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18/12/2018 | FRANCE | N°16VE00429

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 18 décembre 2018, 16VE00429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La S.A ASPIROTECHNIQUE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la réparation de son préjudice relevant de l'illégalité des décisions du 18 juin 2008 de l'inspecteur du travail et du 4 décembre 2008 de la ministre autorisant le licenciement de monsieurA..., qu'elle évalue à 125 679,92 euros.

Par un jugement n° 1302478 du 15 décembre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 fé

vrier 2016, la société ASPIROTECHNIQUE, représentée par Me Porcherot, avocate, demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La S.A ASPIROTECHNIQUE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la réparation de son préjudice relevant de l'illégalité des décisions du 18 juin 2008 de l'inspecteur du travail et du 4 décembre 2008 de la ministre autorisant le licenciement de monsieurA..., qu'elle évalue à 125 679,92 euros.

Par un jugement n° 1302478 du 15 décembre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 février 2016, la société ASPIROTECHNIQUE, représentée par Me Porcherot, avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ledit jugement ;

2° d'annuler les décisions du 30 janvier 2013 par lesquelles l'Inspection du travail, DDTEFP des Hauts de Seine et le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle, et du dialogue social ont rejeté la demande préalable d'indemnisation de la S.A ASPIROTECHNIQUE ;

3° de condamner l'Etat à lui verser, à titre de dommages et intérêts, à compter de la décision à intervenir, la somme de 125 697,92 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

4° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en autorisant le licenciement de son salarié aux termes d'une enquête dont les éléments n'ont pas été communiqués à M.A..., l'administration, qui n'a en outre fait valoir aucun moyen de défense tant devant le tribunal administratif que devant la Cour administrative d'appel, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- le versement des salaires au titre de la période du 16 mai 2008 au 18 octobre 2011 à M.A..., soit une somme brute de 56 145,24 euros, outre les charges patronales pour un montant de 12 000 euros, est la conséquence directe de l'annulation de l'autorisation de licenciement du 18 juin 2008. La somme totale de 68 145,24 euros doit par conséquent lui être remboursée ;

- les salaires versés au titre de la période du 19 octobre 2011 au 31 juillet 2012 est la conséquence directe et certaine de l'annulation de l'autorisation de licenciement. Elle doit par conséquent être remboursée de la somme totale de 19 509,21 euros au titre des salaires dus et des cotisations patronales ;

- la société ASPIROTECHNIQUE s'est trouvée dans l'obligation de réintégrer M. A.... Or son poste ayant été supprimé et aucun poste équivalent n'ayant été trouvé, la société a été contrainte de le licencier puis, menacée d'être assignée devant la juridiction prud'homale, a conclu un protocole transactionnel. Il existe ainsi un lien de causalité entre l'annulation de l'autorisation de licenciement du 18 juin 2008 et la somme de 38 043,47 euros versée au titre de l'indemnité transactionnelle, du fait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code du commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Margerit,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- et les observations de Me Porcherot pour la S.A ASPIROTECHNIQUE.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 18 juin 2008, confirmée sur recours hiérarchique le 4 décembre 2008 par le ministre chargé du travail, la S.A ASPIROTECHNIQUE a été autorisée par l'inspection du travail des Hauts-de-Seine à licencier M.A..., délégué syndical, pour faute grave. Celui-ci a été licencié le 26 juin 2008. Par un jugement du 22 avril 2010, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté le recours en annulation de M. A... contre ces deux décisions. Par un arrêt du 21 juillet 2011 devenu définitif, la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement. M. A...a sollicité sa réintégration le 18 octobre 2011. Celui-ci ayant refusé la proposition de poste faite par la société ASPIROTECHNIQUE, son licenciement lui a été notifié le 31 juillet 2012. Le 28 septembre 2012, les parties ont conclu un protocole d'accord transactionnel. La S.A ASPIROTECHNIQUE a formé une demande préalable indemnitaire le 30 novembre, laquelle a été implicitement rejetée. La S.A ASPIROTECHNIQUE relève appel du jugement du 15 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 125 679,92 assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre du travail :

2. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier.

