La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2019 | FRANCE | N°17NT00789

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 11 janvier 2019, 17NT00789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 807 496,11 euros et, subsidiairement, d'allouer à son époux une rente de 25 699,52 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident médical non fautif dont elle a été victime en avril 2010 lors de sa prise en charge par le centre hospitalier de Lisieux.

Par un jugement

n° 1502458 du 27 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné l'O...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 807 496,11 euros et, subsidiairement, d'allouer à son époux une rente de 25 699,52 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident médical non fautif dont elle a été victime en avril 2010 lors de sa prise en charge par le centre hospitalier de Lisieux.

Par un jugement n° 1502458 du 27 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné l'ONIAM à verser à Mme B...la somme totale de 234 840,40 euros, sous réserve de la déduction de la somme de 200 000 euros déjà versée à titre de provision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2017 et régularisée le 6 mars 2017 et des mémoires enregistrés les 21 juin et 4 décembre 2018 Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Caen du 27 décembre 2016 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 653 368,18 euros et, subsidiairement, d'allouer à son époux une rente annuelle de 18 856 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas contesté qu'elle a été victime, après la pose d'une prothèse totale de hanche réalisée le 6 avril 2010 au centre hospitalier de Lisieux, d'un accident médical non fautif ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale ;

- elle a accepté la proposition d'indemnisation qui lui a été faite par l'ONIAM pour les postes suivants : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique et préjudice d'agrément, pour un montant total de 21 850 euros ;

- elle demande la confirmation du jugement rendu le 27 décembre 2016 pour les postes déficit fonctionnel permanent, frais médicaux actuels et futurs, frais d'adaptation du véhicule et frais d'assistance par un médecin conseil ;

- en revanche les premiers juges ne pouvaient pas déduire l'allocation personnalisée d'autonomie des frais d'assistance par une tierce personne au-delà du 30 septembre 2015 dès lors qu'elle a cessé de percevoir cette allocation après cette date ; le montant total de ce poste de préjudice doit être évalué à 260 266,18 euros ;

- elle produit des pièces permettant d'établir que les frais de réaménagement de sa cuisine, dont elle demande le remboursement à hauteur de 15 324,29 euros correspondant aux seuls frais de mobilier et d'électricité, ont été engagés pour lui permettre de cuisiner en fauteuil roulant ;

- du fait de l'accident dont elle a victime, elle ne peut plus s'occuper de son mari, atteint de handicap, comme elle le faisait auparavant : elle justifie des frais engagés pour l'hospitalisation de M. B...du 23 avril au 18 juillet 2010 à hauteur de 6 086,92 euros, frais dont elle est fondée à demander le remboursement parce qu'ils ont été engagés avec le budget du ménage ;

- elle justifie également que, du fait de son handicap, elle doit recourir à une aide extérieure pour son époux à hauteur de 4 heures par jour ; cette dépense doit être indemnisée en totalité, rien n'établissant qu'elle n'aurait pas pu assumer cette charge après l'âge de 70 ans si elle n'avait pas été victime d'un accident médical ; elle s'élève à 127 689,67 euros au 31 octobre 2016 et à 190 690,72 euros au titre des frais futurs ; à défaut de capitalisation, la cour pourra allouer une rente annuelle de 18 856 euros.

Par un mémoire enregistré 15 mai 2018 l'ONIAM, représenté par MeC..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé le montant dû à Mme B...au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne à un montant supérieur à 58 889,50 euros au 1er novembre 2016 et en tant qu'il a fixé un capital et non une rente annuelle pour les frais futurs.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par Mme B...à l'appui de sa requête ne sont pas fondés ;

- le montant indemnisable au titre du besoin d'assistance par une tierce personne doit être calculé après déduction de l'allocation personnalisée d'autonomie et doit être versé sous la forme d'une rente annuelle pour la période postérieure au 31 octobre 2016.

La requête a été communiquée le 14 mars 2017 à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., substituant MeA..., représentant MmeB....

