Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 octobre 2017 et le 1er juin 2019, la SAS Douvres Distribution, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler la décision du 6 juillet 2017 par laquelle la commission nationale d'aménagement commercial lui a refusé l'autorisation de procéder à l'extension de 7 907 m² de la surface de vente de l'hypermarché qu'elle exploite sous l'enseigne " Hyper U " à l'entrée nord de la commune de Douvres-la-Délivrande (Calvados) ;
2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de son dossier dans un délai de quatre mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sa requête est recevable. En particulier, la commission nationale d'aménagement commercial a pris une décision, et non un avis qui lui fait grief. A supposer même qu'il s'agisse d'un avis, il lui fait également grief, de sorte qu'elle a un intérêt à agir pour le contester.
le recours formé par la société " Carrefour hypermarché " devant la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) était irrecevable ;
la décision contestée méconnaît l'autorité de la chose jugée ;
contrairement à ce qu'a retenu la commission, le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole ;
s'agissant du critère tiré de l'aménagement du territoire, la commission nationale a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle retient que le projet se situe en limite d'urbanisation alors que l'extension se fera en réalité en continuité avec le bâti pavillonnaire existant, qu'il n'impactera pas négativement le commerce de centre-ville, qu'il s'inscrit dans les objectifs poursuivis par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de Caen Métropole et est conforme aux documents d'urbanisme des communes de Langrune-sur-Mer et de Douvres-la-Délivrande et que les études menées confirment le bien-fondé de la localisation ;
s'agissant des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs, le projet est déjà accessible par le réseau viaire existant alors que des garanties ont été apportées s'agissant de la réalisation d'un nouveau giratoire ;
Un mémoire de production de pièces a été présenté le 21 novembre 2017 par la commission nationale d'aménagement commercial.
Par des mémoires en défense enregistrés le 19 juin 2018 et le 18 février 2019, la SAS " Courseulles Distribution " et la SAS " Carrefour Hypermarchés ", représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Douvres Distribution une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
la SAS " Carrefour Hypermarchés " dispose d'un intérêt à agir ;
la requête est irrecevable dès lors qu'elle est dirigée contre un simple avis de la commission nationale d'aménagement commercial alors que la demande a été déposée antérieurement au 15 février 2015 et que le projet nécessitait la délivrance d'un permis de construire ;
la nouvelle demande déposée par la société requérante devant la CNAC était irrecevable dès lors qu'il s'agit d'un projet différent comportant des modifications substantielles par rapport à celui qui avait donné lieu à la décision annulée du 11 février 2015 ;
à titre subsidiaire, aucun moyen de la requête n'est fondé alors que la décision attaquée se justifie par d'autres motifs que ceux retenus par la commission nationale.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2018, la commune de Courseulles-sur-Mer, représentée par son maire en exercice, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Un mémoire présenté pour la SAS Douvres Distribution a été enregistré le 10 juin 2019, après la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le code de commerce ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
et les observations de MeC..., représentant la SAS Douvres Distribution, et de MeB..., représentant la SAS " Courseulles Distribution " et la SAS " Carrefour Hypermarchés ".
Une note en délibéré, présentée pour la SAS Douvres Distribution, a été enregistrée le 11 juin 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 18 septembre 2014, la commission départementale d'aménagement commercial du Calvados a accordé à la SAS Douvres Distribution l'autorisation préalable requise en vue de l'extension de 7 907,50 m² de la surface de vente d'un ensemble commercial à l'enseigne " Super U ", dénommé " Centre commercial des Alliés ". Suite à des recours formés par la commune de Courseulles-sur-Mer, la SCI " FVKL ", la SAS " Courseulles Distribution " et la SAS " Carrefour Hypermarchés ", la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a refusé cette autorisation par une décision du 11 février 2015. Par un arrêt du 8 mars 2017, la cour a annulé cette dernière décision et a enjoint à la commission nationale de réexaminer la demande de la SAS Douvres Distribution. Lors de sa séance du 6 juillet 2017, la CNAC a émis un " avis défavorable " au projet présenté par la SAS Douvres Distribution ". La SAS Douvres Distribution demande à la cour d'annuler ce dernier acte.
Sur le droit applicable :
2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". En vertu des termes mêmes de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015.
