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15/10/2018 | FRANCE | N°17NT01242

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 15 octobre 2018, 17NT01242


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 novembre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable dirigé contre le refus de lui accorder le pécule des officiers de carrière et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 993 058 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement n° 1500092 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2017, M. B..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 3 novembre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté son recours administratif préalable dirigé contre le refus de lui accorder le pécule des officiers de carrière et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 993 058 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement n° 1500092 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2017, M. B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 février 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 3 novembre 2014 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme globale de 993 058 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de fait ;

- la décision du 3 novembre 2014 est insuffisamment motivée ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait procédé à un examen particulier de sa demande ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il avait accompli moins de 18 ans de service auprès de la Marine Nationale et n'avait bénéficié d'aucune mesure de reclassement dans un emploi public, remplissant ainsi l'intégralité des conditions légales et réglementaires prévues à l'article R. 4139-43 du code de la défense et que par ailleurs, à la date de sa demande, la limite d'un pécule pour les officiers du grade de lieutenant-colonel ou de capitaine de frégate n'était pas atteinte ; le motif de gestion tiré du sous-effectif des capitaines de frégate possédant l'expérience du groupe aérien embarqué n'est pas avéré ;

- la décision contestée ne repose sur aucune considération liée à l'intérêt du service et est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'illégalité de cette décision constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- cette décision lui a occasionné un préjudice dès lors qu'il n'a pas eu la possibilité de se reconvertir dès le mois d'août 2014 en tant que pilote instructeur dans l'aviation royale canadienne et a subi une perte de salaire de 8 200 euros pour les cinq mois perdus entre le 29 août 2014 et le 12 janvier 2015 ;

- il s'est vu dans l'obligation de financer des cours de rattrapage à hauteur de 1 600 euros pour ses enfants en raison d'un déménagement intervenu en cours d'année scolaire alors qu'il avait sollicité sa radiation à compter du 29 août 2014 afin que ses enfants puissent effectuer leur rentrée scolaire au Canada ; il a également perdu les frais d'inscription de ses enfants dans diverses associations sportives et éducatives à concurrence de la somme de 500 euros ;

- il a subi un préjudice moral, d'autant plus que l'arrêté contesté a été transmis à l'ensemble de la flottille 17F sans aucune mention de confidentialité ; ce préjudice doit être évalué à la somme de 800 000 euros, correspondant aux vingt années de solde de base dont il aurait pu jouir s'il était resté dans la Marine Nationale jusqu'à la limite d'âge de son grade ;

- il est fondé à solliciter la somme de 40 000 euros au titre des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., capitaine de frégate dans la spécialité " aéronautique navale ", a servi en tant que commandant de la flottille " 17F " basée à Landivisiau. Le 17 janvier 2014, il a présenté sa démission avec effet à compter du 29 août 2014 en sollicitant le bénéfice du pécule des officiers de carrière prévu à l'article L. 4139-8 du code de la défense à compter du 29 août 2014. Le 3 novembre 2014, le ministre de la défense a rejeté sa demande après avis de la commission des recours des militaires. M. B...relève appel du jugement du 9 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 993 058 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a soulevé devant le tribunal administratif de Rennes le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le ministre de la défense en indiquant que " le motif de gestion invoqué par ledit ministère est injustifié dès lors qu'il n'y a pas de " sous-effectif " en capitaines de frégate. ". Les premiers juges ont répondu de façon suffisante à ce moyen en rappelant le motif de la décision contestée, fondée sur le sous-effectif de la composante aéronavale, notamment dans la spécialité de l'intéressé, et en estimant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'une telle appréciation serait entachée d'une erreur d'appréciation. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en omettant de répondre au moyen tiré de l'erreur de fait, qui n'était pas expressément soulevé dans ses écritures de première instance, le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense. (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " Dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine, la commission notifie à l'intéressé la décision du ministre compétent (...) La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée mentionne les textes applicables et plus particulièrement les articles L. 4139-8 et R. 4139-41 du code de la défense qu'elle cite in extenso. Elle rappelle la procédure suivie et notamment l'avis de la commission des recours des militaires et indique le motif du refus à savoir l'existence d'un sous-effectif chez les officiers de carrière dans la composante aéronavale, et plus particulièrement dans la spécialité de pilote de chasse. Cette décision précise en outre, que le nombre de capitaines de frégate possédant, " comme l'auteur du recours " l'expérience du groupe aérien embarqué est extrêmement réduit et ne permet pas de satisfaire tous les besoins. Par suite, cette décision est suffisamment motivée et ne révèle aucun défaut d'examen de la situation personnelle de M. B....

