Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société BGC a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le marché de construction du hall sportif attribué par la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes à la société Groupe 1000 Lorraine et de condamner la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes à lui payer la somme de 109 443 euros au titre de son éviction irrégulière du marché.
Par un jugement n° 1402950 du 9 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes à verser à la société BGC la somme de 87 020 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 janvier 2017 et le 29 janvier 2018, la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402950 du 9 novembre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société BGC devant le tribunal administratif de Strasbourg et l'appel incident présenté par cette société ;
3°) de mettre à la charge de la société BGC la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la notation du sous-critère relatif à la qualité des matériaux n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les matériaux proposés par l'entreprise bien que conformes aux spécifications techniques exigées, étaient de qualité inférieure à ceux de l'attributaire ce qui justifiait une note de 1/10 pour des produits de second choix ;
- le sous-critère " proposition architecturale et aménagements intérieurs " n'était pas sans lien avec l'objet du marché dans la mesure où il appartenait aux soumissionnaires d'émettre sur certains points des prestations à réaliser des suggestions quant au choix des matériaux et à l'aménagement intérieur ;
- ce sous-critère ne saurait être regardé comme ayant eu pour objet de confier aux soumissionnaires la réalisation de missions de maîtrise d'oeuvre ;
- la société n'avait aucune chance sérieuse d'obtenir le marché dans la mesure où en s'abstenant de produire une offre de base, elle a présenté une offre irrégulière qui aurait dû être éliminée en application de l'article 53 du code des marchés publics ;
- l'indemnisation accordée par les premiers juges n'est pas justifiée dès lors que compte tenu de l'écart existant entre la notation de l'attributaire et celle de la société BGC, cette dernière n'avait pas une chance sérieuse d'obtenir le marché ;
- cette indemnisation ne peut être calculée à partir du seul taux de marge nette de la société en 2013 et le tribunal aurait dû calculer ce taux sur la base de trois exercices précédents, en retenant en outre non le taux de marge nette globale de l'entreprise mais celui réalisé dans le cadre de la commande publique sur les activités de même nature que le marché litigieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2017, la société BGC, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :
1°) de réformer l'article 1er du jugement en tant qu'il a seulement condamné la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes à lui verser la somme de 87 020 euros hors taxes ;
2°) de condamner la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes à lui payer la somme de 109 443 euros hors taxes ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en s'engageant à respecter les normes exigées par le cahier des clauses techniques particulières et en indiquant l'origine de ces matériaux, la société BGC s'est conformée aux exigences prescrites dans les documents du marché et a mis à même le pouvoir adjudicateur de juger de la qualité de ses matériaux ;
- la commune n'apporte aucune justification quant à la note attribuée de 1/10 en ce qui concerne la qualité des matériaux ;
- le sous-critère " proposition architecturale et aménagements intérieurs ", qui se rapporte à des prestations de maîtrise d'oeuvre, n'est pas en lien avec l'objet du marché qui concerne uniquement la construction d'un hall sportif ;
- la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée interdit expressément de confier des missions de maîtrise d'oeuvre à une entreprise de travaux et il appartient au seul maître d'oeuvre d'apporter des éléments relatifs à la conception de l'ouvrage tels que les plans de façades et de coupes, les études sur les surfaces, sur les matériaux ou les installations techniques ;
- elle disposait d'une chance réelle et sérieuse d'obtenir le marché ;
- son préjudice n'a pas été surévalué ;
- le taux de marge nette doit être porté à 9,55% et son manque à gagner à 109 443 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me Arab, avocat de la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes et de Me Misséré, avocat de la société BGC.
Une note en délibéré, enregistrée le 21 mars 2018, a été présentée pour la société BGC.
