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06/11/2018 | FRANCE | N°17LY00528

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2018, 17LY00528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1405217 du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a réduit leur base imposable à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales d'un montant de 1 743,52 euros, les

a déchargés des droits et pénalités correspondants, a condamné l'Etat à leur verse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1405217 du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a réduit leur base imposable à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales d'un montant de 1 743,52 euros, les a déchargés des droits et pénalités correspondants, a condamné l'Etat à leur verser 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 février 2017 et 26 mars 2018, M. et Mme D..., représenté par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 décembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D...soutiennent que :

- tous les frais professionnels qui ont été remboursés à M. D... étaient appuyés de justificatifs mais celui-ci, qui venait d'être licencié par l'entreprise, n'a pas été en mesure de se défendre utilement en cours de contrôle face aux allégations du vérificateur, ni de contraindre la société Swan de rechercher ou produire les documents extracomptables attendus ; les principes du respect des droits de la défense et de l'égalité des armes, protégés à l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont donc été méconnus ;

- les notes de frais étaient validées par l'expert-comptable, budgétées par la société Swan ;

- l'administration n'établit pas qu'il aurait été le bénéficiaire des sommes réputées distribuées ni que ces sommes ne constitueraient pas des sommes déductibles ;

- en tant que dirigeant de la société, il était régulièrement amené à travailler le week-end et pendant les congés, dont il conteste d'ailleurs les dates retenues par l'administration ;

- l'administration ne pouvait rejeter l'intégralité des frais de restaurant pour la période vérifier alors, en outre, que le nombre moyen de convive par repas, compris entre 3 et 4, confirme le caractère professionnel de ces repas ;

- la circonstance que les pleins carburants aient été effectués à proximité de son lieu de résidence ou des locaux de la société Swan France n'exclut pas qu'ils aient été engagés en vue d'exercer ses fonctions ;

- subsidiairement, si les frais en litige n'étaient pas admis comme charges, ils devraient être imposés comme un complément de rémunération, qui ne la porte pas à un niveau excessif, et non comme des revenus de capitaux mobiliers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- le caractère professionnel des dépenses engagées pendant les périodes de congés et les week-ends n'est pas établi ;

- la circonstance selon laquelle le contribuable licencié n'a plus accès à toutes les informations de l'entreprise est inopérant ;

- une partie des explications fournies par les contribuables correspond à des dépenses qui n'ont pas été considérées comme des revenus distribués ;

- les requérants ne justifient pas que les frais de carburant ont été exposés pour les besoins de l'activité professionnelle.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. et Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société Swan Instruments d'Analyse France, du 16 mai au 29 juillet 2013, l'administration fiscale a relevé que M. D..., directeur marketing salarié de cette société, s'était vu distribuer des revenus devant être réintégrés à son revenu. M. et Mme D..., ont fait l'objet de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010 et 2011, établies selon la procédure de redressement contradictoire et notifiées par une proposition de rectification du 29 juillet 2013. Par un jugement du 8 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. et Mme D...des droits et pénalités correspondant à la réduction de leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales à hauteur de 1 743,52 euros pour l'année 2010, à condamné l'Etat à leur verser 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de leurs conclusions. Ils en demandent la réformation dans cette mesure.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision en date du 17 juillet 2017, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé un dégrèvement des cotisations litigieuses de contributions sociales d'un montant de 3 712 euros. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre ces impositions à concurrence de cette somme.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Pour imposer comme revenus distribués entre les mains de M. et Mme D...les sommes réintégrées dans les résultats de la société Swan Instruments d'Analyse France, l'administration fiscale s'est fondée sur les dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts, aux termes desquelles : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".

4. Aux termes de l'article 82 du code général des impôts : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...). ". Le montant du revenu net imposable est déterminé selon les règles prévues par l'article 83 du code général des impôts. Il résulte de ces dispositions que les avantages en argent ou en nature accordés par les employeurs à leurs salariés en sus de leurs émoluments et salaires ont en principe le caractère de salaires et sont imposables en tant que tels, sauf lorsqu'ils n'ont pas été inscrits explicitement dans la comptabilité de l'employeur ou sont (manifestement) dépourvus de tout lien avec les fonctions salariées. Hors ces deux hypothèses, l'administration ne peut imposer les avantages en argent ou en nature accordés à un salarié dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers que si elle établit que leur octroi à l'intéressé aboutit à porter sa rémunération à un niveau excessif.

