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04/10/2018 | FRANCE | N°17NT00880

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 04 octobre 2018, 17NT00880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1403589 du 11 janvier 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enr

egistrés les 13 mars 2017 et 30 août 2018, M. et Mme E..., représentés par MeB..., demandent à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1403589 du 11 janvier 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 mars 2017 et 30 août 2018, M. et Mme E..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, s'agissant de la qualification des titres de la société 2et2 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M.E..., qui exerçait dans le cadre d'une entreprise individuelle, créée en 1993, les activités d'expert-comptable, de commissaire aux comptes et d'expert judiciaire, a apporté en 1996 la branche expertise comptable à une société dénommée 2et2, dont les titres, reçus en contrepartie de cet apport, sont venus remplacer à l'actif de l'entreprise individuelle les biens apportés. Les titres détenus ont été cédés le 14 mars 2008. C'est à tort que l'administration a remis en cause l'exonération de la plus-value résultant de la cession de ces titres le 14 mars 2008 sur le fondement de l'article 151 septies du code général des impôts au motif que les titres cédés ne constituaient pas des actifs de l'entreprise individuelle et a requalifié en revenus de capitaux mobiliers le dividende versé à M. E...par la société 2et2, imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. En effet :

- d'une part, c'est à la date de l'entrée du bien dans le patrimoine qu'il convient de se placer pour vérifier si son inscription à l'actif a été effectuée à bon droit ;

- d'autre part, l'entrepreneur qui apporte une branche de son entreprise individuelle à une société doit inscrire en contrepartie les titres reçus à l'actif de cette entreprise ;

- l'utilité de la détention de titres, qui se distingue de la nécessité, seule envisagée par l'administration, pour l'exercice de l'activité professionnelle, est réalisée dès que cette détention revêt un intérêt pour l'exercice de la profession. Seuls sont exclus les biens radicalement étrangers à l'exercice de l'activité. Tel est le sens de la documentation de base 5G2112 § 13, reprise au BOFiP BOI-BNC-BASE-10-20 § 170. En l'espèce, les titres de la société 2et2 étaient utiles au développement des deux autres activités professionnelles et individuelles de M. E...en tant qu'expert judiciaire ou commissaire aux comptes ; en particulier, il y a synergie entre les deux activités d'expert-comptable, désormais exercées au sein de la société, et d'expert judiciaire ; dans le cadre de conventions de prestations la société 2et2 a fourni, moyennant facturation, à M. E...des locaux, du matériel et du personnel nécessaires à ses missions de commissaire aux comptes et d'expert judiciaire ; cette mise à disposition ne constitue pas un simple service rendu contre rémunération ;

- enfin, la position retenue par l'administration lors de la vérification de comptabilité de l'entreprise individuelle pour la période couvrant les années 2001 à 2003 et qui a consisté à ne pas remettre en cause l'inscription au registre des immobilisations des titres de la société 2et2 est opposable à l'administration en vertu du principe de loyauté et sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- compte tenu de l'utilité de la détention des titres, les dividendes versés en 2017 devaient être déclarés et imposés en tant que bénéfices industriels et commerciaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme E...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeE..., et M.D..., représentant le ministre de l'action et des comptes publics.

Une note en délibéré, présentée pour M. et MmeE..., a été enregistrée le 17 septembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Pour exercer ses activités d'expert-comptable, de commissaire aux comptes et d'expert judiciaire, M. E...a créé en 1993 une entreprise individuelle. En 1996, la branche d'expertise comptable a été apportée à la société 2et2. En contrepartie de cet apport, M. E... a reçu 9 997 titres de cette société qui ont été inscrits à l'actif de son entreprise individuelle. Le 14 mars 2008, 7 999 titres détenus dans la société ont été cédés par M. E... qui a estimé que la plus-value réalisée devait être exonérée en application des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts. En 2010, le service a procédé à une vérification de comptabilité ayant abouti, par une proposition de rectification du 29 juillet 2010, à la remise en cause de l'exonération au motif que les titres cédés ne constituaient pas des actifs de l'entreprise individuelle et à l'imposition des dividendes versés en 2007 par la société 2et2 en tant que revenus de capitaux mobiliers et non de bénéfices non commerciaux. La demande de M. et Mme E...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 et d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 janvier 2017 dont ils relèvent appel.

