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19/01/2018 | FRANCE | N°17NT02147

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 janvier 2018, 17NT02147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une protestation, enregistrée le 21 mars 2017, l'Union des armateurs à la pêche de France (UAPF) a demandé au tribunal de Rennes de réformer les résultats de l'élection, ayant eu lieu le 12 janvier 2017, des membres du comité départemental des pêches maritimes et élevages marins d'Ille-et-Vilaine, dans la catégorie " chefs d'entreprise de la pêche maritime non embarqués ", et de déclarer élus les candidats de la liste présentée par l'UAPF.

Par un jugement n°1701523 du 16 mai 2017, le t

ribunal administratif de Rennes a rejeté cette protestation.

Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une protestation, enregistrée le 21 mars 2017, l'Union des armateurs à la pêche de France (UAPF) a demandé au tribunal de Rennes de réformer les résultats de l'élection, ayant eu lieu le 12 janvier 2017, des membres du comité départemental des pêches maritimes et élevages marins d'Ille-et-Vilaine, dans la catégorie " chefs d'entreprise de la pêche maritime non embarqués ", et de déclarer élus les candidats de la liste présentée par l'UAPF.

Par un jugement n°1701523 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette protestation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 juillet et 14 décembre 2017 l'Union des armateurs à la pêche de France, représentée par Me Williamson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 30 janvier 2017 rejetant son recours gracieux formé le 16 janvier 2017 ;

3°) d'annuler l'élection du candidat du SYMPA dans la catégorie " chefs d'entreprise de la pêche maritime non embarqués ", ou à titre subsidiaire, l'élection dans son ensemble ;

4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de proclamer son candidat élu, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appréciation de l'objet statutaire d'un syndicat doit se faire au niveau des catégories au sein des collèges et non au niveau du collège ; aussi le SYMPA, syndicat qui ne défend que les droits et intérêts des chefs d'entreprise embarqués, ne pouvait présenter une liste de candidats dans la catégorie des chefs d'entreprise maritime non embarqués au sein du collège des chefs d'entreprise ;

- la défense de la catégorie de patrons-pêcheurs artisans est manifestement distincte de celle des " chefs d'entreprise non embarqués " ; la pêche artisanale implique nécessairement que le " patron ", qui exerce le commandement du navire, soit embarqué ;

- l'illégalité de l'élection du candidat du SYMPA n'entraîne que sa propre invalidation et le juge administratif peut proclamer l'élection du candidat de l'UAPF dans la catégorie en cause.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2017 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de l'UAPF n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemoine,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Williamson, avocat de l'Union des armateurs à la pêche de France.

1. Considérant que l'Union des armateurs à la pêche de France a contesté les opérations électorales organisées en vue de la désignation des membres du comité départemental des pêches maritimes et élevages marins d'Ille-et-Vilaine dans la catégorie " chefs d'entreprise de la pêche maritime non embarqués " qui se sont déroulées le 12 janvier 2017 ; que ce syndicat relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa protestation tendant à la réformation des résultats de cette élection ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 912-100 du code rural et de la pêche maritime : " Dans les cinq jours de l'affichage des résultats des élections aux conseils des comités départementaux, interdépartementaux et régionaux des pêches maritimes et des élevages marins prévu à l'article R. 912-95, les opérations électorales peuvent être contestées devant le préfet du département du siège du comité dans le cas d'un comité départemental ou interdépartemental, ou le préfet de région, dans le cas d'un comité régional. Le préfet statue dans un délai de quinze jours, après consultation, s'il le juge utile, de la commission électorale. A défaut, la contestation est réputée rejetée à l'expiration de ce délai./ La décision du préfet peut être déférée au tribunal administratif qui statue dans un délai de deux mois./ L'appel devant la cour administrative d'appel doit, à peine de nullité, être déposé au greffe de la cour, dans le délai d'un mois à partir de la notification du jugement qui comporte l'indication dudit délai. Il est jugé comme affaire urgente. / Les membres élus restent en fonction jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur les réclamations. " ; qu'aux termes de l'article R. 811-3 du code de justice administrative : " Le défaut de mention, dans la notification du jugement, d'un délai d'appel inférieur à deux mois emporte application du délai de deux mois " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification du jugement attaqué comportait l'indication que le requérant disposait d'un délai de deux mois pour se pourvoir devant la cour administrative d'appel; que, dès lors, cette notification erronée n'a pu faire courir le délai spécial d'un mois prévu à l'article R. 912-100 du code rural et de la pêche maritime mais seulement le délai d'appel de droit commun de deux mois ; que, par suite, la présente requête n'est pas tardive ;

