Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 23 mars 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 18 juillet 2014 refusant d'autoriser son licenciement et a retiré la décision implicite rejetant le recours hiérarchique de la société Akzo Nobel Packaging Coatings contre cette décision de l'inspecteur du travail.
Par un jugement n° 1501632 du 6 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 juin 2017, le 23 mars 2018, le 27 avril 2018 et le 11 juillet 2019, M. B... D..., représenté par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 mars 2015 par laquelle le ministre du travail a autorisé son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Akzo Nobel, la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. D..., et de Me E..., substituant Me F..., représentant la société Akzo Nobel Packaging Coatings.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... était salarié de la société Akzo Nobel Packaging Coatings, employé sur le site de Saint-Pierre-lès-Elbeuf et membre titulaire de la délégation unique du personnel. Ce site fabriquait exclusivement des revêtements alimentaires utilisant du bisphénol A. Son employeur a demandé l'autorisation de licencier M. D..., qui a été refusée par décision de l'inspecteur du travail en date du 18 juillet 2014. Toutefois, par décision du 23 mars 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré cette décision ainsi que le rejet implicite du recours hiérarchique formé contre celle-ci et a autorisé le licenciement de M. D.... Celui-ci relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ministérielle.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. En l'espèce, M. D... a été convoqué à l'entretien préalable à son licenciement par courrier du 20 mai 2014. Par suite, s'il avait démissionné de son mandat le 26 août 2014, cette circonstance étant évoquée pour la première fois en cause d'appel, l'autorité administrative, l'inspecteur du travail puis le ministre sur le recours hiérarchique, était bien compétent pour se prononcer sur la demande de licenciement de M. D... à la date où ils ont pris leurs décisions. Par ailleurs, la décision ministérielle ayant refusé son licenciement n'a été ni retirée, ni abrogée en cours d'instance. La demande de non-lieu formulée par la société Akzo Nobel Packaging Coatings est en conséquence et en tout état de cause écartée.
3. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors en vigueur et désormais codifié par le code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique. ". M. D... soutient que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social lui a demandé de faire part de ses observations par courrier daté du 9 mars 2015 dans un délai de dix jours à compter de la réception de ce courrier. Toutefois il ne produit pas ce courrier et cette seule allégation ne suffit à démontrer que le délai de dix jours n'aurait pas été respecté à la date du 23 mars 2015, à laquelle le ministre du travail a statué. M. D... n'établit pas non plus qu'il ait fait parvenir, dans ce délai, ni même postérieurement, ses observations. Enfin, s'il soutient que le délai de dix jours était insuffisant, il ne résulte pas de ce qui précède qu'il n'ait pas été mis à même de présenter des observations, préalablement à la décision autorisant son licenciement. Par suite, M. D... n'a été privé d'aucune garantie et n'est donc pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire n'aurait pas été respecté.
4. Lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que cette cessation d'activité est totale et définitive. Il ne lui appartient pas, en revanche, de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il incombe ainsi à l'autorité administrative de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.
5. La délégation unique du personnel a été informée, dès le 17 décembre 2014, du projet de réorganisation de la société. Le 3 mars 2014, le comité d'entreprise a émis un avis défavorable sur ce projet alors que, le même jour, un accord majoritaire était conclu sur le plan de sauvegarde de l'emploi qui était ensuite validé le 19 mars 2014 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Haute-Normandie. Le fait que la perspective de l'interdiction du bisphénol A ait été connue bien avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2012 ne suffit à démontrer que la fermeture du site aurait été décidée, bien avant l'information et la consultation des représentants du personnel, ceux-ci ayant été au surplus informés à de nombreuses reprises des perspectives d'interdiction du bisphénol A. Par suite, il n'est pas établi, en tout état de cause, que la procédure d'information et de consultation des représentants des personnels était irrégulière.
