Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Société Casinotière du Littoral Cannois, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler les titres exécutoires n°1270 du 8 avril 2010, n°s7342, 7343, 7344 et 7345 du 23 décembre 2010 et n° 7949 du 21 décembre 2011 émis à son encontre en contrepartie de l'occupation sans titre du domaine public pour la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011, en conséquence, de la décharger de l'obligation de payer la somme totale de 567 937,44 euros et de mettre une somme à la charge de la commune de Cannes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°s1002171, 1100693, 1100694, 1100696, 1100699, 1200801 du 26 mars 2013 le tribunal administratif de Nice a annulé les titres exécutoires n° 1270 du 8 avril 2010, n°s 7342, 7343, 7344 et 7345 du 23 décembre 2010 et n° 7949 du 21 décembre 2011, déchargé la société de l'obligation de payer la somme totale de 567 937,44 euros et mis à la charge de la commune de Cannes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
La commune de Cannes a demandé à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 mars 2013, de rejeter la demande et de mettre à la charge de la société anonyme (SA) Société Casinotière du Littoral Cannois une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt du 19 décembre 2014, n° 13MA01866, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté cette demande et mis à la charge de la commune de Cannes une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
Par un arrêt n° 388127 du 15 mars 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 décembre 2014 et renvoyé l'affaire à la Cour administrative de Marseille.
Par un mémoire, enregistré le 24 avril 2017, la société Casinotière du Littoral Cannois, représentée par l'AARPI Frêche et associés conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Cannes une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du Conseil d'Etat est injuste ;
- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ;
- la créance n'est pas fondée dès lors qu'elle ne retire aucun avantage de l'occupation ;
- elle méconnait l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;
- l'empiètement a été rendu nécessaire pour des raisons de sécurité publique ;
- les motifs d'intérêt général de l'occupation justifient sa gratuité ;
- l'occupation n'a pas de caractère privatif ;
- le titre exécutoire n° 1270 est illégal car il ne permet pas d'identifier son auteur ;
- les titres sont dépourvus de base légale ;
- la redevance est calculée de manière erronée ;
- la commune a méconnu l'équilibre financier du contrat.
Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2017, la commune de Cannes, représentée par Me B..., persiste dans le fond de ses précédentes écritures.
Elle soutient que :
- la critique par la société de l'arrêt du Conseil d'Etat n'est pas pertinente ;
- les autres moyens de la société ne sont pas fondés ;
- l'annulation s'impose faute de quoi, la société bénéficierait d'un enrichissement sans cause.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- les observations de Me B..., représentant la commune de Cannes, et celles de Me A..., représentant la société Casinotière du Littoral Cannois.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Noga Hôtels Cannes a conclu avec la commune de Cannes un bail à construction le 7 octobre 1988, pour une durée de 75 ans, en vue de la construction d'un ensemble immobilier comprenant un hôtel, un casino et une salle de spectacle, situé boulevard de la Croisette ; qu'elle a également conclu avec la commune, le 13 septembre 1990, une convention d'occupation du domaine public pour la réalisation d'un passage souterrain, sous le boulevard de la Croisette, permettant de relier l'immeuble à la plage ; qu'une nouvelle convention d'occupation du domaine public a été conclue le 30 mars 1994, pour la période du 1er septembre 1993 au 31 août 2005, afin de régulariser des empiètements sur le sous-sol de la voie publique résultant, d'une part, des travaux de construction de l'hôtel lui-même et, d'autre part, de la construction du passage souterrain ; que le 24 septembre 2003, la société Noga Hôtels Cannes, propriétaire de l'ensemble immobilier, a conclu un bail commercial avec la société fermière du casino municipal de Cannes, aux droits de laquelle est venue la société Casinotière du Littoral Cannois, pour la location d'une surface de 2 797,22 m² située au rez-de-chaussée inférieur, au rez-de-chaussée et au cinquième sous-sol de l'immeuble, en vue de l'exploitation du casino ; que par six titres de recettes émis pour la période du 1er septembre 2005 au 31 août 2011, la commune de Cannes a réclamé à la société Casinotière du Littoral Cannois le paiement d'une indemnité à raison de l'occupation sans titre, pour une surface de 168 m², du tréfonds du domaine public communal ; que le tribunal administratif de Nice, par un