Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bonaud a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, de condamner la commune d'Hérouville-Saint-Clair à lui verser la somme de 21 206,10 euros TTC au titre du solde du décompte général du marché portant sur le lot n° 13 des travaux de création d'un pôle éducatif communal, d'autre part, de dire que cette somme sera majorée des intérêts au taux BCE majoré de 7 points à compter du 29 mars 2013 et, enfin, d'ordonner le mandatement de cette somme.
Par un jugement n° 1600690 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2017, la société Bonaud, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017 ;
2°) de condamner la commune d'Hérouville-Saint-Clair à lui verser la somme de 21 206,10 euros TTC au titre du solde du décompte général du marché portant sur le lot n° 13 des travaux de création d'un pôle éducatif communal ;
3°) de de dire que cette somme sera majorée des intérêts au taux BCE majoré de 7 points à compter du 29 mars 2013
4°) d'ordonner le mandatement de cette somme ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Hérouville Saint-Clair une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-le jugement est irrégulier dès lors que sa demande de première instance était recevable ; elle a saisi le tribunal administratif de Caen d'un référé provision le 21 janvier 2014 puis a fait appel le 27 mai 2015 de l'ordonnance du 15 mai 2015 rejetant sa demande ; la saisine du juge des référés en vue du versement d'une provision dans les délais prévus par le CCAG-travaux vaut saisine du tribunal administratif au sens des dispositions de l'article 50.3.2 de ce CCAG ;
- la commune d'Hérouville-Saint-Clair a méconnu les dispositions de l'article 13.4.2. du CCAG travaux en ne notifiant pas le décompte général dans les 30 jours qui ont suivi la réception le 26 octobre 2013 de la mise en demeure d'établir ce décompte ;
- il est établi qu'elle a dû procéder à des travaux supplémentaires rendus nécessaires en cours de chantier et distincts de ceux initialement prévus au marché, afin de rattraper une différence altimétrique des niveaux de support ; le devis portant sur ces travaux a été validé par le maître de l'ouvrage et par le maître d'oeuvre ; elle a en conséquence droit à leur paiement ;
- les retenues et pénalités opérées dans le décompte général sont injustifiées ;
- en tout état de cause, le solde du marché de base s'élève à la somme de 1 905,65 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2018, la commune d'Hérouville-Saint-Clair, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Bonaud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Bonaud tenant à la régularité du jugement attaqué et au bien-fondé du décompte général ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune d'Hérouville-Saint-Clair.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché notifié le 28 juillet 2010, la commune d'Hérouville-Saint-Clair a confié à la société Bonaud le lot n° 13 " revêtement de sols souples " des travaux de création d'un pôle éducatif, d'un montant de 143 071,50 euros hors taxes (HT). Au terme des travaux, qui n'ont pas été réceptionnés, la société Bonaud a notifié un projet de décompte final au maitre d'ouvrage. Les parties ne trouvant pas d'accord sur le paiement d'une partie des travaux réalisés, la société Bonaud a adressé le 26 octobre 2013 à la commune d'Hérouville-Saint-Clair une mise en demeure de lui notifier un décompte général définitif et un état de solde et de procéder au paiement de la somme de 21 087,48 euros à son profit. Par ordre de service du 18 avril 2014, la commune d'Hérouville-Saint-Clair a notifié à la société Bonaud le décompte général du marché, faisant apparaitre un solde en défaveur de l'entreprise de 5 263,19 euros TTC. Par un mémoire en réclamation reçu le 2 mai 2014 la société Bonaud a contesté ce décompte. La commune d'Hérouville-Saint-Clair n'a pas répondu à cette contestation. La société Bonaud relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que la commune d'Hérouville-Saint-Clair soit condamnée à lui verser la somme de 21 206,10 euros TTC au titre du solde du marché, majorée des intérêts au taux BCE majoré de 7 points à compter du 29 mars 2013 et, d'autre part, à ce que le mandatement soit ordonné.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG), dans sa version issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicable au marché en litige en vertu de l'article 15 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. ". Selon l'article 13.3.2 de ce CCAG : " Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d'oeuvre, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. ". L'article 13.4.2 du CCAG dispose que " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général avant la plus tardive des deux dates ci-après : - quarante jours après la date de remise au maître d'oeuvre du projet de décompte final par le titulaire ; - douze jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. / Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire, dans les délais stipulés ci-dessus, le décompte général signé, celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord. / Si le décompte général est notifié au titulaire postérieurement à la saisine du tribunal administratif, le titulaire n'est pas tenu, en cas de désaccord, de présenter le mémoire en réclamation mentionné à l'article 50.1.1. ".
