Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la société SG2A L'Hacienda à lui verser, en qualité d'assureur subrogé dans les droits de la communauté de communes de la Touraine du Sud, la somme de 314 407,06 euros, majorée des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis du fait de la dégradation des blocs sanitaires de l'aire d'accueil des gens du voyage située sur la commune de Descartes.
Par un jugement n° 1602156 du 6 avril 2017, le tribunal administratif d'Orléans a condamné la société SG2A L'Hacienda à payer à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire la somme de 204 745,81 euros en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2016.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mai 2017 et 18 janvier 2018, la société SG2A L'Hacienda, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 avril 2017 ;
2°) par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter la demande présentée par la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire devant le tribunal administratif d'Orléans ;
3°) de mettre à la charge de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire le versement à son profit de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que sa responsabilité pouvait être engagée sur le fondement contractuel ; le contrat de gestion et d'entretien ne prévoit aucune mission de gardiennage ou de surveillance de l'aire pendant les heures de fermeture ; en tout état de cause, le contrat était suspendu durant la fermeture de l'aire pour maintenance, à compter du 18 février 2011 ;
- le tribunal aurait dû constater qu'il ne disposait d'aucun élément permettant de chiffrer les dommages liés aux dégradations pour lesquelles sa responsabilité a été recherchée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2017, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire, représentée par Me Cousseau, conclut :
- au rejet de la requête ;
- par la voie de l'appel incident, à ce que la somme mise à la charge de la société SG2A L'Hacienda soit portée à 314 407,06 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête, avec capitalisation ;
- à ce que soit mis à la charge de la société SG2A L'Hacienda le versement à son profit de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;
- et les observations de Me Esquelisse, avocate de la société SG2A L'Hacienda et de Me Cousseau, avocate de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire.
1. Considérant qu'aux termes d'un marché public conclu le 4 décembre 2008, la communauté de communes de la Touraine du Sud (Indre-et-Loire) a confié la gestion de l'aire d'accueil des gens du voyage de " La croix Charlot ", située sur la commune de Descartes, à la société SG2A L'Hacienda ; qu'en raison de dysfonctionnements constatés dans l'exploitation de la station d'épuration voisine et le système d'assainissement autonome de l'aire d'accueil, entraînant l'insalubrité de celle-ci, le maire de Descartes a, par arrêté du 4 février 2011, décidé au titre de ses pouvoirs de police la fermeture complète du site à compter du 18 février 2011, jusqu'à la fin des travaux de mise en conformité du dispositif d'assainissement ; que, le 6 juillet 2012, l'agent de la société SG2A L'Hacienda a constaté que des actes de vandalisme avaient entraîné la dégradation de l'ensemble des blocs sanitaires équipant l'aire d'accueil ; qu'en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de la communauté de communes de la Touraine du Sud, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire, imputant ce sinistre à un défaut de surveillance du site par la société SG2A L'Hacienda, a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner ladite société à lui verser la somme de 314 407,06 euros au titre du remboursement du préjudice subi ; que la société SG2A L'Hacienda relève appel du jugement du 6 avril 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, en se fondant sur l'acquiescement aux faits en application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, l'a condamnée à verser à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire la somme de 204 745,81 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire demande que l'indemnité qui lui a été accordée en première instance soit portée à la somme de 314 407,06 euros ;
Sur la responsabilité contractuelle :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, qu'après mars 2012, par accord entre la communauté de communes de la Touraine du sud et son prestataire, le paiement des cotisations mensuelles versées par la collectivité maître d'ouvrage à la société SG2A L'Hacienda et l'exécution du marché ont été suspendus en raison de la fermeture de l'aire d'accueil pour les besoins des travaux de réfection de son système d'assainissement, et d'autre part, que la dégradation des sanitaires de l'aire d'accueil a été constatée le 6 juillet 2012, durant cette période de suspension du contrat ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 15 du " marché pour la gestion des aires d'accueil des gens du voyage " conclu entre la communauté de communes de la Touraine du sud et la société SG2A L'Hacienda : " Les obligations des parties sont suspendues ou résiliées en cas de force majeure. / Sont considérés comme cas de force majeure, tous les évènements indépendants de la volonté des parties, imprévisibles et irrésistibles intervenus après la conclusion du marché, et rendant impossible ou exorbitante l'exécution intégrale ou partielle des obligations du marché. / (...) Chacune des parties renonce expressément à réclamer des dommages et intérêts au titre de préjudice résultant pour elle de l'inexécution des obligations de l'autre partie par suite d'une circonstance dûment établie au sens défini ci-dessus et dans la limite de l'empêchement consécutif à cette circonstance. " ; que ces stipulations trouvaient à s'appliquer en l'espèce, dès lors que la fermeture de l'aire d'accueil a été prononcée sur le fondement de ses pouvoirs de police de la salubrité publique par le maire de la commune de Descartes, tiers aux parties au contrat, en raison des dysfonctionnements importants du dispositif d'assainissement de l'aire d'accueil ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que ces dysfonctionnements ayant entraîné la fermeture de l'aire d'accueil seraient dus à la communauté de communes ou à la société SG2A L'Hacienda ; qu'ainsi, cette situation constituait un évènement indépendant de la volonté des parties, imprévisible, irrésistible et rendant impossible l'exécution des obligations du marché, au sens de l'article 15 précité du contrat ;
4. Considérant qu'il résulte ainsi de l'instruction que, durant la période de fermeture de l'aire d'accueil sans paiement des cotisations mensuelles dues par la collectivité maître d'ouvrage, le cocontractant de la communauté de communes n'avait plus la garde des installations de cet équipement ; que, dans ces conditions, sa responsabilité contractuelle ne pouvait être engagée à ce titre ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède d'une part, que la société SG2A L'Hacienda est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire, qui ne saurait avoir plus de droits que son assurée, la communauté de communes de la Touraine du Sud, dans les droits de laquelle elle est subrogée, la somme de 204 745,81 euros en réparation de ses préjudices dus à une prétendue faute contractuelle ; que, d'autre part, les conclusions d'appel incident de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire tendant à l'augmentation de l'indemnité mise à la charge de la société SG2A L'Hacienda par ce jugement ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire la somme de 1 500 euros que la société SG2A L'Hacienda demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que les conclusions présentées par la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire sur le même fondement soient accueillies ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 6 avril 2017 est annulé.
Article 2 : La Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire versera à la société SG2A L'Hacienda la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SG2A L'Hacienda et à la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Groupama Paris Val de Loire.
Copie en sera adressée pour information à la communauté de communes de la Touraine du Sud.
Délibéré après l'audience du 6 février 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 février 2018.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
V. DESBOUILLONS La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01561