En ce qui concerne l'effet de ces dispositions sur les recours dirigés contre les permis de construire :
3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que, lorsqu'un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale a fait l'objet d'un permis de construire délivré avant le 15 février 2015, celui-ci ne tient pas lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Dans un tel cas, assurant ainsi le droit au recours contre les décisions d'autorisation d'exploitation commerciale, la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial intervenue sur un recours dirigé contre une décision de la commission départementale d'aménagement commercial relative à ce projet antérieure au 15 février 2015, est un acte administratif faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il en va ainsi aussi bien lorsque la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial est intervenue avant le permis de construire que dans le cas où, en raison de la durée d'instruction du recours contre la décision de la commission départementale, elle intervient après celui-ci, y compris, ainsi qu'il résulte des dispositions du V de l'article 4 du décret du 12 février 2015 mentionné ci-dessus, lorsque la décision de la commission nationale est postérieure au 14 février 2015.
4. Il résulte aussi des dispositions citées au point 2 que lorsqu'un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce doit également faire l'objet d'un permis de construire, ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale dès lors que la demande de permis a donné lieu à un avis de la commission départementale d'aménagement commercial et que le permis de construire a été délivré après le 14 février 2015. Ce permis peut ainsi, sous la seule réserve mentionnée ci-après au point 6, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif, en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que ce recours est ouvert aux personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce et que seuls sont recevables à l'appui de ce recours les moyens relatifs à la légalité du permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
5. Enfin, si, en raison de la situation transitoire créée par l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, un projet a fait l'objet d'une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial avant le 15 février 2015 et d'un permis de construire délivré, au vu de cette décision, après le 14 février 2015, seule la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir en tant qu'acte valant autorisation d'exploitation commerciale. En effet, l'autorisation d'exploitation commerciale ayant déjà été accordée, le permis de construire ne peut alors, par exception à ce qui a été dit au point 5, faire l'objet d'un recours qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire.
En ce qui concerne l'effet de ces dispositions sur les recours dirigés contre les actes pris par la Commission nationale d'aménagement commercial :
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que, s'agissant des projets soumis à autorisation d'exploitation commerciale et à permis de construire, les avis favorables de la Commission nationale d'aménagement commercial intervenus après le 14 février 2015 ne sont pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sauf si le permis de construire à été délivré avant le 15 février 2015. En effet, dans tous ces cas, le permis de construire, délivré, au vu de l'avis de la commission nationale, après le 14 février 2015, tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale et peut faire l'objet d'un recours à ce titre.
7. A l'inverse, qu'il résulte également de ce qui a été dit aux points précédents que, s'agissant des mêmes projets soumis à autorisation d'exploitation commerciale et à permis de construire, toute décision de la Commission nationale d'aménagement commercial intervenant avant le 15 février 2015 ainsi que les décisions de cette commission qui, bien que prises après cette date, sont relatives à un projet dont le permis de construire a été délivré avant le 15 février 2015, revêtent le caractère d'acte faisant grief, susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. En effet, dans tous ces cas, le permis de construire délivré ou susceptible d'être délivré pour le projet, soit ne tient pas lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, soit ne pourra pas être contesté en tant qu'il en tient lieu.
8. Enfin, en cas d'annulation contentieuse d'une décision de la commission nationale d'aménagement commercial prise dans les conditions mentionnées au point précédent et ayant, ainsi, le caractère d'un acte faisant grief, la décision par laquelle la commission nationale statue à nouveau sur la demande d'autorisation dont elle se retrouve saisie après cette annulation est également susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, à la condition qu'il n'ait été apporté au projet aucune modification substantielle au regard des règles dont la commission nationale doit faire application. Il en va ainsi même si cette nouvelle décision est prise après le 14 février 2015.
Sur les fins de non recevoir opposées en défense :
9. En premier lieu, en vertu de l'article L. 752-15 du code de commerce, une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d'instruction ou dans sa réalisation, subit des modifications substantielles, du fait du pétitionnaire, au regard de l'un des critères énoncés à l'article L. 752-6 du même code, ou dans la nature des surfaces de vente.
