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24/01/2019 | FRANCE | N°16VE03519

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 24 janvier 2019, 16VE03519


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue, pour les années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration dont ces impositions ont été assorties, pour un montant total de 2 242 197 euros.

Par un jugement no 15031

27 du 6 octobre 2016 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue, pour les années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des intérêts de retard et de la majoration dont ces impositions ont été assorties, pour un montant total de 2 242 197 euros.

Par un jugement no 1503127 du 6 octobre 2016 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2016, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 9 janvier et 15 décembre 2017, la société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED, représentée par Me B... et MeA..., avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de la décharger des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'un défaut de motivation, dès lors que les notions utilisées sont imprécises, étrangères au droit fiscal, et dès lors qu'ils n'ont pas apporté de réponses aux principaux moyens développés par la société ; le jugement ne peut se fonder sur une décision de la Cour de cassation relative à une période antérieure à la période d'imposition en litige ; ils ont dénaturé les pièces du dossier et méconnu les règles relatives à la charge de la preuve ;

- l'avis de mise en recouvrement est entaché d'un défaut de motivation au regard des exigences de l'article 256-1, 1er alinéa, du code général des impôts, dès lors que le montant de la pénalité de 100% ne fait pas l'objet d'une explication relative à son calcul ;

- elle ne conteste pas avoir en France un centre d'opérations présentant un caractère de permanence, mais celui-ci est dépourvu d'autonomie, et elle ne peut, en conséquence, être regardée comme employeur en France au sens du droit fiscal en matière de taxes assises sur les salaires, le droit fiscal appliquant des critères distincts de ceux utilisés en droit du travail et en droit de la sécurité sociale ; les bases opérationnelles françaises sont également dépourvues d'autonomie ;

- les impositions en litige étant dépourvues de bien-fondé, la majoration de 100% ne peut elle-même qu'être dépourvue de bien-fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- l'avis de mise en recouvrement est régulier, dès lors qu'il comporte la mention des droits, de la majoration et des intérêts de retard et se réfère à la proposition de rectification et à la réponse aux observations du contribuable, détaillant ceux-ci ;

- l'existence des bases d'exploitation et leur fonctionnement permettent d'établir que la société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED dispose d'un centre d'opérations permanent et autonome ; la gestion du personnel est assurée par des salariés situés en France ; les constats faits, relatifs au fonctionnement de la société, sont corroborés par la reconnaissance de l'existence d'un établissement stable par l'administration fiscale dans son courrier du 9 novembre 2009, ainsi que par les éléments recueillis antérieurement par le juge pénal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les conventions entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur les gains en capital, signées le 22 mai 1968 et le 19 juin 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Méry ;

- et les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED est une société de droit britannique, dont le siège social est situé à Luton, au Royaume-Uni. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour les années 2008, 2009 et 2010, à l'issue de laquelle une proposition de rectification en date du 30 novembre 2011 lui a été adressée, comportant notamment des rectifications en matière de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction. Des avis de mise en recouvrement ont été émis le 11 juin 2014 au titre de ces impositions supplémentaires, représentant un montant global de 2 242 197 euros, les droits ayant été assortis d'intérêts de retard et la participation à la formation professionnelle continue ayant été également assortie d'une majoration de 100%, dans le cadre des dispositions de l'article 235 ter H bis du code général des impôts. La société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil par lequel celui a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires, en droits et pénalités.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 235 bis du code général des impôts dans leur rédaction applicable au présent litige : " 1. Conformément aux articles L313-1, L313-4 et L313-5 du code de la construction et de l'habitation, les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des rémunérations, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat aux investissements prévus à l'article L 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des rémunérations versées par eux au cours de l'année écoulée, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou au titre IV du livre VII du code rural pour les employeurs de salariés visés à l'article L. 722-20 dudit code. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 235 ter D du même code : " Conformément aux dispositions de l'article L. 6331-9 du code du travail, les employeurs de dix salariés et plus consacrent au financement des actions de formation professionnelle continue un pourcentage au moins égal à 1,60 % du montant des rémunérations versées. ". Et aux termes de l'article 235 ter G du même code : " Conformément et dans les conditions prévues à l'article L. 6331-28 du code du travail, lorsque les dépenses au titre du développement de la formation professionnelle continue sont inférieures au montant prévu à l'article 235 ter D, l'employeur effectue au Trésor un versement égal à la différence constatée. ".

