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22/10/2018 | FRANCE | N°17LY00182

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 22 octobre 2018, 17LY00182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE) à lui verser la somme de 143 643,43 euros en réparation des préjudices subis, outre intérêts légaux à compter du 17 mars 2014.

Par un jugement n° 1405896 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'École nationale des travaux publics de l'État à verser à Mme B... la somme de 106 917 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2014.



Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE) à lui verser la somme de 143 643,43 euros en réparation des préjudices subis, outre intérêts légaux à compter du 17 mars 2014.

Par un jugement n° 1405896 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'École nationale des travaux publics de l'État à verser à Mme B... la somme de 106 917 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2014.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 janvier 2017 et le 25 septembre 2018, l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE), représentée par Me Vergnon, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... devant le tribunal administratif ou, subsidiairement, de réduire le montant de la condamnation prononcée ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les activités d'enseignement de Mme B... ne correspondaient pas à un besoin permanent : elle n'était pas recrutée sous le plafond d'emploi des personnels permanents ; les emplois d'enseignants externes, intervenant à titre accessoire, n'ont jamais figuré au tableau des effectifs rémunérés de l'ENTPE au titre des crédits affectés aux emplois permanents ;

- son engagement était à durée déterminée, et non pas indéterminée ;

- la créance invoquée au titre de la période allant de 1980 à septembre 2009 est prescrite en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;

- la méthode de calcul retenue par le tribunal est erronée : elle ne tient pas compte du fait que Mme B... a été employée à temps incomplet ; elle était rémunérée à la vacation et le nombre de vacations était variable d'un mois sur l'autre ; les mois non payés correspondent à du service non fait ; le tribunal a pratiqué une mensualisation, qui n'est pas applicable s'agissant d'un agent contractuel de droit public et, de ce fait, il a alloué à Mme B... une indemnité plus élevée que l'indemnité de licenciement prévue par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État ;

- le préjudice moral allégué est injustifié ; l'intéressée étant née le 2 décembre 1947, l'administration était tenue de mettre fin à ses fonctions, dès lors qu'elle avait atteint la limite d'âge.

Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2017, Mme B..., représentée par Me Dumoulin, avocat, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'ENTPE à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à son profit d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a commis aucune erreur en qualifiant sa situation ainsi qu'il l'a fait ;

- ses conclusions indemnitaires sont justifiées.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Sisinno, avocate, substituant Me Vergnon pour l'ENTPE, ainsi que celles de Me Piéri, avocate, substituant Me Dumoulin, pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été employée par l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE) en qualité de " chargée de cours d'espagnol vacataire " ou de " professeur d'espagnol non-titulaire " du 1er janvier 1980 au 1er décembre 2012. Par un jugement du 6 février 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 août 2010 par laquelle le secrétaire général de l'ENTPE a refusé de lui reconnaître la qualité d'enseignant titulaire. Toutefois, le tribunal a estimé que du 1er janvier 1980 à septembre 2009, l'intéressée devait être regardée comme ayant eu la qualité d'agent contractuel occupant un emploi permanent à temps incomplet et, à compter de l'année scolaire 2009-2010, comme ayant été vacataire. Mme B... a demandé à l'ENTPE de lui verser une indemnité en réparation des préjudices qui sont résultés de sa situation administrative. L'ENTPE fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à payer à Mme B... la somme de 106 917 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2014. Par la voie de l'appel incident, celle-ci demande que cette somme soit augmentée de 30 000 euros correspondant à son préjudice moral.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet sont assurées par des agents contractuels. " Aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 17 janvier 1986, dans sa rédaction alors applicable : " Le contrat conclu en application de l'article 6, 1er alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée pour occuper des fonctions correspondant à un besoin permanent, impliquant un service à temps incomplet, peut être conclu pour une durée indéterminée ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme B... a été employée, en vertu d'un contrat verbal, du 1er janvier 1980 à septembre 2009, en qualité de professeur d'espagnol par l'ENTPE pour assurer un nombre annuel d'heures d'enseignement compris entre 81 et 392,75 heures. Ces fonctions d'enseignement correspondaient à un besoin permanent et impliquaient un service à temps incomplet, alors même que, comme le fait valoir l'ENTPE, l'intéressée n'était pas recrutée " sous le plafond d'emploi des personnels permanents " et que les emplois d'enseignants extérieurs, intervenant à titre accessoire, n'auraient jamais figuré au tableau des effectifs rémunérés de l'école au titre des crédits affectés aux emplois permanents. Ainsi, et eu égard à la durée de l'emploi, le contrat verbal de Mme B... doit être regardé, ainsi que le permet l'article 6 du décret du 17 janvier 1986, comme ayant été conclu pour une durée indéterminée. En revanche, à compter du mois de septembre 2009, Mme B... a eu le statut de vacataire, eu égard au caractère déterminé et ponctuel des tâches qui lui ont été confiées.

4. Le refus de l'ENTPE de reconnaître la nature contractuelle et le caractère de contrat à durée indéterminée de l'engagement qui la liait à Mme B... du 1er janvier 1980 à septembre 2009 est illégal et constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard.

5. En vertu des dispositions du premier alinéa de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, la prescription quadriennale, qui n'a pas été opposée par l'administration en première instance, ne peut être invoquée pour la première fois en appel. Dès lors, l'exception tirée de la prescription quadriennale, opposée pour la première fois en appel par l'ENTPE, ne peut qu'être écartée.

6. Au cours de la période considérée, du 1er janvier 1980 à septembre 2009, Mme B... n'a perçu qu'une rémunération selon un taux horaire. En l'absence de service fait, elle ne saurait bénéficier d'une rémunération supplémentaire. Toutefois, le refus de reconnaître le caractère à durée indéterminée de son engagement lui a causé des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral dont il sera fait une juste évaluation en fixant à 50 000 euros l'indemnité qui lui est due.

7. Aux termes de l'article 1er de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique, dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites : " Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'État, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'État est fixée à soixante-cinq ans (...) ". Mme B...a atteint le 2 décembre 2012 l'âge de soixante-cinq ans. Elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 952-10 du code de l'éducation, qui n'est applicable qu'aux professeurs de l'enseignement supérieur et aux personnels titulaires de l'enseignement supérieur assimilés aux professeurs d'université. Dès lors, elle ne peut soutenir qu'elle aurait pu être maintenue en fonctions au-delà de son soixante-cinquième anniversaire.

8. Il résulte de ce qui précède que l'ENTPE est seulement fondée à demander que l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser à Mme B... soit limitée à la somme de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2014. Mme B...n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, une augmentation du montant de l'indemnité qui lui a été allouée.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'ENTPE tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que l'ENTPE, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à Mme B... ou à son conseil au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que l'ENTPE a été condamnée à verser à Mme B... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 est ramenée à 50 000 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ENTPE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de Mme B... sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'École nationale des travaux publics de l'État et à Mme A...B....

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2018.

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N° 17LY00182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00182
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Nature du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP ANTIGONE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-22;17ly00182 ?
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