10. Il ressort des visas de l'acte attaqué que la commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée sur un projet d'extension de 7 907,50 m² de surface de vente d'un ensemble commercial à l'enseigne " Hyper U ", dénommé " Centre commercial des Alliés ", implanté à Douvres-la-Délivrande. Ce projet porte sur l'extension, d'une part, d'un hypermarché dont la surface de vente sera portée de 4 140 m² à 5 516 m² et, d'autre part, de la galerie marchande qui lui est annexée dont la surface de vente totale sera portée à 1 819 m² par la création de sept boutiques de moins de 300 m² chacune représentant un total de 806 m² et de deux moyennes surfaces spécialisées dans l'équipement de la personne de 450 m² chacune. Le projet en litige prévoit également la création de deux moyennes surfaces spécialisée dans l'équipement de la maison de 700 m² et de 2 800 m² et d'une moyenne surface spécialisée dans le sport de 630 m² ainsi que la création d'un commerce de produits alimentaires surgelés de 360 m² et d'un centre-auto de 398 m² Il a enfin pour objet d'étendre l'emprise au sol d'un point permanent de retrait pour le porter de 177,97 m² à 327,61 m² en augmentant le nombre de pistes de ravitaillement, celles-ci passant de deux à six. Ce projet est ainsi identique à celui sur lequel la commission s'était prononcée lors de sa séance du 11 février 2015. Il ne ressort pas, non plus, du " dossier actualisé " de juin 2017 remis à la commission par la SAS Douvres Distribution à la suite de l'injonction de réexamen contenue dans l'arrêt de la cour du 8 mars 2017 que le projet ait subi des modifications. Dans ces conditions, et sans qu'elles puissent utilement se prévaloir de la surface de plancher mentionnée dans les permis de construire délivrés à la société requérante et des aménagements réalisés sur le terrain d'assiette du projet, les sociétés intimées ne sont pas fondées à soutenir que le projet présenté par la SAS Douvres Distribution ayant donné lieu à l'acte attaqué était irrecevable pour être substantiellement différent de celui sur lequel la commission s'était prononcée lors de sa séance du 11 février 2015.
11. En second lieu, et dès lors qu'il n'a pas été porté une modification substantielle au projet, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 8, que la décision contestée de la commission nationale, qui a statué à nouveau sur la demande d'autorisation dont elle se retrouve saisie après l'annulation de sa décision du 11 février 2015, est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, alors même qu'elle a été prise après le 14 février 2015. La fin de non recevoir tirée de ce que la requête serait irrecevable faute pour la société requérante de pouvoir contester directement cette décision ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
12. Pour refuser le projet présenté par la SAS Douvres Distribution, la commission nationale d'aménagement commercial a retenu, outre la contrariété du projet avec le schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole en ce qui concerne la limitation de la consommation d'espace, le défaut de participation à l'animation locale et l'absence de contribution à un aménagement harmonieux et équilibré du territoire, l'imperméabilisation de près de six hectares de terres, la desserte insuffisante du site par les transports en commun et l'absence de garanties suffisantes pour la réalisation du nouveau giratoire.
En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole :
13. L'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme et applicable au schéma de cohérence ( SCOT) de Caen-Métropole approuvé le 16 décembre 2016, dispose que les autorisations d'aménagement commercial doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale. L'article L. 142-2 du même code prévoit que le projet d'aménagement et de développement durables du schéma fixe les objectifs des politiques publiques concernant notamment l'implantation commerciale. Selon les articles L. 141-16 et L. 141-17 de ce code, le document d'orientation et d'objectifs précise les orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal, définit les localisations préférentielles des commerces et comprend un document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) déterminant les conditions d'implantation des équipements commerciaux qui, en raison de leur importance, sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire, le commerce de centre-ville et le développement durable. Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.