jugement du 26 mars 2013, a annulé ces titres de recettes et a accordé à la société la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes ; que par l'arrêt du 19 décembre 2014 la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel formé contre ce jugement au motif que la redevance d'occupation du domaine public ne saurait être mise à la charge de l'occupant n'ayant pas la qualité de propriétaire ; que par un arrêt n° 388127 du 15 mars 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 19 décembre 2014 pour erreur de droit en relevant que lorsque l'occupation du domaine public procède de la construction sans autorisation d'un bâtiment sur le domaine public et que ce bâtiment est lui-même occupé par une personne autre que celle qui l'a édifié ou qui a acquis les droits du constructeur, le gestionnaire du domaine public est fondé à poursuivre l'indemnisation du préjudice résultant de l'occupation irrégulière auprès des occupants sans titre, mettant ainsi l'indemnisation soit à la charge exclusive de la personne ayant construit le bâtiment ou ayant acquis les droits du constructeur, soit à la charge exclusive de la personne qui l'occupe, soit à la charge de l'une et de l'autre en fonction des avantages respectifs qu'elles en ont retirés ; que par le même arrêt, le Conseil d'Etat a renvoyé l'affaire à la cour administrative de Marseille ;
2. Considérant qu'une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période ; qu'à cette fin, elle est fondée à demander le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal ; que par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal s'est fondé d'une part sur ce que la société requérante ne saurait être regardée comme occupante du domaine public communal pour le volume occupé par la paroi moulée du bâtiment qui est un élément indissociable du gros oeuvre et sur ce qu'elle ne tirait aucun avantage significatif de son occupation, compte tenu de la faible superficie de la surface longeant la paroi ;
3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Casinotière du Littoral Cannois tant en première instance qu'en appel ;
4. Considérant que la société requérante prétend que les titres en litige n'ont pas été précédés de délibérations instituant le mode de calcul et le montant des redevances d'occupation du domaine public communal ; que cependant ce moyen, ainsi que celui tiré de la rétroactivité partielle des délibérations tarifaires afférentes aux titres n° 7344 et n° 7345, ne peuvent être en tout état de cause qu'écartés dès lors que la commune de Cannes ne poursuit pas avec l'émission des titres en litige le paiement de redevances mais l'indemnisation du préjudice subi pour occupation irrégulière de son domaine public ;
5. Considérant qu'aux termes du 2nd alinéa du 4° de l'article L. 1617-6 du code général des collectivités territoriales : "En application de l'article 4 de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / "Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation." ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif adressé au redevable doit mentionner les nom, prénom et qualité de la personne qui l'a émis et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de l'émetteur ; que si les volets des titres exécutoires destinés au débiteur formant avis des sommes à payer n'étaient pas signés et n'indiquaient ni le nom, ni le prénom, ni la qualité de son auteur, ils avaient toutefois été notifiés à l'intéressé avec un bordereau comportant les nom et prénom de l'émetteur des titres de sorte qu'il n'en résultait, pour l'intéressée, aucune ambiguïté quant à l'identité du signataire de cette décision ; dans ces conditions, l'absence de la signature et de la mention des nom, prénom et qualité de son auteur sur les titres exécutoires n'étaient pas de nature à en affecter la régularité ;
6. Considérant que, contrairement aux affirmations de la société Casinotière du Littoral Cannois, cette dernière tire un avantage au moins indirect, de l'occupation du domaine public, laquelle lui a permis d'accroître sa superficie d'exploitation ; qu'en tout état de cause, le tarif appliqué est justifié dès lors que l'occupation régulière de la partie concernée était de nature à permettre la perception de revenus tenant compte des avantages retirés de l'occupation ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales : " Les conventions de délégation de service public ne peuvent contenir de clauses par lesquelles le délégataire prend à sa charge l'exécution de services ou de paiements étrangers à l'objet de la délégation. / Les montants et les modes de calcul des droits d'entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante doivent être justifiés dans ces conventions. " ; que si la société requérante soutient que les actes attaqués méconnaissent les dispositions précitées de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles les montants et les modes de