Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Alcatel Lucent Submarine Networks a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 9 septembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. A...D..., ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1502563 du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision de l'inspecteur du travail et celle du ministre chargé du travail.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée les 12 septembre 2017, M.D..., représenté par Me E...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Alcatel Lucent Submarine Networks devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la société Alcatel Lucent Submarine Networks la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- les observations de Me G...C..., substituant Me F...H..., représentant la société Alcatel Lucent Submarine Networks.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...a été recruté en octobre 1999 par la société Alcatel Lucent Submarine Networks (ALSN) en qualité d'opérateur de fabrication au sein de l'établissement situé à Calais. Il détient les mandats de délégué syndical de l'établissement, délégué syndical central, membre titulaire du comité d'établissement et du comité central d'entreprise, membre du comité européen et conseiller prud'homal. Par une décision du 9 septembre 2014, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée par la société ALSN. Le ministre chargé du travail a ensuite implicitement rejeté le recours hiérarchique formé par la société contre cette décision. Par un jugement du 12 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille, à la demande de la société ALSN, a annulé pour excès de pouvoir ces deux décisions. M. D...relève appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec leurs fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exercice des fonctions dont il est investi.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'un mouvement de grève a débuté le 6 juin 2014 dans l'établissement de Calais de la société ALSN, dans un contexte de négociations annuelles obligatoires en cours au niveau de l'entreprise. Il ressort des procès-verbaux de constat d'huissiers établis à la demande de la direction de la société ALSN que M. D... a, à plusieurs reprises entre le 16 et 19 juin 2014, bloqué physiquement l'accès à une cabine de commande de délovage de câble, empêchant ainsi non seulement des salariés de la société ALSN, mais aussi des salariés de la société MetL, partenaire de la société ALSN, de travailler. Le 19 juin 2014, il a aussi bloqué, à partir de 14 heures, l'accès à un navire, en occupant l'échelle de coupée, empêchant ainsi les salariés de la société MetL de travailler. Si M. D...n'a pas été seul à empêcher certains salariés non grévistes de travailler, il ressort néanmoins des pièces du dossier que le blocage illicite de l'établissement de Calais résulte principalement du fait de M.D..., présent, de manière récurrente, lors de chaque constatation d'huissier, et qui a porté des atteintes à la liberté du travail, commettant à cette occasion plusieurs voies de fait à l'encontre de membres du personnel de la société ALSN qui tentaient de s'acquitter de leurs missions. Si M. D... soutient qu'il est le seul salarié à avoir fait l'objet d'une procédure de licenciement, certains de ses collègues ne s'étant vus infliger que des mises à pied, il ressort des pièces du dossier que son rôle dans l'organisation de ce mouvement a été prépondérant et particulièrement actif. La circonstance qu'il n'ait pas été cité lors de la première demande d'assignation en référé devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Omer déposée dès le 7 juin 2014 par la société ALSN, mais uniquement dans la seconde, n'est pas de nature à amoindrir le rôle déterminant de M. D...dans la poursuite du mouvement. A cet égard, M. D...ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'information donnée par la direction sur l'illicéité de la méthode suivie par les grévistes alors que la société a, dès le 7 juin 2014, saisi le juge judiciaire pour mettre fin aux troubles causés. Il ne peut davantage invoquer, notamment compte tenu de ses fonctions représentatives lui permettant de comprendre la portée d'une telle décision, une mauvaise interprétation du sens de la décision du 11 juin 2014 du juge des référés du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, dont il a eu nécessairement connaissance, qui a, certes, rejeté la demande de la société ALSN, mais au seul motif que les troubles avaient cessé et que l'objet de la demande avait, dès lors, disparu. De même, la circonstance alléguée que le blocage se soit limité à l'embarquement des câbles sur les bateaux et non au site de production, n'est pas non plus de nature à minimiser la réalité et la gravité de l'entrave à la liberté de travail des autres salariés d'ALSN et de la société MetL. Dans ces conditions, à supposer même qu'aucune violence physique ni aucune dégradation matérielle n'aient été commises, M. D...a adopté un comportement qui excède le cadre de l'exercice normal de son mandat représentatif. Ce comportement fautif est d'une gravité suffisante pour justifier, à lui seul, son licenciement.
4. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 9 septembre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'accorder à la société ALSN l'autorisation de le licencier et la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique du ministre chargé du travail. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à la société Alcatel Lucent Submarine Networks.
Copie sera adressée pour information à la ministre du travail.
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N°17DA01794
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N°"Numéro"