La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2018 | FRANCE | N°17NT01388

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 janvier 2018, 17NT01388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...H...a saisi le tribunal administratif de Rennes afin qu'il prononce l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2013 par lequel le maire de la commune de l'île de Batz a accordé à M. F...un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section AC n° 504 au lieu-dit Mezou Grannog.

Par un jugement n° 1304912 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14NT02367 et 14NT02372 du 24 juillet 2015, la cour, sur les

requêtes de la commune de l'île de Batz et de M.F..., a annulé ce jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...H...a saisi le tribunal administratif de Rennes afin qu'il prononce l'annulation de l'arrêté du 17 octobre 2013 par lequel le maire de la commune de l'île de Batz a accordé à M. F...un permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section AC n° 504 au lieu-dit Mezou Grannog.

Par un jugement n° 1304912 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 14NT02367 et 14NT02372 du 24 juillet 2015, la cour, sur les requêtes de la commune de l'île de Batz et de M.F..., a annulé ce jugement du tribunal administratif de Rennes.

Par une décision n°393801 du 28 avril 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par M. E...H..., a annulé l'arrêt du 24 juillet 2015 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé ces affaires devant cette juridiction, qui portent désormais le n°17NT01388.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 septembre 2014, 20 juillet 2017 et 29 décembre 2017, la commune de l'île de Batz, représentée par son maire, par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juillet 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H...devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. H... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, M. H... n'a pas intérêt à agir contre le permis de construire accordé à M.F... ;

- elle n'a pas été rendue destinataire, en première instance, du mémoire de M. H... enregistré au greffe du tribunal administratif de Rennes le 10 mars 2014 ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. H...n'a pas invoqué la méconnaissance de la règle de constructibilité limitée des articles L. 111-1-2 et R. 111-14 du code de l'urbanisme, ni le classement du secteur d'implantation du projet en zone 1AU4 dans le plan local d'urbanisme ;

- du fait de l'annulation du plan local d'urbanisme, les dispositions de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme étaient applicables et n'ont pas été méconnues ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la zone dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet ne dispose pas d'une densité significative de constructions et n'était donc pas une zone urbanisée.

Par des mémoires enregistrés les 6 novembre 2014, 7 novembre 2017 et 28 décembre 2017, M. E... H..., représenté par la société d'avocats Lexcap puis par MeC..., conclut, en l'état de ses dernières écritures, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de l'île de Batz la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ il a un intérêt à agir pour contester le permis de construire litigieux ;

­ les moyens soulevés par la commune de l'île de Batz ne sont pas fondés ;

­ le permis de construire litigieux est illégal au regard des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme en raison de la capacité insuffisante de la station d'épuration qui, en raison de sa saturation, ne permet pas d'accueillir de nouveaux immeubles à usage d'habitation sur la commune.

II. Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 septembre 2014, 18 novembre 2014, 24 octobre 2017 et 28 décembre 2017, M. I...F..., représenté par MeJ..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juillet 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. H...devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. H... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ la requête de première instance de M. H... est, au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, irrecevable dès lors qu'il n'a pas d'intérêt à agir pour contester le permis de construire qui lui a été accordé ;

­ contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, M. H...n'ayant pas invoqué l'illégalité du zonage 1AU4 sur le fondement duquel a été délivré le permis litigieux, les premiers juges ne pouvaient pas, en conséquence, relever d'office ce moyen en se référant à son jugement du 28 mai 2014 annulant ce zonage ;

­ en l'absence d'invocation de ce moyen, les moyens tirés de la violation de l'article L. 111-1-2 et du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme sont inopérants ;

­ en tout état de cause, le secteur du Mezou Grannog, composé d'une trentaine de constructions, constitue une partie urbanisée de la commune, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ne peut qu'être écarté ;

­ les allégations de M. H... tenant à la poursuite des travaux après la suspension du permis de construire querellé ne sont pas fondées ;

Par un mémoire enregistré le 18 novembre 2014, M. E... H..., représenté par la société d'avocats Lexcap, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. F...la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ il a un intérêt à agir pour contester le permis de construire litigieux ;

­ les moyens soulevés par M. F...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'urbanisme,

­ le code de l'environnement ;

­ le code civil,

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M.A...'hirondel,

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ et les observations de MeB..., substituant MeJ..., représentant M. F... et de MeG..., substituant MeC..., représentant M.H....