Sur la validité des élections contestées :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 912-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les membres des professions qui, quel que soit leur statut, se livrent aux activités de production des produits des pêches maritimes et des élevages marins adhèrent obligatoirement à une organisation professionnelle des pêches maritimes et des élevages marins./ Cette organisation comprend un comité national, des comités régionaux et des comités départementaux ou interdépartementaux, dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière.(...) " ; qu'aux termes de l'article L. 912-4 de ce code : " (...) II. - Les comités régionaux et les comités départementaux ou interdépartementaux sont administrés par un conseil composé de représentants des équipages et salariés des entreprises de pêche maritime et d'élevage marin et des chefs de ces entreprises, de représentants des coopératives maritimes mentionnées aux articles L. 931-5 et suivants (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 912-67 du même code : " La présente section est applicable à l'élection des membres des conseils des comités départementaux, interdépartementaux et régionaux des pêches maritimes et des élevages marins, représentant :1° Les équipages et salariés des entreprises de pêche maritime et d'élevage marin, composant le premier collège ; 2° Les chefs d'entreprise de pêche maritime et d'élevage marin, composant le deuxième collège, divisé en quatre catégories regroupant respectivement les chefs d'entreprise de pêche maritime embarqués, les chefs d'entreprise de pêche maritime non embarqués armant un ou plusieurs navires titulaires d'un rôle d'équipage de pêche, les chefs d'entreprise de pêche maritime à pied et les chefs d'entreprise d'élevage marin " ; qu'aux termes de l'article R. 912-77 de ce code : " Sont électeurs dans le collège des chefs d'entreprise de pêche maritime et d'élevage marin et dans leurs catégories respectives en vue de l'élection des membres des conseils des comités départementaux, interdépartementaux et régionaux des pêches maritimes et des élevages marins : 1° Les chefs d'entreprise de pêche maritime embarqués, armant un ou plusieurs navires titulaires d'un rôle d'équipage de pêche, ayant accompli au moins trois mois d'embarquement à la pêche au cours des douze mois précédant la date mentionnée à l'article R. 912-75 ; 2° Les chefs d'entreprise de pêche maritime non embarqués, armant un ou plusieurs navires titulaires d'un rôle d'équipage de pêche ; (...)" ; que l'article R. 912-82 du même code dispose que : " Les listes de candidats au conseil des comités départementaux, interdépartementaux et régionaux des pêches maritimes et des élevages marins sont présentées par les organisations professionnelles ou syndicales représentatives, ayant pour objet social de défendre les droits et intérêts des personnes constituant le collège concerné et dont les statuts sont régis par le code du travail " ; qu'aux termes de l'article R. 912-84 de ce code : " L'éligibilité d'un candidat est limitée au collège auquel il appartient ou au titre duquel il a demandé son inscription sur la liste des candidats et, dans le cas du collège des chefs d'entreprise, à la catégorie dans laquelle le candidat exerce son droit de vote ou, à défaut, au titre de laquelle il a demandé son inscription sur la liste des candidats. " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 912-98 du code rural et de la pêche maritime : " Il est procédé à une élection partielle en vue de désigner les membres d'un conseil des comités départementaux, interdépartementaux et régionaux des pêches maritimes et des élevages marins, au titre d'un ou des deux collèges, dans les cas suivants : 1° En cas d'annulation des opérations électorales réalisées en vue de la désignation des représentants d'un ou des deux collèges ; (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées au point 4, rapprochées des autres dispositions de la sous-section du code rural et de la pêche maritime relative à l'élection des membres des comités régionaux, départementaux ou interdépartementaux des pêches maritimes et des élevages marins, que les conditions d'éligibilité des candidats ou des listes de candidats s'apprécient au niveau de chacune des quatre catégories composant le collège des chefs d'entreprises maritimes et que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la condition de représentativité de l'organisation syndicale dont est issu chaque candidat doit s'apprécier, de la même manière, au niveau de chaque catégorie du collège des chefs d'entreprise, de telle sorte que son objet statutaire coïncide avec la défense des droits et intérêts des personnes appelées à siéger dans cette catégorie ;