14. Il ressort des pièces du dossier, notamment du DAAC du schéma de cohérence territoriale de Caen-Métropole approuvé en décembre 2016, que le document d'orientations générales du schéma a décliné les objectifs et principes définis dans le projet d'aménagement et de développement durables en précisant les orientations relatives à l'équipement commercial du territoire déterminées pour répondre à cinq objectifs stratégiques. Un de ces objectifs a pour objet de " Renforcer la structuration de l'armature commerciale hors secteur urbain. Dans un souci de limitation des déplacements et d'un maintien d'une offre de proximité diversifiée dans les espaces périurbains et ruraux, il s'agit de structurer l'appareil commercial des pôles identifiés dans l'armature urbaine du SCoT, en renforçant l'attractivité commerciale de leur centre-ville ou centre-bourg et en confortant leur appareil commercial de périphérie. ". Le document d'orientations générales a, également, identifié, au regard des enjeux en matière de commerce, les localisations préférentielles des commerces en cohérence avec la typologie des communes. En ce qui concerne les localisations préférentielles d'implantation en périphérie des pôles périurbains, Douvres-la-Délivrande a été identifiée comme l'un des cinq pôles principaux. Pour définir les conditions générales d'implantation des équipements, le DAAC a établi des critères qu'il estime importants, notamment les conditions visant à une consommation économe d'espace et les conditions de desserte et d'accessibilité. En outre, pour chaque secteur à enjeux cartographié, il a été fixé une surface de vente additionnelle allouée, exprimée en mètres carrés. Selon le DAAC, " l'enveloppe définie pour les secteurs à enjeux présente le double intérêt de permettre une reconfiguration de l'appareil commercial tout en plafonnant le développement de chacun des sites considérés. / Ainsi, site par site, une extension de la surface de vente est autorisée dans la limite d'un nombre de mètres carrés fixé dans le présent DAAC. / Ces enveloppes ont été définies afin de répondre aux trois premiers objectifs décrits dans le DOG du SCoT en matière de localisation préférentielle des commerces : " promouvoir la destination Caen ", " accompagner la pérennisation de l'armature commerciale au sein du secteur urbain " et " renforcer la structuration de l'armature commerciale hors secteur urbain ". Les enveloppes ont été fixées, avec un minimum de 1 000 m², en tenant compte de l'appareil commercial existant, du pouvoir polarisant du site considéré et de la population desservie. ". Pour le pôle de Douvres-la-Délivrande, il a été prévu une surface de vente additionnelle de 8 800 m². Le secteur à enjeux cartographié pour ce pôle (p. 26) correspond à la zone d'exploitation de l'enseigne " Super U " de la SAS Douvres Distribution et, par suite, à la zone d'implantation du projet en litige. Alors même que le projet se situe " à cheval " sur le territoire des communes de Douvres-la-Délivrande et de Langrune-sur-Mer, ces dispositions sont, contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées, applicables au projet au litige qui se situe dans le secteur cartographié par le DAAC. Dans ces conditions, la seule circonstance que le rapport de présentation indique que " la limitation de la consommation d'espace est devenue le fil rouge du SCOT " ne saurait faire regarder le projet, qui porte sur une extension de vente totale de 7 907,50 m², comme incompatible avec ce document.
En ce qui concerne l'appréciation portée par la commission nationale :
15. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ". Selon le I de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015, lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.". Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
S'agissant de l'effet du projet sur l'animation de la vie urbaine et l'aménagement du territoire :
16. Le projet litigieux a pour objet de créer une surface de vente supplémentaire de 7 907,50 m² dans les conditions définies au point 10.
17. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, bien que situé, en grande partie sur la commune de Langrune-sur-Mer dont il est distant de son centre-ville de 3,2 km, est également implanté, pour partie, sur la commune de Douvres-la-Délivrande dont il est éloigné du centre-ville de 650 mètres. Ainsi qu'il a été dit au point 14, le schéma de cohérence territoriale de Caen Métropole identifie explicitement le secteur de Douvres-la-Délivrande comme un des cinq pôles principaux dans le département pour la localisation préférentielle d'implantation en périphérie des pôles périurbains. Selon ce schéma, il s'agit d'un secteur d'implantation périphérique à enjeux destiné à renforcer la structuration de l'armature commerciale hors secteur urbain, en renforçant l'attractivité commerciale de son centre-ville et en confortant l'appareil commercial de périphérie. A cette fin, le secteur d'implantation du projet a été identifié dans le schéma pour recevoir une surface de vente supplémentaire de 8 800 m².