5. En l'espèce, les frais litigieux remboursés à M. D... ont été comptabilisés explicitement comme tels dans la comptabilité de la société Swan Instruments d'Analyse France, à l'exception de la mise à disposition d'un véhicule, pour une valeur estimée à 1 791,25 euros pour chaque année en litige, et il résulte de l'instruction qu'ils trouvent leur origine dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, à l'exception des voyages effectués au cours de l'année 2010 en Toscane, aux Etats-Unis et au parc d'attraction Disneyland, pour des montants respectifs de 2 449,81 euros, 5 384,32 euros et 1 555,36 euros, pour lesquels l'absence de lien avec les fonctions salariées de M. D... n'est pas sérieusement contestée. Ainsi, quand bien-même ces remboursements de frais étaient injustifiés, ils ne constituent pas, à l'exception des quatre chefs de redressement précités, une rémunération occulte au sens des dispositions précitées.

6. Il résulte de l'instruction que les remboursements de frais litigieux perçus par M. D... et qui ne constituent pas une rémunération occulte, ont représenté un montant de 30 852,94 euros pour l'année 2010, au titre de laquelle il avait déclaré la somme de 135 700 euros comme traitements et salaires, et 36 601,96 euros pour l'année 2011, pour laquelle il avait déclaré la somme de 118 317 euros comme traitements et salaires. L'administration ne soutient pas, et il ne résulte pas de l'instruction, qu'eu égard aux fonctions occupées par M. D..., ce complément de rémunération serait excessif. Ainsi, comme les requérants le soutiennent, les sommes litigieuses doivent être regardées comme des éléments de rémunération imposables sur le fondement de l'article 82 du code général des impôts. L'administration n'ayant pas sollicité de substitution de base légale, M. et Mme D... doivent être déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, correspondant à la réintégration dans leurs revenus des sommes précitées, considérées à tort comme des revenus distribués. S'agissant des seules cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, les sommes réintégrées dans les revenus des contribuables ayant été majorées de 25 % en application des dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, les bases imposables à l'impôt sur le revenu doivent être réduites à concurrence des deux sommes précitées de 30 852,94 euros pour l'année 2010, et de 36 601,96 euros pour l'année 2011, majorées de 25 %, soit 38 566,18 euros pour l'année 2010 et 45 752,45 euros pour l'année 2011.

7. S'agissant du surplus des sommes en litige, M. et Mme D... se bornent à soutenir que les notes de frais litigieuses ont été validées par l'expert-comptable et que M. D... ayant été licencié par la société Swan Instruments d'Analyse France, ils ne sont pas en mesure d'apporter la preuve d'un lien entre les sommes en litige et les fonctions exercées au sein de la société. Ce faisant, ils ne contestent pas sérieusement que les frais exposés à l'occasion des voyages mentionnés au point 5. étaient sans lien avec les fonctions de M. D... au sein de la société Swan Instruments d'Analyse France, alors qu'ils pourraient, à tous le moins, apporter un commencement de preuve en sens contraire en apportant des explications circonstanciées à ce sujet. Ainsi, l'administration doit être regardée comme établissant, pour le surplus des sommes en litige, l'existence de revenus distribués et leur appréhension par les contribuables.

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble ne les a pas déchargés des impositions litigieuses en conséquence de la réduction de leur bases d'impositions telle que décrite au point 6. ci-dessus.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme D... dans l'instance, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de la somme de 3 712 euros.

Article 2 : Les bases d'imposition de M. et Mme D... aux contributions sociales sont réduites de 30 852,94 euros pour l'année 2010 et de 36 601,96 euros pour l'année 2011.

Article 3 : M. et Mme D... sont déchargés des cotisations supplémentaires de contributions sociales des années 2010 et 2011 correspondant à la réduction de leurs bases d'impositions fixées à l'article 2 ci-dessus, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 4 : Les bases d'imposition de M. et Mme D...à l'impôt sur le revenu sont réduites de 38 566,18 euros pour l'année 2010 et de 45 752,45 euros pour l'année 2011.

Article 5 : M. et Mme D... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 2010 et 2011 correspondant à la réduction de leurs bases d'impositions fixées à l'article 4 ci-dessus, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : L'Etat versera à M. et Mme D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme E... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 6 novembre 2018.

2

N° 17LY00528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00528
Date de la décision : 06/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL SMA FISCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-06;17ly00528 ?
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