6. Considérant que les statuts du Syndicat maritime des pêcheurs artisanaux (SYMPA) prévoient : " Article 3 Champ d'application : Il concerne uniquement la pêche artisanale (...) Peut adhérer tout patron salarié de la pêche artisanale, affilié au régime de l'ENIM, propriétaire d'un ou deux navires... l'équipage devra au total être inférieur à 10 membres. (...) Article 6 [Les buts du syndicat sont] de regrouper les patrons pêcheurs artisans en vue d'assurer la défense collective ou individuelle de leurs intérêts. (...) dans son champ d'activité, de représenter les adhérents auprès des pouvoirs publics, des organisations professionnelles et institutions diverses." ; qu'aux termes de l'article L. 931-2 du code rural et de la pêche maritime : " La société de pêche artisanale est une société soumise au régime d'imposition des sociétés de personnes ou une société de capitaux et dont au moins 51 % des droits sociaux et des droits de vote sont détenus par un ou des pêcheurs qui en assurent en droit la direction et sont embarqués sur le ou les deux navires dont la société est : 1° Soit totalement propriétaire ou copropriétaire majoritaire (...) / 2° Soit copropriétaire avec un armement coopératif agréé dans le cadre d'une accession progressive à la propriété dans un délai qui ne peut excéder quinze ans ; 3° Soit exploitante. (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions statutaires ainsi rappelées, rapprochées des dispositions du code rural et de la pêche maritime énoncées au point 4, que l'objet du SYMPA est la défense des patrons pêcheurs artisans, lesquels sont nécessairement des chefs d'entreprise embarqués ; que, dès lors que ce syndicat avait choisi de limiter son objet à la défense des droits et intérêts des membres de la catégorie professionnelle des chefs d'entreprise de pêche maritime embarqués, il ne pouvait régulièrement présenter des candidats dans une autre catégorie professionnelle, en l'espèce celle des chefs d'entreprise de pêche maritime non embarqués ; que, par suite, l'élection des membres du comité départemental des pêches maritimes et élevages marins d'Ille-et-Vilaine dans le collège des chefs d'entreprises et la catégorie des " chefs d'entreprise de la pêche maritime non embarqués " est illégale et doit être annulée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Union des armateurs à la pêche de France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 912-98 du code rural et de la pêche maritime précitées il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à une élection partielle en vue de désigner le ou les membre de la catégorie des chefs d'entreprise de pêche maritime non embarqués appelé(s) à siéger au comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins d'Ille-et-Vilaine , dans un délai de 4 mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Union des armateurs à la pêche de France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1701523 du tribunal administratif de Rennes du 16 mai 2017 et l'élection du 12 janvier 2017 du représentant du SYMPA dans la catégorie des chefs d'entreprise de pêche maritime non embarqués du comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins d'Ille-et-Vilaine sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à une élection partielle en vue de désigner le ou les membres de la catégorie des chefs d'entreprise de pêche maritime non embarqués dans le collège des chefs d'entreprise appelé(s) à siéger au comité départemental des pêches maritimes et des élevages marins d'Ille-et-Vilaine, et ce dans un délai de 4 mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Union des armateurs à la pêche de France est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union des armateurs à la pêche de France, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au ministre de la transition écologique et solidaire et au Syndicat maritime des pêcheurs artisans.

Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Lemoine, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 janvier 2018.

Le rapporteur,

F. Lemoine

Le président,

I. Perrot

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui les concernent, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02147
Date de la décision : 19/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

28-06-04 Élections et référendum. Élections professionnelles. Élections aux organes et aux ordres professionnels.


Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : WILLIAMSON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-19;17nt02147 ?
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