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03/12/2018 | FRANCE | N°17NT02767

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 03 décembre 2018, 17NT02767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 15 décembre 2015 par laquelle la ministre chargée du travail a retiré sa décision implicite de rejet du 16 octobre 2015, annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 9ème section d'inspection de l'unité territoriale d'Indre-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre et a accordé à l'association Entr'Aide Ouvrière l'autorisation

de le licencier.

Par un jugement n° 1600257 du 13 juillet 2017, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 15 décembre 2015 par laquelle la ministre chargée du travail a retiré sa décision implicite de rejet du 16 octobre 2015, annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 9ème section d'inspection de l'unité territoriale d'Indre-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre et a accordé à l'association Entr'Aide Ouvrière l'autorisation de le licencier.

Par un jugement n° 1600257 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2017, l'association Entr'Aide Ouvrière, représentée par la SELARL CMB et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 juillet 2017 ;

2°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier :

* la minute dudit jugement n'est pas signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ;

* le tribunal a soulevé d'office un moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit de la décision du 15 décembre 2015, alors que M. C...n'avait soulevé dans ses écritures qu'un moyen tiré du défaut de motivation de la décision ministérielle ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation, le ministre pouvant, lorsqu'il annule la décision de l'inspecteur du travail sur recours hiérarchique, ignorer un des motifs retenus par l'inspecteur du travail si ce motif n'est pas de nature à interdire le licenciement ;

- les vices de procédure relevés par l'inspecteur du travail pour refuser le licenciement sollicité ne revêtaient pas un caractère substantiel.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 décembre 2017 et le 17 aout 2018, M. C..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association Entr'Aide Ouvrière à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué sont infondés ;

- la ministre devait se prononcer sur les motifs retenus par l'inspectrice du travail pour refuser le licenciement sollicité dans la mesure où :

* le non-respect du délai de dix jours entre la mise à pied du salarié concerné et la réunion du comité d'entreprise, prévu par l'article R. 2421-14 du code du travail, revêt en l'espèce un caractère substantiel ;

* le non-respect du délai de trois jours entre la communication de l'ordre du jour aux membres du comité d'entreprise et la réunion de consultation du comité prévu par l'article L. 2325-16 du code du travail, entache également la procédure de licenciement d'un vice substantiel, certains membres du comité d'entreprise n'ayant pu se positionner correctement pour rendre leur décision ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas été auditionné par le comité d'entreprise préalablement à l'avis rendu ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur fait et d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2018, la ministre du travail conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 juillet 2017 et au rejet de la demande de M.C....

La ministre s'associe aux moyens développés par l'association Entr'Aide Ouvrière et renvoie à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me B...substituant la SELARL CMB et associés, pour l'association Entr'Aide Ouvrière.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., employé depuis 1989 par l'association Entr'Aide Ouvrière, en dernier lieu en qualité d'encadrant technique, est délégué du personnel titulaire. Le 20 mars 2015, l'association a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire en lui reprochant un vol au sein des ateliers techniques au cours du week-end du 13 au 14 février 2015. L'inspectrice du travail a refusé d'accorder cette autorisation par une décision du 17 avril 2015. L'association Entr'Aide Ouvrière a formé un recours hiérarchique devant la ministre qui l'a implicitement rejeté. Par une décision du 15 décembre 2015, la ministre chargée du travail a retiré sa décision implicite de rejet, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de M.C.... Par sa présente requête, l'association Entr'Aide Ouvrière relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision du 15 décembre 2015.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. D'autre part, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. L'autorité administrative ne peut légalement faire droit à une telle demande d'autorisation de licenciement que si l'ensemble de ces exigences sont remplies. Par suite, lorsqu'il est saisi par l'employeur d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail qui a estimé que plusieurs de ces exigences n'étaient pas remplies et qui s'est, par suite, fondé sur plusieurs motifs faisant, chacun, légalement obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, le ministre ne peut annuler cette décision que si elle est entachée d'illégalité externe ou si aucun des motifs retenus par l'inspecteur du travail n'est fondé.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 17 avril 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. C...était fondée sur trois motifs distincts, liés au non respect du délai de convocation du comité d'entreprise prévu par les dispositions de l'article L. 2325-16 du code du travail, au dépassement du délai de convocation du comité d'entreprise prévu par les dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail et à la circonstance que le comportement reproché à M. C...ne justifiait pas son licenciement pour faute. Pour annuler la décision de l'inspectrice du travail, la ministre a relevé que les faits reprochés à M. C...étaient établis et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressé, sans se prononcer sur la légalité des deux autres motifs. Pour annuler la décision de ministre chargée du travail du 15 décembre 2015, le tribunal a estimé que la légalité des motifs tirés de la méconnaissance des délais prévus par les articles R. 2421-14 et L. 2325-16 étaient susceptibles, à eux-seuls, de justifier le refus d'autorisation de licenciement sollicité et qu'en ne se prononçant pas sur ces motifs la ministre avait entaché sa décision d'une erreur de droit

En ce qui concerne le non-respect du délai de dix jours entre la mise à pied du salarié et la réunion du comité d'entreprise, prévu par l'article R. 2421-14 du code du travail :

4. Si l'article R. 2421-14 du code du travail prévoit qu'en cas de mise à pied d'un salarié protégé, la consultation du comité d'entreprise appelé à se prononcer sur le projet de le licencier a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied et que la demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les 48 heures suivant la délibération du comité d'entreprise, ces délais ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement.