1. Considérant que par un arrêté du 17 octobre 2013, le maire de la commune de l'île de Batz a délivré à M. F...un permis de construire une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée section AC n° 504 située au lieu-dit Mezou Grannog ; que la commune de l'île de Batz et M. F...relèvent appel du jugement du 11 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, sur une demande présentée par M. H..., annulé cet arrêté ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, (...) que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui ci ;

4. Considérant que le propriétaire d'un terrain non construit est recevable, quand bien même il ne l'occuperait ni ne l'exploiterait, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparaît que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien ;

5. Considérant que pour justifier de son intérêt à agir, M. H...se prévaut de sa qualité de voisin immédiat du projet pour être propriétaire de plusieurs parcelles dont l'une, cadastrée section AB n°89, est située à 150 mètres du projet et qu'il subira une perte de vue et d'ensoleillement ; qu'il fait, par ailleurs, valoir que le projet, distant de plusieurs kilomètres du centre-bourg de la commune de l'île de Batz, ainsi que les travaux destinés à assurer la mise en conformité de la station d'épuration et l'extension du réseau d'assainissement porteront atteinte à l'espace remarquable dans lequel ce projet s'insère, formé par un environnement rural, caractérisé par la présence de nombreux terrains vierges de toute construction et de quelques immeubles épars et que le permis de construire contesté favorisera une extension de l'urbanisation en méconnaissance de la loi littoral ; que M. H... soutient, également, que la construction projetée préjudiciera aux conditions d'accès à ses parcelles, qu'elle gênera la poursuite de l'activité agricole en raison des nuisances qu'elle est susceptible d'entraîner et qu'elle sera de nature à aggraver les inondations affectant les parcelles cadastrées section AB n°s107 et 111 ;

6. Considérant, toutefois, que les requérants soutiennent sans être contredits, et ainsi qu'il ressort au demeurant des pièces du dossier, que les parcelles cadastrées section AB n°s 87 et 89, en état de friche ou de pâture, sont situées à proximité immédiate de la station d'épuration installée sur la parcelle cadastrée section AB n°93 ; qu'elles sont distantes d'environ respectivement 180 et 120 mètres du projet contesté, dont elles sont séparées par d'autres parcelles et sur lequel elles ne disposent d'aucune vue du fait de l'implantation, sur la parcelle cadastrée section AC n° 485, de cinq bâtiments érigés sur trois étages de l'ancienne colonie de vacances qui constituent un écran visuel ; que si M. H... est également propriétaire des parcelles cadastrées section AB n°s107, 111 et 115 destinées à l'exploitation agricole d'une superficie respective d'environ 310, 460 et 1 200 m², elles sont situées approximativement à 220, 250 et 360 mètres du projet et leur activité génère, selon ses dires, des nuisances telles que " bruit, poussière, épandage de produits pesticides etc. " ; que dans ces conditions, compte tenu de l'implantation de la construction projetée, dans un secteur comprenant une douzaine de constructions implantées en ordre épars, et de la distance séparant les parcelles de M. H... du projet, ce dernier n'est pas de nature à nuire à la poursuite de l'activité agricole, ni à occasionner la perte de vue et d'ensoleillement alléguée par M. H... ; qu'en se bornant à soutenir que le projet litigieux serait de nature à aggraver le risque d'inondation que subissent déjà les parcelles cadastrées section AB n°s107 et 111 alors qu'il est constant qu'elles se situent en zone humide au sens des dispositions de l'article L.211-1 du code de l'environnement, le requérant n'apporte aucun élément suffisamment précis et étayé de nature à établir ce risque ; que le réseau routier permet, enfin, de desservir indifféremment les parcelles à usage agricole de M. H... et le projet litigieux alors, au surplus, que les voies de communications et de desserte sont suffisantes pour supporter le trafic induit par une construction supplémentaire ; qu'enfin, M. H...ne peut se prévaloir de ce qu'il entendrait préserver la qualité environnementale du site ; que, dans ces conditions, le permis litigieux n'est pas de nature à affecter directement les conditions de jouissance des biens de M. H... ; qu'il suit de là que la commune de l'île de Batz et M. F...sont fondés à soutenir qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, M. H...n'était pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre le permis de construire du 17 octobre 2013 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de l'île de Batz et M. F...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 17 octobre 2013 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. H...devant le tribunal administratif de Rennes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune de l'île de Batz et de M.F..., qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, les sommes que M. H...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. H...deux sommes de 500 euros à verser, d'une part, à la commune de l'île de Batz et, d'autre part, à M. I...F... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juillet 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. H...devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : M. H...versera, d'une part, une somme de 500 euros à la commune de l'île de Batz et, d'autre part, une somme de 500 euros à M. I...F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de l'île de Batz, à M. I...F...et à M. E...H....

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 janvier 2018.

Le rapporteur,

M. K...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01388
Date de la décision : 19/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL FLAMIA PRIGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-19;17nt01388 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award