Une note en délibéré présentée pour Mme B...a été enregistrée le 20 décembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., née en 1948, a subi le 6 avril 2010 une intervention chirurgicale au centre hospitalier de Lisieux pour la pose d'une prothèse totale de la hanche gauche. Elle a été victime par la suite d'un hématome du psoas à l'origine d'une compression nerveuse tronculaire qui a nécessité une nouvelle intervention chirurgicale dans la nuit du 19 au 20 avril 2010, puis la pose d'une prothèse totale de la hanche droite le 5 août 2011, et lui a laissé des séquelles sensitivo-motrices de la jambe gauche. Mme B...a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation qui, sur la base du rapport d'expertise déposé le 8 octobre 2013, a conclu à l'existence d'un accident médical non fautif et à l'existence d'un droit à réparation de l'intéressée au titre de la solidarité nationale. Mme B...a accepté les offres d'indemnisation amiable de l'Office nationale d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour les postes relatifs aux déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique et préjudice d'agrément, pour un montant total de 21 850 euros, mais a refusé l'offre qui lui avait été faite par l'office pour les autres postes de préjudice. Elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen, qui lui a accordé une provision de 200 000 euros. Par un jugement du 27 décembre 2016 le tribunal administratif de Caen a condamné l'ONIAM à lui verser la somme totale de 234 840,40 euros sous déduction de la somme déjà perçue à titre de provision. Mme B...relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 653 368,18 euros. Par la voie de l'appel incident, l'ONIAM demande la réformation de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à MmeB..., au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne, un montant supérieur à 58 889,50 euros pour les frais actuels et, pour les frais futurs, un capital au lieu d'une rente annuelle d'un montant de 7 649,60 euros.

Sur le droit à réparation de MmeB... :

2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci (...)". En vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM.

3. Il résulte du rapport d'expertise, et il n'est pas contesté par les parties, que Mme B... a été victime d'un accident médical non fautif de nature à lui ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale sur le fondement des dispositions citées au point 2 du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

Sur les préjudices :

4. Il y a lieu de confirmer, ainsi que Mme B...et l'ONIAM le demandent, l'évaluation faite par les premiers juges des postes relatifs aux déficit fonctionnel permanent, dépenses de santé, assistance par un médecin conseil et frais d'adaptation du véhicule pour les montants respectifs de 27 000 euros, 6 499,05 euros, 1 100 euros et 4 201,20 euros.

En ce qui concerne les frais engagés pour l'hospitalisation et l'assistance par une tierce personne de M.B... :

5. Les dispositions citées au point 2 du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoient l'indemnisation, au titre de la solidarité nationale, des seuls préjudices du patient et, seulement en cas de décès de celui-ci, des préjudices subis par les ayants droit. Par suite, Mme B...n'est pas fondée à demander le remboursement des frais engagés pour l'hospitalisation et l'assistance par une tierce personne de son époux, qui est atteint de handicap et dont elle ne peut plus assumer seule la prise en charge du fait de l'accident médical dont elle a été victime, dans la mesure où il s'agit de préjudices propres à M. B...qui, de ce fait, n'ouvrent pas droit à réparation en l'espèce, quand bien même ils ont une incidence sur le budget du ménage et donc, indirectement, sur la situation personnelle de la victime.

En ce qui concerne le besoin d'assistance par une tierce personne de MmeB... :