Sur la plus-value de cession des titres de la société 2et2 :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts : " I. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. / L'exercice à titre professionnel implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. / II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : / 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à (...) / b) 90 000 € s'il s'agit d'autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux ; (...). ". Aux termes de l'article 93 du même code : " I. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) il tient compte des gains ou des pertes provenant (...) de la réalisation des éléments de l'actif affectés à l'exercice de la profession (...). ".

3. Les éléments d'actif affectés à l'exercice d'une profession non commerciale et visés au 1 de l'article 93 du code général des impôts s'entendent, soit de biens qui, spécifiquement nécessaires à l'activité du contribuable, ne peuvent être distraits par celui-ci de son actif professionnel, soit de biens qui, de la nature de ceux dont l'usage est requis pour l'exercice de cette activité, sont effectivement utilisés à cette fin par le contribuable, et que, s'il en est propriétaire, celui-ci peut, à son choix, maintenir dans son patrimoine personnel ou rattacher à son actif professionnel et porter, dans ce dernier cas, sur le registre des immobilisations prévu à l'article 99 du code général des impôts. En revanche, un bien dont la détention ne revêt aucune utilité professionnelle ne peut, alors même que le contribuable l'aurait, à tort, inscrit sur le registre de ses immobilisations, constituer, au regard de la loi fiscale, un élément de son actif professionnel.

4. En invoquant le motif de la création de la société 2et2 en 1996 qui était la préparation de l'arrivée d'un associé dans l'activité d'expertise comptable, les requérants ne justifient pas que la détention d'actions de cette société était une condition nécessaire à l'exercice de l'activité individuelle de M. E...en tant que commissaire aux comptes et expert judiciaire qu'il a décidé de poursuivre postérieurement à la constitution de la société et indépendamment de cette dernière. En effet, s'ils font état de l'existence d'une synergie entre les deux activités d'expert-comptable, désormais exercée au sein de la société, et d'expert judiciaire, ils ne versent aucun élément précis de nature à corroborer leurs allégations. M. E...ayant exercé les activités de commissaire aux comptes et d'expert judiciaire avant la création de la société 2et2, les requérants ne font état d'aucune incidence précise de l'acquisition des parts de la société sur de telles activités et se contentent d'invoquer la circonstance que, dans le cadre de conventions de prestations, la société a fourni, moyennant facturation, à M. E...des locaux, du matériel et du personnel nécessaires à ses missions. La détention de titres de la société d'expertise comptable n'était donc pas utile à l'exercice de ses deux autres activités. Ainsi, les parts de la société ne peuvent pas être regardées comme relevant du patrimoine professionnel de M. E.... C'est donc à bon droit que l'administration a estimé que l'exonération prévue à l'article 151 septies du code général des impôts en faveur des plus-values professionnelles d'éléments de l'actif immobilisé n'était pas applicable.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. D'une part, les requérants invoquent, en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la méconnaissance de la documentation de base 5-G-2112 paragraphe 13, reprise au BOI-BNC-BASE-10-20 paragraphe 170, relative à la détermination du patrimoine professionnel des personnes réalisant des opérations imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Toutefois, cette documentation ne comporte pas d'interprétation différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

6. D'autre part, les requérants ne sont pas fondés à invoquer la position retenue par l'administration lors de la vérification de comptabilité de l'entreprise individuelle pour la période couvrant les années 2001 à 2003 et qui a consisté à ne pas remettre en cause l'inscription au registre des immobilisations des titres de la société 2et2, laquelle ne constitue pas une prise de position formelle invocable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

Sur les produits financiers :

7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1 - Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2 - Toutes les sommes (...) mises à la disposition des associés (...) et non prélevées sur les bénéfices. (...). ". En application de ces dispositions, et compte tenu de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, la somme de 15 998 euros versée en 2007 à M. E... par la société 2et2 doit être regardée comme des revenus distribués, passibles de l'impôt sur le revenu entre les mains de son bénéficiaire. Il suit de là que cette somme doit être incluse dans le revenu imposable de M. E...au titre de l'année 2007, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non comme des bénéfices non commerciaux.

8. Il résulte de tout de ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M.et Mme C...E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.

Le rapporteur,

J.-E. GeffrayLe président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00880
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-04;17nt00880 ?
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