1. Considérant que la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes a lancé une consultation, sous la forme d'un lot unique, pour un marché à procédure adaptée portant sur la construction d'un hall sportif ; qu'un avis d'appel public à la concurrence, publié le 5 juin 2013, a fixé au 19 août 2013 la date limite de réception des offres ; que quatre offres ont été remises parmi lesquelles celle de la société BGC et celle de la société Groupe 1000 Lorraine ; que par courrier du 13 septembre 2013, la commune a notifié à la société BGC le rejet de son offre et l'attribution du marché à la société Groupe 1000 Lorraine ; que cette société a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation du marché et la condamnation de la commune à lui verser la somme de 109 443 euros ; que par le jugement du 9 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes à verser à la société BGC la somme de 87 020 euros ; que la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes relève appel de ce jugement et, par la voie de l'appel incident, la société BGC demande la condamnation de la commune à lui payer la somme de 109 443 euros ;
2. Considérant que tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, afin d'en obtenir la résiliation ou l'annulation ; qu'il appartient au juge saisi de telles conclusions, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits du cocontractant, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;
3. Considérant qu'en vue d'obtenir réparation de ses droits lésés, le concurrent évincé a ainsi la possibilité de présenter devant le juge du contrat des conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fin de résiliation ou d'annulation du contrat ; qu'il peut également engager un recours de pleine juridiction distinct, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l'illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé ;
4. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dès lors que l'offre d'un candidat irrégulièrement évincé d'une procédure de passation d'un marché était irrégulière, ce candidat, de ce seul fait, ne peut être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse d'obtenir le marché, y compris lorsque l'offre retenue était tout aussi irrégulière, et n'est pas fondé, par suite, à demander réparation d'un tel préjudice ;
5. Considérant qu'aux termes du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics : " Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation " ; qu'aux termes du II de l'article 50 du même code : " (...) Pour les marchés publics passés selon une procédure adaptée, lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché, les candidats peuvent proposer des variantes sauf si le pouvoir adjudicateur a mentionné dans les documents de consultation qu'il s'oppose à l'exercice de cette faculté. Le pouvoir adjudicateur peut mentionner dans les documents de la consultation les exigences minimales ainsi que les modalités de leur présentation. Dans ce cas, seules les variantes répondant à ces exigences minimales sont prises en considération. Toutefois, la mention des exigences minimales et des modalités de leur présentation peut être succincte." ; qu'aux termes de l'article 2.1 du règlement de consultation du marché de construction d'un hall sportif de la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes : " Le CCTP détaille les prestations envisagées et les variantes techniques sont autorisées. " ; qu'aux termes de l'article 4.1 du même règlement : " (...) Le maître d'ouvrage se réserve le droit de choisir soit l'offre de base, soit l'offre avec une ou plusieurs options, soit l'offre variantée intégrant la ou les options sans aucune contestation des entreprises. (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que la possibilité pour les candidats de présenter des offres variantées était subordonnée à la présentation simultanée d'une offre de base répondant strictement aux exigences du CCTP ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'analyse des offres du 27 août 2013 que la société BGC n'a pas présenté d'offre de base mais seulement une proposition variantée intégrée ; que ce rapport mentionne ainsi que " le dossier de l'entreprise BGC, par trop équivoque dans sa composition et présentation, n'autorise pas en l'état une véritable analyse " et qu'il précise, après l'analyse des critères sur l'offre de base qu'" il apparaît, à la lecture des éléments produits par BGC dans son mémoire technique, que ce dernier soit déjà en proposition de variante intégrée à la base. Au vu des images produites par ce dernier, l'architecture semble modifiée, ce qui entraînerait le refus du maître d'oeuvre " ; que ces éléments sont corroborés par la pièce n°4 versée en première instance par la commune le 6 novembre 2014 constituée par le mémoire technique présenté par la société BGC qui proposait trois variantes sans aucune mention de l'offre de base ; que, dans ces conditions, l'offre de la société BGC qui ne respectait pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, était irrégulière au sens des dispositions précitées du 1° du I de l'article 35 du code des marchés publics ; que la circonstance que l'offre de la société BGC ait été notée et classée ne peut être utilement opposée dès lors que, compte tenu de cette irrégularité, la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes était tenue d'éliminer son offre ; que, dès lors, la société BGC était en tout état de cause dépourvue de toute chance de remporter le marché et ne pouvait prétendre à aucune indemnité ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à la société BGC la somme de 87 020 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction de ce contrat ; que pour les mêmes motifs, les conclusions d'appel incident de la société BGC tendant à ce que l'indemnité qui lui a été accordée par les premiers juges soit portée à la somme de 109 443 euros ne peuvent qu'être rejetées ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société BGC demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société BGC le versement à la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1402950 du 9 novembre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société BGC devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.
Article 3: La société BGC versera à la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié la commune de Sainte-Marie-aux-Chênes et à la société BGC.
2
N° 17NC00030