3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que des réserves importantes ont été faites lors des opérations préalables à la réception du lot n°13, les 30 et 31 août 2012. Ces réserves n'avaient pas été levées au 29 mars 2013, date à laquelle la société Bonaud a notifié à la commune d'Hérouville-Saint-Clair un projet de décompte final. Par ailleurs, la société Bonaud a intégré dans ce projet de décompte le coût de travaux de reprises altimétriques des supports pour un montant de 19 300,45 euros TTC dont la commune d'Hérouville-Saint-Clair a toujours contesté le caractère de travaux supplémentaires. Aucune suite n'a été donnée au projet de décompte final présenté par l'entreprise de sorte qu'aucun décompte général n'a été établi par la commune d'Hérouville-Saint-Clair. Confrontée à l'absence de notification d'un décompte général par le maître de l'ouvrage dans le délai prévu par l'article 13.4.2 du CCAG, la société Bonaud a mis en demeure le 26 octobre 2013 la commune d'Hérouville-Saint-Clair d'en établir un. En l'absence d'établissement de ce document dans le délai de trente jours, la société Bonaud a saisi le 22 janvier 2014 le tribunal administratif de Caen d'une première demande tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, d'établir le décompte général du marché, dont elle s'est désistée le 29 avril 2014, et d'une seconde tendant à ce que le juge des référés décide le versement d'une allocation provisionnelle correspondant au règlement des travaux qu'elle a réalisés et qu'elle estimait lui être dus à hauteur de 21 087,48 euros TTC. Compte tenu de son objet, la saisine du juge des référés sur le fondement des articles R. 541-1 et suivants du code de justice administrative par la société Bonaud ne peut être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent, au sens de l'article 13.4.2 cité au point 2, aux fins d'établissement d'un décompte général.
4. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article 50 du même CCAG : " Règlement des différends et des litiges (...) 50.1. Mémoire en réclamation : / 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'oeuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. (...) Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. (...) 50.1.2. Après avis du maître d'oeuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. / 50.1.3. L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. / 50.2. Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6. / 50.3. Procédure contentieuse : / 50.3.1. A l'issue de la procédure décrite à l'article 50.1, si le titulaire saisit le tribunal administratif compétent, il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs énoncés dans les mémoires en réclamation. / (...) 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. / 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. (...) ".
5. D'autres part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dernières dispositions que le titulaire du marché peut obtenir du juge des référés qu'il ordonne au pouvoir adjudicateur le versement d'une indemnité provisionnelle et qu'il n'est pas tenu de saisir, par ailleurs, le juge du contrat d'une demande au fond. Dans ces conditions, la saisine du juge des référés sur le fondement des articles R. 541-1 et suivants du code de justice administrative doit être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent au sens de l'article 50.3.2 cité au point 4.
6. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société titulaire a saisi le juge des référés en vue du versement d'une provision correspondant au règlement des travaux qu'elle a réalisés, dès le 22 janvier 2014. En l'absence, à cette date, d'établissement du décompte général et de réclamation préalable contre celui-ci, la saisine par la société Bonaud du juge des référés du tribunal administratif de Caen le 22 janvier 2014 ne pouvait être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent au sens de l'article 50.3.2. L'envoi à la commune d'Hérouville-Saint-Clair, contre le décompte général notifié par ordre de service du 18 avril 2014, de la réclamation préalable le 2 mai 2014, soit dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général, n'était pas de nature à régulariser sa demande devant le tribunal administratif.
7. La commune d'Hérouville-Saint-Clair n'ayant apporté aucune réponse au mémoire en réclamation reçu le 2 mai 2014 de l'entreprise titulaire dans le délai de 45 jours prévu par l'article 50.1.2 du CCAG, la société Bonaud avait jusqu'au 17 décembre 2014 pour saisir le tribunal compétent d'une contestation du décompte général. En dépit de l'intervention de l'ordonnance du 15 mai 2015 par laquelle le juges des référés du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'une provision d'un montant de 21 206,10 euros TTC, confirmée en appel le 10 mars 2016, il en résulte que le délai de recours de six mois était expiré le 30 mars 2016, date d'enregistrement de la demande de première instance de la société Bonaud devant le tribunal administratif de Caen. Dès lors, le tribunal a pu, à juste titre, faire droit à la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Hérouville-Saint-Clair.
8. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que la société Bonaud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Hérouville-Saint-Clair, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la société Bonaud au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Bonaud une somme de 1 500 euros sur ce même fondement à verser à la commune d'Hérouville-Saint-Clair.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Bonaud est rejetée.
Article 2 : La société Bonaud versera à la commune d'Hérouville-Saint-Clair une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bonaud et à la commune d'Hérouville-Saint-Clair.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02253