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12/11/2018 | FRANCE | N°17NT02815

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 novembre 2018, 17NT02815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant prescriptions spécifiques, en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement, relatives au barrage du " Lac tranquille " situé sur le territoire de la commune de Combourg (35270), ensemble la décision implicite intervenue le 5 avril 2014 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté son recours gracieux.

Par un jugem

ent n° 1402882 du 7 juillet 2017 le tribunal administratif de Rennes a fait dro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département d'Ille-et-Vilaine a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2013 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant prescriptions spécifiques, en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement, relatives au barrage du " Lac tranquille " situé sur le territoire de la commune de Combourg (35270), ensemble la décision implicite intervenue le 5 avril 2014 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1402882 du 7 juillet 2017 le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande en annulant l'arrêté du 12 décembre 2013 et la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté le recours gracieux du département.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour d'annuler ce jugement du 7 juillet 2017 et de rejeter la demande du département d'Ille-et-Vilaine présentée devant le tribunal.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, les premiers juges s'étant bornés à indiquer " faute de rapporter dans son arrêté que Mme C...du Pin-Verclause et le département d'Ille-et-Vilaine auraient la qualité de propriétaire et/ou d'exploitant, et de les désigner comme tels, le préfet d'Ille-et-Vilaine a méconnu les dispositions précitées, et ainsi entaché son arrêté d'illégalité " ;

- la demande de première instance n'était pas recevable car tardive, dès lors que l'arrêté du 12 décembre 2013 ne laissait aucunement entendre que l'exercice du recours gracieux ou hiérarchique était susceptible de proroger le délai de recours contentieux ;

- c'est à juste titre que le préfet a mis à la charge de Mme C...du Pin-Verclause et du département d'Ille-et-Vilaine les prescriptions litigieuses, dès lorsqu'ils étaient respectivement exploitant et propriétaire du barrage en cause et avaient donc l'obligation d'entretenir cet ouvrage conformément à la loi sur l'eau ;

- une substitution de motifs peut être effectuée entre la qualité de maître d'ouvrage indiquée dans l'arrêté attaqué et la qualité respectivement d'exploitant et de propriétaire du barrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2018, le département d'Ille-et-Vilaine, représenté par MeB..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2013 et de la décision de rejet de son recours gracieux et demande qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que la requête d'appel est tardive et qu'à titre subsidiaire, aucun des moyens d'annulation soulevés par l'Etat n'est fondé et l'arrêté du 12 décembre 2013 est illégal dès lors que :

- la qualité de maître d'ouvrage n'est pas mentionnée aux articles R. 214-22 et suivants ;

- la décision préfectorale ne distingue pas, parmi les obligations qu'elle met à la charge des maîtres d'ouvrage, celles qui incombent à Mme A...de la Tour du Pin-Verclause et celles qui s'imposent au département d'Ille-et-Vilaine ;

- le département n'est ni le propriétaire ni l'exploitant du barrage.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant le département d'Ille-et-Vilaine.

Considérant ce qui suit :

1. Situé sur le territoire de la commune de Combourg, le barrage obstruant le ruisseau Le Limon forme le " Lac Tranquille " et porte à son sommet la route départementale D795. Par l'arrêté litigieux, le préfet d'Ille-et-Vilaine a édicté des prescriptions spécifiques relatives à ce barrage, au titre de l'article L. 214-6 du code de l'environnement.

Sur la fin de non recevoir opposée par le département d'Ille-et-Vilaine :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". Il ressort de l'accusé de réception par voie postale que le jugement attaqué a été notifié au ministre de la transition écologique et solidaire le 11 juillet 2017. Par conséquent, la requête en appel, enregistrée au greffe de la cour le 12 septembre 2017, dans le délai de deux mois francs, n'est pas tardive.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

4. Le jugement attaqué, s'est fondé, pour accueillir le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit, au regard des articles R. 214-122, R. 214-123 et R. 214-125 du code de l'environnement qui ne permettent pas de faire peser d'obligations relatives à l'exploitation et la surveillance des ouvrages hydrauliques sur d'autres personnes, physiques ou morales, que leurs propriétaires ou leurs exploitants, sur la circonstance que le préfet n'établissait pas, dans son arrêté, que Mme de la Tour du Pin-Verclause et le département d'Ille-et-Vilaine avaient la qualité de propriétaire et/ou d'exploitant du barrage en cause. Ce jugement, qui expose de façon suffisamment précise les considérations de fait et de droit qui le fondent est, ainsi, conforme aux dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la tardiveté de la demande de première instance :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants (...) ". Il résulte des procédures particulières applicables en vertu des dispositions de la " loi sur l'eau " qui, d'une part, associent le demandeur ou l'exploitant à différentes étapes en le mettant à même de faire valoir ses observations en toute connaissance de cause avant l'intervention des décisions, et, d'autre part, confient au juge des pouvoirs étendus de pleine juridiction, que l'exercice d'un recours administratif, qu'il soit gracieux ou hiérarchique, pour contester les décisions relatives aux installations, ouvrages, travaux et activités entrant dans le champ d'application de l'article L. 214-1 précité du code de l'environnement, ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux. Toutefois, eu égard aux garanties nécessaires à l'exercice effectif du droit au recours, le recours administratif, qu'il soit gracieux ou hiérarchique, interrompt le délai de recours contentieux lorsque la décision contestée mentionne à tort qu'elle est susceptible de faire l'objet d'un recours administratif interrompant le délai de recours contentieux.