6. L'expert a fixé à deux heures par jour à compter du 22 juillet 2010 le besoin d'assistance par une tierce personne de Mme B...en lien avec l'accident médical dont elle a été victime. Cependant, il ressort des attestations fiscales délivrées par le centre national Cesu et produites au dossier que Mme B...n'a pas eu recours à cette assistance dans son intégralité puisqu'elle a dépensé depuis 2010, pour l'intervention d'une aide à domicile, une somme allant, selon les années, de 3 831 euros à 8 123 euros. Sur la base de ces attestations, et alors que la requérante n'établit pas ni même n'allègue qu'elle aurait eu recours en outre à une aide familiale, il y a lieu de retenir au titre des frais d'assistance par une tierce personne déjà exposés une dépense totale de 48 538 euros. Il convient de déduire de ce montant l'allocation personnalisée d'autonomie dont la requérante a bénéficié du 29 septembre 2010 jusqu'au 30 septembre 2015, pour un montant total de 18 975,70 euros. En revanche, dès lors qu'il résulte des pièces versées par cette dernière qu'elle ne perçoit plus cette allocation, ni aucune autre prestation destinée à couvrir les frais d'assistance par une tierce personne, c'est à tort que les premiers juges ont tenu compte, pour évaluer le montant total qui lui était dû, de l'allocation qu'elle aurait pu obtenir si elle en avait fait la demande. Par suite, le poste assistance par une tierce personne doit être évalué, à la date de lecture du présent arrêt, à la somme de 29 562,30 euros (48 538 - 18 975,70).

7. Par ailleurs, pour la période postérieure au présent arrêt, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et contrairement à ce qu'on fait les premiers juges, de fixer la somme due par l'ONIAM sous forme de capital. Il y a lieu en revanche de mettre la requérante en mesure de bénéficier d'une assistance extérieure couvrant l'intégralité de ses besoins tels que déterminés par l'expert, et sans tenir compte des prestations sociales dont elle pourrait éventuellement faire la demande. Par suite, compte tenu du taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui est de 13,83 euros en 2018, ainsi que des jours fériés et dimanches, il sera fait une exacte appréciation des frais futurs d'assistance par une tierce personne en allouant à Mme B...une rente annuelle de 11 400 euros, payable par trimestre échu à compter de la date du présent arrêt et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

En ce qui concerne les frais d'aménagement du logement :

8. Les premiers juges ont accordé à Mme B...une somme de 167,30 euros pour l'achat d'un fauteuil de douche et d'une barre d'appui, une somme de 2 842,85 euros pour l'installation d'un portail automatisé et une somme de 11 500 euros pour la pose d'un monte escalier. Ils ont en revanche rejeté sa demande de prise en charge du réaménagement de sa cuisine au motif que le lien avec son handicap n'était pas établi. Cependant, l'expert avait noté dans son rapport la nécessité d'aménager la cuisine de la patiente " à hauteur du fauteuil roulant ". En outre, Mme B... produit en appel une attestation de la kinésithérapeute qui la traite à domicile, indiquant que la cuisine a été refaite en 2010 pour être accessible en fauteuil roulant, ainsi que des photographies montrant un ensemble exclusivement composé de meubles bas. Elle est, par suite, fondée à demander le remboursement de la somme de 12 837,50 euros, correspondant à l'achat du mobilier, et de la somme de 2 486,79 euros correspondant aux travaux d'électricité engagés pour ce réaménagement. Il y a lieu, dès lors, de fixer la somme totale due au titre des frais d'aménagement du logement à 29 834,44 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de ramener la somme de 234 840,40 euros que l'ONIAM a été condamné par le tribunal administratif de Caen à verser à Mme B...en réparation de ses préjudices à la somme de 98 196,99 euros, à laquelle doit s'ajouter le versement à l'intéressée, à compter de la date de lecture du présent arrêt, d'une rente annuelle de 11 400 euros qui sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais de l'instance :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 234 840,40 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme B... par le tribunal administratif de Caen est ramenée à 98 196,99 euros, sous déduction des sommes déjà versées à titre de provision.

Article 2 : L'ONIAM versera à Mme B...une rente annuelle de 11 400 euros, payable par trimestre échu à compter de la date du présent arrêt et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le jugement n°1502458 du tribunal administratif de Caen du 27 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... et des conclusions d'appel incident présentées par l'ONIAM est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2019.

Le rapporteur

I. Le BrisLe président

I. Perrot

Le greffier

M. E...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00789


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00789
Date de la décision : 11/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : UGGC AVOCATS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-11;17nt00789 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award