18. Par ailleurs, selon le rapport de présentation du plan local d'urbanisme (PLU) de Douvres-la-Délivrande, le centre commercial autour de l'hypermarché alimentaire " a vocation à devenir le principal centre commercial au coeur de la communauté de communes et à accueillir une partie de l'offre (habillement/ équipements de la maison, loisirs, sport) qui manque sur le territoire. Bien que bordant dans la ville, son développement est du ressort de la commune voisine, vu les limites communales. " . Le projet d'aménagement et de développement durables du PLU de Langrune-sur-Mer a, parmi ses objectifs, celui de maintenir l'offre économique dans la commune en envisageant de développer la zone d'activités à proximité du supermarché actuel, près de Douvres-la-Délivrande, avec une maîtrise d'ouvrage intercommunale. Le rapport de présentation, qui précise que le projet a été approuvé par la charte intercommunale d'aménagement du territoire et dans le schéma de développement économique, prévoit de créer, dans cette perspective, une zone 1AUX correspondant aux parcelles limitrophes de Douvres-la-Délivrande, à proximité immédiate d'une grande surface et d'un quartier d'habitation, cette zone devant permettre l'implantation de constructions à vocation de commerces et de services.
19. De plus, le rapport intitulé " Organisation et développement commercial de la communauté de communes Coeur de Nacre ", établi en 2010 par cette communauté de communes et la chambre de commerce et d'industrie de Caen, dont les analyses ne sont pas utilement contredites en défense, a constaté une " fuite " de la clientèle du territoire communautaire vers d'autres offres commerciales (notamment sur Caen) plus denses et plus diversifiées. Ce rapport notait notamment une évasion quasi-totale sur les achats non alimentaires (plus de 90% d'évasion sur l'équipement de la personne et l'équipement de la maison, 80 % d'évasion sur le bricolage jardinage et le sport culture loisirs) qui à terme pourrait avoir des répercussions sur l'alimentaire, que 41,5% des consommateurs fréquentent les commerces du territoire pour des achats de dépannage et l'absence de centralité commerciale forte. Il concluait alors parmi les enjeux du territoire, à la " nécessité de créer une centralité commerciale forte ; c'est à la commune de Douvres-la-Délivrande de jouer ce rôle. ". La direction départementale des territoires et de la mer concluait, notamment, ainsi qu'il ressort du rapport d'instruction, que la " proximité [du projet] avec des équipements récents ou en projet en font une composante d'une centralité émergente ".
20. Il résulte de ce qui précède que le projet en litige, qui n'apparaît pas disproportionné en présentant une surface de vente moindre que celle allouée par le SCOT, est de nature, en proposant des services nouveaux et en complétant certaines offres qui sont insuffisantes, à favoriser l'animation commerciale de cette commune et à contribuer également à l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire de la communauté de communes Coeur de Nacre qui connaît un grave déficit d'équipements commerciaux, alors même que les communes de Douvres-la-Délivrande et de Langrune-sur-Mer comporteraient de nombreuses résidences secondaires. La société requérante est dès lors fondée à soutenir que la commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en retenant le motif tiré de ce que le projet ne participera pas à l'animation locale, ni ne contribuera à un aménagement harmonieux et équilibré du territoire. Les sociétés intimées ne sauraient utilement se prévaloir de ce que des services seront créés à proximité du projet et que l'installation future d'un cabinet de radiologie et d'un cinéma n'a pas été mentionnée dans le dossier de demande dès lors qu'ils ne sont pas inclus dans le projet de la SAS Douvres Distribution sur lequel la commission nationale avait à se prononcer.
S'agissant de l'imperméabilisation de près de six hectares de terres :
21. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'instruction, que, pour sa partie située sur Douvres-la-Délivrande, le projet est implanté en zone UC du plan local d'urbanisme, qui constitue une zone urbaine comptant principalement des logements individuels et ayant vocation à recevoir, en plus des logements, des activités, services ou équipements habituellement présents dans un centre urbain. Pour sa partie la plus importante, implantée sur le territoire de la commune de Langrune-sur-Mer, elle est située en zone 1AUx du plan local d'urbanisme de cette commune, et qui, ainsi qu'il a été dit, est destinée à l'extension de la zone commerciale proche de Douvres-la-Délivrande. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet, qui est situé au sein d'une zone dédiée à des constructions à usage commercial et en zone urbanisée, serait de nature à provoquer des risques spécifiques en termes d'imperméabilisation des sols.