6. Il résulte de l'instruction que l'article 11 de l'arrêté litigieux du 3 mars 2009, relatif aux " voies et délais de recours ", mentionnait que le silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois sur une demande de recours gracieux emportait décision implicite de rejet de cette demande conformément à l'article R. 421-2 du code de justice administrative. Cette disposition précise que " sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. / La date du dépôt de la réclamation à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. ". Si la décision attaquée ne mentionnait pas expressément que le recours gracieux pouvait proroger le délai de recours contentieux, elle renvoyait à un texte règlementaire qui mentionnait cette possibilité. Dans ces circonstances, eu égard aux garanties nécessaires à l'exercice effectif du droit au recours, le recours gracieux formé par le département d'Ille-et-Vilaine et reçu en préfecture le 5 février 2014 a pu proroger le délai de recours contentieux à l'encontre de l'arrêté attaqué du 12 décembre 2013 et le ministre n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a écarté la fin de non-recevoir qu'il avait soulevée tirée de la tardiveté de la demande.

En ce qui concerne le fond du litige :

7. En second lieu, aux termes de l'article R. 214-123 du code de l'environnement : " Le propriétaire ou l'exploitant de tout barrage ou le gestionnaire des digues organisées en système d'endiguement surveille et entretient ce ou ces ouvrages et ses dépendances. ". Ces dispositions mentionnent seulement le propriétaire et l'exploitant comme débiteurs d'une obligation de surveillance et d'entretien de tout barrage ou digue. L'arrêté préfectoral contesté met une telle obligation concernant le barrage du " Lac tranquille " à la charge du département d'Ille-et-Vilaine et de Mme de la Tour du Pin en les qualifiant de "maîtres d'ouvrages" respectivement de la voie départementale portée par le barrage et du plan d'eau. Toutefois, cette circonstance est sans influence sur la légalité de cet arrêté, dès lors que ce vocable de "maître d'ouvrage" doit être regardé, eu égard à l'ensemble des termes de la décision contestée, comme équivalent à ceux respectivement de "propriétaire" et d'"exploitant" du barrage au sens des dispositions précitées de l'article R. 214-123 du code de l'environnement. Par suite, c'est à tort que le moyen tiré de l'erreur de droit a été accueilli par les premiers juges.

8. Toutefois il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le département d'Ille-et-Vilaine tant en première instance qu'en appel.

9. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté attaqué : " les maîtres d'ouvrage, Mme de la Tour du Pin-Verclause au titre du plan d'eau et le conseil général au titre de la voie départementale portée par le barrage, devront, chacun en ce qui les concerne, rendre conforme le barrage du " Lac Tranquille " sur la commune de Combourg, en mettant en oeuvre les dispositions suivantes (...) ". Par ces termes, le préfet a entendu mettre les obligations litigieuses à la charge conjointe de Mme C...du Pin-Verclause et du département d'Ille-et-Vilaine, chacun apportant, pour satisfaire à ces obligations, les informations à sa disposition en sa qualité respectivement d'exploitant du barrage et de propriétaire du barrage, sans qu'il soit ainsi nécessaire de distinguer à qui incombe chaque prescription. Il résulte des termes de l'article 3 de l'arrêté en litige qu'il doit être lu à la lumière de l'article 2, lequel permet, comme il a été dit, d'identifier les personnes à qui incombe les prescriptions fixées.

10. Il est constant que le barrage du " Lac Tranquille " comporte, à son sommet, la route départementale n° 795 appartenant au département d'Ille-et-Vilaine. Ce barrage constitue le support nécessaire de cette voie et doit, ainsi, être regardé comme en étant indissociable. Dès lors qu'il n'est pas établi, par des actes de propriété, que le barrage aurait un autre propriétaire, le préfet a pu regarder le département comme étant le propriétaire du barrage au sens de l'article R. 214-123 du code de l'environnement.

11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2013 ainsi que le rejet du recours gracieux formé par le département d'Ille-et-Vilaine.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département d'Ille-et-Vilaine demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 juillet 2017 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande du département d'Ille-et-Vilaine devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du département d'Ille-et-Vilaine tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département d'Ille-et-Vilaine, au ministre de la transition écologique et solidaire et à MmeD....

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 novembre 2018.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT02815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02815
Date de la décision : 12/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : LE DANTEC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-12;17nt02815 ?
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