6. Le fait que la stratégie du groupe Akzo Nobel, notamment en matière de localisation des processus de fabrication sans bisphénol A, ait eu une incidence sur l'activité de la société Akzo Nobel Packaging Coatings ou que la paie de cette société soit externalisée ne suffisent à démontrer que cette société ne serait pas le véritable employeur du demandeur. Au contraire, cette société apporte de nombreux éléments démontrant son autonomie de gestion alors que l'appelant ne produit aucune pièce probante en sens inverse tendant à établir une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se caractérisant par une immixtion du groupe dans la gestion économique et sociale de sa filiale. Par suite, le moyen tiré de ce que le groupe Akzo Nobel aurait dû, en tant que co-employeur, demander l'autorisation de licenciement de M. D... ne peut qu'être écarté.
7. Dès la demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail, la cessation d'activité avait été évoquée comme motif économique du licenciement par la société Akzo Nobel Packaging Coatings, comme le confirment les termes mêmes de la décision de l'inspecteur du travail. Il était donc loisible au ministre du travail, après avoir retiré cette décision, de retenir comme motif de l'autorisation, la cessation totale et définitive de l'activité, un tel motif pouvant légalement fonder une décision de licenciement pour raison économique. Le moyen tiré de l'erreur de droit est, en conséquence, écarté.
8. Il n'est pas sérieusement contesté que le site de Saint-Pierre-lès-Elbeuf produisait exclusivement des revêtements de contenants alimentaires comportant du bisphénol A. Or, ce produit a été interdit par la loi du 24 décembre 2012. Toute activité de production a donc cessé sur ce site. Si des salariés ont été maintenus sur ce site, c'est uniquement pendant la durée de la période de reclassement. Les autres salariés du site dont l'emploi n'a pas été supprimé, exercent soit en télétravail, soit ont été rattachés à d'autres entités. La seule circonstance que d'autres entreprises du même groupe aient poursuivi une activité de production de revêtements alimentaires, ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité du site soit regardée comme totale et définitive. De même, la circonstance que la société elle-même ait poursuivi son activité, est également sans incidence sur cette appréciation dès lors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu que cette activité s'exerce dans le même secteur des revêtements alimentaires, que celle menée sur le site de Saint-Pierre-lès-Elbeuf. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a fait une inexacte appréciation des dispositions du code du travail en retenant comme motif fondant l'autorisation de licenciement la cessation totale et définitive d'activité.
9. Dès lors que la cessation d'activité est totale et définitive, il n'appartient pas à l'autorité administrative d'apprécier les menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du fait de l'absence de telles menaces, est écarté comme inopérant. Au surplus, la société établit que son activité dans ce secteur au niveau du groupe a diminué de 4% entre 2012 et 2014 alors que le secteur est en croissance.
10. L'activité du site de Saint-Pierre-lès-Elbeuf n'a été ni cédée, ni reprise par une autre société du groupe. Par suite, le contrat de travail de M. D... n'a pas été transféré et en conséquence, il ne peut soutenir que son licenciement devait être refusé pour ce motif. De même l'activité ayant cessé sur le site de Saint-Pierre-lès-Elbeuf et n'ayant pas été transférée, il ne peut soutenir que son emploi n'a pas été supprimé.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a indiqué qu'il ne souhaitait pas un poste de reclassement à l'étranger. Par ailleurs, la société a proposé cinq postes de reclassement à M. D.... Ces postes avaient un coefficient inférieur de rémunération à celui de l'emploi qu'occupait M. D... et deux d'entre eux étaient des contrats à durée déterminée de moins de six mois. L'appelant fait également valoir que ces postes se situaient loin de son domicile. Toutefois, compte tenu de la cessation d'activité de production sur le site, la société, qui pouvait légalement en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, lui proposer un emploi de catégorie inférieure et qui a accompli d'autres démarches de recherche et de proposition de postes tant à l'externe qu'à l'interne, établit avoir effectué une recherche sérieuse de reclassement. Le moyen tiré de l'absence de respect des obligations de reclassement ne pourra donc qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions, y compris celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Akzo Nobel Packaging Coatings sur le même fondement.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Akzo Nobel Packaging Coatings au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la ministre du travail et à la société Akzo Nobel Packaging Coatings.
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N° 17DA01076