S'agissant de l'absence de garanties suffisantes pour la réalisation du nouveau giratoire :
22. Il ressort des pièces du dossier que le projet est actuellement accessible depuis la voie des Alliés (RD 7) et la RD 35 par le rond-point des Alliés. Selon le rapport d'instruction, l'étude de trafic présentée par le pétitionnaire à l'appui de sa demande, laquelle n'est pas sérieusement contestée, conclut à une absorption sans difficulté des flux générés par le projet par le réseau de desserte actuel. Si un nouveau giratoire a néanmoins été envisagé sur la RD 35 sur la commune de Langrune-sur-Mer afin de fluidifier le trafic entrée/sortie de la zone commerciale et des services attenants, la SAS Douvres Distribution avait déjà présenté, dans sa demande initiale, l'accord donné le 19 mai 2014 par le département du Calvados, gestionnaire de la voirie départementale, pour la réalisation de cet ouvrage ainsi que la délibération du conseil municipal de Langrune-sur-Mer du 19 janvier 2015 autorisant son maire à signer une convention de projet urbain partenarial liant la commune à celle de Douvres-la-Délivrande, à la communauté de communes " Coeur de Nacre " et à la SAS Douvres Distribution. A l'appui de son dossier actualisé de juin 2017, elle a également présenté un courrier commun signé par le président de la communauté de communes et les maires des deux communes intéressées du 2 juin 2017 selon lequel il a été décidé, lors de la réunion du 30 mai précédent, que la réalisation de l'aménagement se fera sous la maîtrise d'ouvrage du département avec une charge financière à part égale de la commune de Langrune-sur-Mer pour un montant estimé à 320 000 euros HT. Selon le compte-rendu de cette réunion, joint également à la demande, les parties se sont engagées à ce que l'aménagement soit réalisé pour l'ouverture des magasins, voire même, par anticipation, si les commerces ne devaient pas être ouverts. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que la commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en retenant que les garanties concernant la réalisation du nouveau giratoire n'étaient pas suffisantes.
S'agissant de la fréquence de la desserte par les transports en commun :
23. Si l'assiette principale du projet se situe sur le territoire de la commune de Langrune-sur-Mer dont il est distant de plus de trois kilomètres de son centre-ville, ce projet a pour objet l'agrandissement d'un centre commercial implanté également, en partie, sur la commune de Douvres-la-Délivrande, chef lieu de canton, dont il est éloigné seulement du centre-ville de 650 mètres. Il n'est pas contesté que le temps de trajet du centre ville de cette commune au projet est estimé à une minute en vélo et à huit minutes à pied. Dans ces conditions, la circonstance que la fréquence du réseau de transport collectif qui dessert le projet soit d'une heure, ne justifie pas, à elle seule, le refus de l'autorisation sollicitée.
24. Enfin, si la SAS " Courseulles Distribution " et la SAS " Carrefour Hypermarchés " font valoir en défense d'autres motifs que ceux retenus par la commission nationale pour justifier la légalité de la décision attaquée, une substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'autorité administrative ayant pris cette décision, laquelle s'est abstenue de le faire à l'instance.
25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 6 juillet 2017 doit être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
26. Le présent arrêt implique, en l'absence d'autre motif de refus mis en avant par la CNAC, et sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, que la commission nationale d'aménagement commercial délivre l'autorisation demandée par la SAS Douvres Distribution, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
27. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Douvres Distribution, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS " Courseulles Distribution " et la SAS " Carrefour Hypermarchés " demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Douvres Distribution et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 6 juillet 2017 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la commission nationale d'aménagement commercial, sous réserve de l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, de délivrer, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, l'autorisation sollicitée par la SAS Douvres Distribution.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Douvres Distribution une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la SAS " Courseulles Distribution " et de la SAS " Carrefour Hypermarchés " tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Douvres Distribution, à la commission nationale d'aménagement commercial, à la commune de Courseulles-sur-Mer, à la SAS " Courseulles Distribution ", à la SAS " Carrefour Hypermarchés " et à la société FVKL.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président,
M.A...'hirondel, premier conseiller,
Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2019.
Le rapporteur,
M. D...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03082