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4139-8 du code de la défense : " Les militaires de carrière mis à la retraite (...) peuvent, sur demande agréée, dans la limite d'un contingent annuel fixé par arrêté interministériel, recevoir, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, un pécule déterminé en fonction de la solde perçue en fin de service. ". Aux termes de l'article R. 4139-42 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Le contingent annuel précité est réparti entre les armées, formations rattachées, armes et corps selon les besoins du service propres à chacun d'entre eux et compte tenu notamment de la situation de leurs effectifs. ". Aux termes de l'article R. 4139-43 du code de la défense : " Pour être admis au bénéfice d'un pécule les officiers doivent : 1° Avoir accompli à la date de leur radiation des cadres moins de dix-huit ans de services ouvrant droit à une pension du code des pensions civiles et militaires de retraite ; 2° Ne pas bénéficier d'une mesure de reclassement dans un emploi public en application des dispositions de l'article L. 4139-2. ". L'arrêté du 20 février 2014 prévoit l'attribution de vingt-neuf pécules, à raison d'un pécule pour les officiers du grade de lieutenant-colonel ou de capitaine de frégate.

6. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'avantage qu'elles prévoient est subordonné non seulement à la réunion, par les militaires qui le demandent, de certaines conditions d'âge et de durée de services, mais encore à l'agrément du ministre qui peut l'accorder ou le refuser après avoir procédé à un examen particulier de la demande et pour des motifs tirés des besoins du service et de la gestion des effectifs. Par suite la circonstance que M. B...avait accompli moins de dix-huit années de service dans la Marine Nationale, ne bénéficiait d'aucune mesure de reclassement dans un emploi public et remplissait toutes les conditions prévues à l'article R. 4139-43 précité du code de la défense pour l'octroi du pécule d'incitation au départ anticipé ne suffit pas à établir l'illégalité de la décision contestée, laquelle n'est au demeurant pas fondée sur ce motif et ne remet pas davantage en cause les qualités professionnelles et la manière de servir de l'intéressé. De même est sans incidence sur la légalité de la décision contestée le fait que M. B... a déposé sa demande en janvier 2014 et qu'à cette date le contingent annuel d'un officier du grade de lieutenant-colonel ou de capitaine de frégate n'était pas atteint dès lors que le ministre ne lui a pas opposé ce motif pour rejeter sa demande.

7. En troisième lieu, si le requérant se prévaut des effectifs des promotions antérieures ou postérieures à la sienne, et qui ne disposent pas de la même expérience que lui, en intégrant au demeurant les agents ayant le grade de capitaine de vaisseau, qui est différent du sien, ces éléments ne sont pas de nature à établir le caractère erroné du motif retenu par le ministre. Ce dernier atteste en effet que seuls six des douze postes d'officiers de carrière dans la composante aéronavale et la spécialité chasse étaient pourvus et que cette situation ne lui permettait pas d'encourager le départ de ces agents par l'octroi du pécule statutaire. La circonstance que trois capitaines de frégate ont obtenu une mise en disponibilité, que M. B...a été affecté, postérieurement à la décision contestée et à sa demande, sur un poste de contrôleur à la direction de la sécurité aéronautique de l'Etat à Villacoublay afin de ne plus faire partie du personnel opérationnel, et que par un arrêté du 19 novembre 2014, il a été radié des cadres à sa demande à compter du 12 janvier 2015, ne suffit pas à démontrer que les effectifs dans sa spécialité étaient suffisants à la date de la décision contestée dès lors que si le ministre ne s'est pas opposé à ces demandes de départ, il pouvait tout aussi légalement décider de ne pas les favoriser. Ainsi, en se fondant sur un motif tiré de la gestion des effectifs pour refuser d'accorder le pécule sollicité par M.B..., le ministre n'a entaché sa décision ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 7, le ministre chargé de la défense a pu prendre en compte la situation des effectifs correspondant au grade de M. B...et l'intérêt du service pour lui refuser le pécule sollicité. Si le requérant soutient que cette décision a été prise dans le but de l'empêcher de mener à terme son projet au sein de l'aviation royale canadienne, la décision contestée l'a seulement privé d'un avantage financier mais pas de la possibilité de quitter l'armée française en vue d'une reconversion, ce qu'il a d'ailleurs fait à compter du 12 janvier 2015. De même, si l'intéressé soutient qu'on lui aurait refusé des formations de vol sur avion de chasse Rafale, et qu'il aurait été mis en concurrence avec un autre camarade déjà qualifié sur ce type d'avion lors de l'examen professionnel du personnel navigant d'essai et de réception, ces éléments, qui ne présentent pas de lien avec la décision contestée, ne peuvent suffire à caractériser un " acharnement " à son encontre qui accréditerait le détournement de pouvoir allégué. Ce moyen doit dès lors être écarté, ainsi l'ont fait à juste titre les premiers juges.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre.

9. En l'absence d'illégalité fautive, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée à l'égard du requérant. Par suite, les conclusions présentées par M. B...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme globale de 993 058 euros en réparation des préjudices qu'il invoque ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01242
Date de la décision : 15/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : RAJJOU

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-15;17nt01242 ?
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