5. Il est constant que la mise à pied conservatoire de M.C..., en date du 3 mars 2015, a été notifiée à l'intéressé le 5 mars 2015. La consultation du comité d'entreprise a effectivement eu lieu le 19 mars 2015, soit quatorze jours après la notification de la mise à pied, en méconnaissance du délai de dix jours prévu par les dispositions citées. Toutefois, le dépassement de ce délai de quatre jours ne revêt pas en l'espèce un caractère excessif. Dans ces conditions, la circonstance que le délai de dix jours prévu par l'article R. 2421-14 du code du travail n'ait pas été respecté, n'est pas de nature à vicier la procédure de licenciement en cause. Par suite, la ministre n'était pas tenue de se prononcer sur ce motif retenu par l'inspectrice du travail, qui ne faisait pas obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, pour annuler la décision du 17 avril 2015.

En ce qui concerne le non-respect du délai de trois jours entre la communication de l'ordre du jour aux membres du comité d'entreprise et la réunion de consultation du comité, prévu par l'article L. 2325-16 du code du travail :

6. La méconnaissance du délai prévu par l'article L. 2325-16 du code du travail pour la communication de l'ordre du jour aux membres du comité d'entreprise est sans effet sur la validité de la procédure suivie dès lors qu'il ressort du procès-verbal joint au dossier que l'avis dudit comité a été rendu en toute connaissance de cause. Si une partie des membres du comité d'entreprise a considéré ne pas pouvoir se prononcer sur le projet de licenciement de M. C..., cette prise de position est sans lien avec le non-respect du délai prévu par les dispositions de l'article L. 2325-16 du code du travail, les représentants du personnel n'ayant pas relevé, ainsi qu'il ressort du compte rendu de la réunion du comité d'entreprise du 19 mars 2015, l'absence de délai suffisant pour préparer la réunion. Par suite, la ministre n'était pas tenue de se prononcer sur ce motif retenu par l'inspectrice du travail, qui ne faisait pas obstacle à ce que le licenciement soit autorisé, pour annuler la décision du 17 avril 2015.

7. Il résulte de ce qui précède que l'association Entr'Aide Ouvrière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a estimé que la légalité des motifs tirés de la méconnaissance des délais prévus par les articles R. 2421-14 et L. 2325-16 étaient susceptibles, à eux-seuls, de justifier le refus d'autorisation de licenciement sollicité et qu'en ne se prononçant pas sur ces motifs, le ministre avait entaché sa décision d'une erreur de droit.

8. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens évoqués par M. C...à l'appui de sa demande.

9. La décision attaquée, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée.

10. Il résulte des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. C... a été régulièrement convoqué à la réunion du comité d'entreprise devant se prononcer sur son licenciement. Toutefois, ce dernier, qui n'invoque aucune circonstance particulière pour justifier son absence à ladite réunion, ne s'y est ni présenté, ni fait représenter. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure préalable au licenciement n'aurait pas été respectée doit être écarté.

11. Il est fait grief à M. C... de s'être introduit par effraction dans les locaux de l'association Entr'Aide Ouvrière entre le 12 février 2015 à 17 heures et le 15 février 2015 à 8 heures 30 et d'avoir dérobé six tronçonneuses, un moteur de bateau et du carburant. Ces faits ont été reconnus par l'intéressé et ont fait l'objet d'une ordonnance pénale le 16 juin 2015 prononçant à l'encontre de M. C... une peine de prison d'un mois, assortie du sursis ayant autorité de la chose jugée. Dans ces conditions, la matérialité des faits reprochée est établie. De tels faits, qui constituent une faute sans rapport avec l'exercice normal des mandats représentatifs de l'intéressé, présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier le licenciement. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 15 décembre 2015 serait entachée d'une erreur fait et d'une erreur d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède que l'association Entr'Aide Ouvrière est fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 15 décembre 2015 par laquelle la ministre chargée du travail a retiré sa décision implicite de rejet du 16 octobre 2015, annulé la décision de l'inspectrice du travail de la 9ème section d'inspection de l'unité territoriale d'Indre-et-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre et a accordé à l'association Entr'Aide Ouvrière l'autorisation de le licencier.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Entr'Aide Ouvrière, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1600257 du 13 juillet 2017 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : M. C... versera à l'association Entr'Aide Ouvrière la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Entr'Aide Ouvrière, à M. A...C...et à la ministre du travail. Une copie sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02767
Date de la décision : 03/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL LEGITEAM DOKOUZLIAN et RAIMBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-03;17nt02767 ?
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