclamation régulière.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 août 2017, la commune de Nouméa, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Casino de Nouméa la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la réclamation n'ayant pas été adressée à la commune de Nouméa, les conclusions sont irrecevables ;

- les conclusions présentées au titre de l'année 2012 sont irrecevables en application de l'article 1106 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- les conclusions relatives à une imposition instituée en 1996 sont tardives ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 août 2017, le gouvernement de

Nouvelle-Calédonie, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Casino de Nouméa la somme de 500 000 F CFP au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la réclamation n'ayant pas été adressée à la commune de Nouméa, les conclusions sont irrecevables ;

- les conclusions présentées au titre de l'année 2012 sont irrecevables en application de l'article 1106 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

20 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 91/CP du 20 septembre 1996 relative à des prélèvements sur les établissements des jeux de hasards (JONC 22 octobre 1996) ;

- le code des impôts de la Nouvelle Calédonie ;

- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, la SNC Casino de Nouméa relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 et à la restitution de la somme de 333 963 068,72 F CFP à titre de trop perçu de prélèvement communal sur le produit des jeux au titre des années 2012, 2013, 2014 et 2015.

2. Aux termes de l'article 890 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Le cahier des charges, approuvé par le conseil municipal de la commune d'implantation d'un établissement de jeux de hasard régulièrement autorisé, peut comporter une clause instituant au profit de ladite commune un prélèvement sur le produit des jeux au maximum égal à 10 % de la même base que le prélèvement opéré au profit de la Nouvelle-Calédonie avec abattement à la base de 30 %. Le prélèvement est liquidé et contrôlé, sur une déclaration fournie et certifiée par l'administration fiscale, selon les mêmes procédures que la taxe territoriale. Il est recouvré par le comptable de la commune. ".

3. Le prélèvement de 10 % auquel la société requérante a été soumise a été assis sur le produit brut des jeux avec un abattement forfaitaire à la base de 30 %. La société requérante fait valoir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les impositions litigieuses procèdent non du cahier des charges conclu entre la société Socaba et le territoire de

Nouvelle-Calédonie le 14 janvier 1974, lequel mentionnait que le prélèvement était calculé sur

" le produit brut des jeux ", mais d'un cahier des charges postérieur, établi en 1995, aux termes duquel " le Casino verse à la commune un prélèvement sur le produit des jeux égal à 10% ayant la même base que le prélèvement opéré au profit du Territoire avec abattement à la base de

30 % ". Elle en déduit que le prélèvement, aux termes même du cahier des charges, ne peut être égal à 10 % du produit brut des jeux, diminué d'un abattement au taux de 30 %, mais doit être établi sur la base du produit net des jeux avec abattement à la base de 30 %. Elle fait également valoir que l'établissement du prélèvement en cause sur la base du produit brut avec un abattement de 30 % est en tout état de cause contraire aux dispositions précitées de l'article 890 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie qui instituerait, au profit de la commune, un prélèvement sur le produit net des jeux.

4. Il résulte des dispositions de l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, éclairées par les travaux préparatoires de la délibération n° 91/CP du congrès du territoire du

20 septembre 1996 dont elles sont issues, que le prélèvement sur le produit des jeux dont s'agit était celui précédemment institué par les cahiers des charges autorisant l'exploitation d'établissement de jeux, lesquels prévoyaient un prélèvement de 10 % sur le produit brut avec un abattement de 30 %, ainsi que par la délibération n° 26/CP du congrès du territoire du 23 juillet 1985, laquelle prévoyait un prélèvement de 7 % sur le produit brut. Si la société requérante fait valoir que la base à retenir pour l'établissement de ce prélèvement est le produit net de l'activité, le prélèvement opéré au profit de la Nouvelle-Calédonie étant établi sur les produits nets ainsi qu'il résulte des dispositions des articles 626 et 647 du code des impôts, une telle argumentation est dépourvue de portée dès lors que les dispositions de l'article 890 du code des impôts prévoient l'application d'un abattement forfaitaire de 30 % représentatif de charges. De la même manière, et contrairement à ce qui est soutenu, le cahier des charges dont se prévaut la société doit être regardé comme prévoyant effectivement un prélèvement sur le produit brut des jeux, les charges étant prises pour leur part en compte par le biais de l'abattement forfaitaire de 30 %. Par suite, les moyens tirés de ce que le cahier des charges prévoit un prélèvement sur le produit net des jeux avec un abattement de 30 % et de ce que le prélèvement auquel la société requérante a été soumis ne serait pas conforme aux dispositions de l'article 890 du code des impôts de Nouvelle Calédonie issues de la délibération n° 91/CP du 20 septembre 1996 ne peuvent qu'être écartés, sans que la société requérante puisse utilement invoquer les modifications apportées à la législation par une loi postérieure aux années d'imposition.

5. Aux termes de l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Lorsque le redevable démontre qu'il a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions, circulaires ou réponses publiées au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie à une date antérieure à celle du fait générateur à laquelle se rapportent les impositions litigieuses et qu'elle n'avait pas modifiée au moment des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement d'impositions déjà établies, en soutenant une interprétation différente. / La même garantie bénéficie au contribuable, lorsque celui-ci démontre que l'interprétation du texte fiscal qui fait l'objet du différend, avait été, à l'époque, formellement admise dans une réponse individuelle qui lui avait été adressée suite à une demande de renseignements écrite, par le directeur des services fiscaux ou un agent de catégorie A ayant reçu spécialement délégation du président du gouvernement pour signer les réponses comportant une interprétation d'un texte fiscal, sous réserve que la réponse soit, elle-même, le cas échéant, conforme aux instructions, circulaires et réponses déjà publiées. / La garantie prévue au deuxième alinéa est applicable dans les mêmes conditions, lorsque la réponse individuelle à la demande de renseignements écrite du contribuable de bonne foi ou de son représentant habilité à cet effet, porte sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Le contribuable ne peut se prévaloir que des réponses qui lui ont été officiellement adressées et dans la mesure où la question a été posée de façon précise et complète. / En cas de changement de législation, les interprétations de textes fiscaux données par l'administration ne sont pas invocables pour l'application de la nouvelle législation. / Ne constituent pas des textes fiscaux pour l'application de cet article, les textes relatifs à la procédure d'imposition et au bienfondé des pénalités ".

6. La SNC Casino de Nouméa, qui demande la réduction et la restitution d'impositions primitives, ne peut, en tout état de cause, se prévaloir, sur le terrain de l'article Lp. 983 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, qui subordonne la mise en oeuvre de la garantie qu'il instaure à l'existence d'un rehaussement d'impositions antérieures, de l'interprétation de la loi fiscale donnée par le directeur des services fiscaux dans sa réponse du 18 septembre 2015.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Nouméa et le gouvernement de Nouvelle-Calédonie, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande la société requérante au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement des sommes que demandent le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et la commune de Nouméa au titre de ces mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Casino de Nouméa est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et par la commune de Nouméa tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Casino de Nouméa, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la commune de Nouméa.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 28 mars 2019.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA01829


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01829
Date de la décision : 28/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SELARL RAPHAELE CHARLIER ; SELARL RAPHAELE CHARLIER ; ELMOSNINO ; SELARL RAPHAELE CHARLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-28;17pa01829 ?
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