calcul des redevances versées par un délégataire de service public doivent être justifiés dans la convention de délégation, ces dispositions ne privent pas la commune, en sa qualité de propriétaire du domaine, du pouvoir de définir et de modifier les montants de redevance dus en application des dispositions citées ci-dessus du code général de la propriété des personnes publiques ; que si la société requérante soutient que l'émission des titres exécutoires modifie l'équilibre de la concession de service public dont elle est titulaire, cette circonstance, à la supposer établie, ne serait de nature qu'à lui permettre de saisir le juge du contrat et serait sans influence sur la légalité des titres attaqués, qui, en tout état de cause, mettent à la charge de la société des indemnités pour occupation irrégulière, et non des redevances ;
8. Considérant que sans préjudice de la répression éventuelle des contraventions de grande voirie, le gestionnaire d'une dépendance du domaine public est fondé à réclamer à un occupant sans titre, à raison de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période ; qu'ainsi et comme déjà relevé au point n° 1 le moyen tiré de ce que les titres en cause ne pouvaient être émis envers le locataire des locaux ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant que si la société invoque la faute qu'aurait commise la commune en s'abstenant de lui révéler que les locaux étaient en partie bâtis sur le domaine public, cette faute, pas davantage d'ailleurs que la méconnaissance invoquée du principe de loyauté, si elle serait, le cas échéant, de nature à engager la responsabilité de la commune, demeure sans influence sur la légalité des titres exécutoires émis dont le fondement est l'avantage résultant pour le locataire de l'occupation sans titre des locaux ; qu'au demeurant, la commune a proposé de conclure une convention de régularisation en la matière qui permettait à la société une complète information relativement à ses obligations, antérieurement à l'émission des titres en cause, et n'a donc pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;
10. Considérant qu'en l'absence de discrimination, la seule circonstance que le loyer réclamé au redevable précédent n'ait eu qu'un caractère symbolique, ne révèle pas une atteinte au principe d'égalité ; que le moyen tiré de la méconnaissance d'un tel principe ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant que l'indemnité réclamée à la société requérante pouvait légalement être calculée par référence au loyer commercial versé par la Société Casinotière du Littoral Cannois au propriétaire de l'hôtel Noga Hilton au prorata de la surface occupée sans droit ni titre en tréfonds du domaine public communal ; que la commune n'a donc pas commis d'erreur en fixant à partir de cette référence l'indemnité en cause ; que toutefois, la société requérante soutient, sans être contredite, que la commune de Cannes s'est fondée sur un loyer annuel de 1 524 000 euros alors qu'il s'élève en réalité à 1 371 600 euros, et que la superficie louée est de 2 791,22 m² et non pas de 2 704,22 m² comme utilisée par la commune pour son calcul ; qu'ainsi le tarif au mètre carré s'élève à 491,4 euros et non à 563,43 euros, réclamé à la société ; que, par ailleurs et de son côté, la commune de Cannes fait valoir sans être sérieusement démentie que la superficie des murs d'environ 50 m² pouvait à bon droit faire l'objet d'une indemnisation au titre de l'occupation irrégulière du domaine public ; qu'en l'état de ces éléments et de l'ensemble de l'instruction, la société est seulement fondée à demander la réduction des titres exécutoires à hauteur de 12 101,04 euros, soit 72,03 euros x 168 m² par an, pour un total de 72 606,24 euros pour les six années ; qu'ainsi la somme totale de 567 937,44 euros due pour l'indemnisation de six années d'occupation sans titre doit être ramenée à la somme de 495 331,2 euros, arrondie à la somme de 495 331 euros laquelle ne révèle aucun enrichissement sans cause de la société ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Casinotière du Littoral Cannois est seulement fondée à demander, comme il est dit au point n° 11, la réduction des sommes mis à sa charge par la commune de Cannes ;
13. Considérant qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de ne faire droit à aucune demande fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La somme due par la société Casinotière du Littoral Cannois au titre d'indemnité pour les six années d'occupation sans titre du domaine public est ramenée de 567 937,44 euros à 495 331 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Casinotière du Littoral Cannois est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Cannes fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes et à la société Casinotière du Littoral Cannois.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
2
N° 17MA01260