3. La société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED dispose en France de trois bases d'exploitation, situées à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, à Paris-Orly, ainsi qu'à Lyon, de bureaux de vente et également d'une succursale située à Paris, qui a notamment pour activité la gestion des ressources humaines en France. S'il est constant que l'activité de gestion des ressources humaines en France est déployée par la succursale, qui répond pour cette activité aux caractéristiques d'un établissement stable au sens des conventions franco-britanniques

ci-dessus visées, que sont l'existence d'une installation, sa fixité et l'exercice par celle-ci d'activités, ainsi que le service juridique de la direction générale des finances publiques l'a affirmé, dans son courrier du 9 novembre 2009 adressé à la société requérante, il résulte toutefois de l'instruction que la gestion des ressources humaines, telle qu'elle est effectuée dans le cadre de cette succursale, ne répond pas au critère d'autonomie qui permet de définir un employeur établi en France. Ainsi, ni le recrutement, ni le licenciement, ni la gestion des congés, de la formation et des autres aspects de la gestion opérationnelle des ressources humaines ne sont assurés de manière autonome par l'équipe installée en France. La succursale, composée de 13 salariés au cours de la période litigieuse, n'a pour rôle que d'être l'intermédiaire entre le siège et le personnel navigant, constitué de 400 personnes environ au cours de la même période, notamment pour les informations en matière de gestion des ressources humaines, d'assurer un rôle de support technique, de gérer les instances représentatives du personnel en application du droit du travail français, et de concourir à certaines activités de marketing, et de communication externe, enfin de répondre à certaines situations d'urgence. Il résulte, en outre, de l'instruction que l'activité de transport aérien développée sur le sol français est dépendante du siège de la société basé à Luton pour son fonctionnement, la direction effective de cette activité, pour ses aspects fonctionnels et commerciaux étant réalisée au Royaume-Uni. La circonstance que les personnels des bases d'exploitation sont soumis, dans l'exercice de leurs fonctions, aux règles du droit du travail français et relèvent de la sécurité sociale française, bien qu'elle implique des tâches de gestion administrative propres aux bases d'exploitation françaises, n'est pas suffisante, à elle seule, pour caractériser une situation d'autonomie et l'existence d'un employeur établi en France au sens des dispositions citées au point précédent, et celle-ci ne peut résulter non plus des termes de l'arrêt de la Cour de Cassation n° 11-88-420 du 11 mars 2014 relatif à la condamnation de la société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED pour travail dissimulé, qui se rapporte à l'application de dispositions législatives et réglementaires distinctes de celles applicables aux impositions litigieuses. De même, l'organisation de forums de recrutement en France n'implique pas l'existence d'un pouvoir de décision autonome en France. Si l'administration fait valoir que les rémunérations sont versées à partir d'un compte bancaire français, il n'en découle pas non plus un pouvoir de décision financier de la succursale. Enfin, l'administration ne saurait se prévaloir, à l'encontre de la contribuable, de sa propre doctrine qui reconnait l'existence d'un établissement stable en France telle qu'évoquée ci-dessus, cette notion n'impliquant, en tout état de cause, aucune condition d'autonomie. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, la société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue, pour les années 2008, 2009 et 2010, en droits et pénalités.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 octobre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED est déchargée de l'obligation de payer la somme mise à sa charge au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction et de la participation des employeurs à la formation professionnelle continue, pour les années 2008, 2009 et 2010, en droits et pénalités, pour un montant total de 2 242 197 euros.

Article 3 : L'État versera la somme de 2 000 euros à la société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à société EASYJET AIRLINE COMPANY LIMITED et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Munoz-Pauziès, président assesseur,

Mme Méry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 janvier 2019.

Le rapporteur,

F.MERYLe président,

P. BEAUJARDLe greffier,

S. MOURTADI

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

5

N° 16VE03519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03519
Date de la décision : 24/01/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs à l'effort de construction.

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Fabienne MERY
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-01-24;16ve03519 ?
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