3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 225-51-1 et L. 225-56 du code de commerce applicables aux sociétés anonymes, en vertu desquelles le directeur général, ou lorsque la direction générale de la société est assumée par le président du conseil d'administration, le président-directeur général, ainsi que les directeurs généraux délégués, sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représentent la société dans ses rapports avec les tiers, que ces personnes ont de plein droit qualité pour agir en justice au nom de la société.

4. Si le ministre du travail soutient que la requête n'est pas recevable en ce que la société n'a pas produit de document faisant apparaitre l'identité de son directeur général en exercice, il ressort des pièces du dossier que la société a versé au dossier un extrait Kbis faisant apparaître le nom des représentants légaux de la société, à savoir le directeur général et le directeur général d'exploitation. Ainsi, le moyen tiré de ce que la requête de la société ASPIROTECHNIQUE serait irrecevable au motif que l'identité du représentant de la société n'avait pas été indiquée, alors que ces personnes tiraient l'une et l'autre des dispositions de l'article L. 225-56 du code de commerce la qualité pour agir en justice au nom de la société, doit être écarté.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

5. En application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. L'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement, à supposer même qu'elle soit imputable à une simple erreur d'appréciation de l'autorité administrative, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique quelle que puisse être, par ailleurs, la responsabilité encourue par l'employeur. Ce dernier est en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale.

6. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'arrêt de la Cour du 21 juillet 2011 annulant les décisions de l'inspecteur du travail du 18 juin 2008 et du ministre du travail du 4 décembre 2008 autorisant le licenciement de M. A...est devenu définitif. L'illégalité ainsi constatée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Toutefois, l'employeur n'est en droit d'obtenir la réparation par l'Etat que du seul préjudice direct et certain résultant pour lui de ces décisions illégales.

7. Aux termes de l'article L. 2422-4 du code du travail : " Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire. " Il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu de verser cette indemnité à son salarié, ainsi que les cotisations y afférentes, lorsqu'une autorisation de licenciement a été annulée et que cette annulation est devenue définitive.

8. Si le versement au salarié d'une somme à titre de transaction ne constitue pas, par lui-même, un préjudice dont la réparation incombe à l'Etat, la transaction que l'employeur aurait conclue dans le cadre d'un règlement amiable avec son ancien salarié ne fait pas, par elle-même, obstacle à la possibilité pour cet employeur de rechercher l'indemnisation par l'Etat des préjudices qui trouvent de manière directe et certaine leur origine dans la décision fautive de l'administration.

9. Il résulte de l'instruction que M. A...a été licencié le 26 juin 2008, et a demandé sa réintégration le 18 octobre 2011, soit dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour administrative de Versailles du 21 juillet 2011. Il avait donc droit à une indemnité correspondant à la période comprise entre son licenciement le 26 juin 2008 et le 18 octobre 2011. Partant, la société requérante a droit à l'indemnisation par l'Etat de cette somme. Il convient toutefois de déduire les revenus que M. A...a perçus au cours de cette période, la somme versée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 26 juin 2008 au 21 juillet 2008 ainsi que, sur présentation des justificatifs de paiement, les charges patronales afférentes.

Sur les intérêts et la capitalisation :

10. La société ASPIROTECHNIQUE a droit aux intérêts au taux légal sur la somme mentionnée au point 9 à compter du 4 décembre 2012, date de réception de sa demande préalable par l'administration.

11. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 29 mars 2013 devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation à compter du 29 mars 2014, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la S.A ASPIROTECHNIQUE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande, et à en demander l'annulation, et à demander que l'Etat soit condamné à lui verser la somme correspondant au montant des salaires dus à M. A...pour la période comprise entre le 26 juin 2008 et le 18 octobre 2011, déduction faite des revenus que M. A...a perçus au cours de cette période, de la somme versée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 26 juin 2008 au 21 juillet 2008 ainsi que, sur présentation des justificatifs de paiement, des charges patronales afférentes. Cette somme sera versée avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2013 et capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 29 mars 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la S.A ASPIROTECHNIQUE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la ministre du travail au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1302478 du 15 décembre 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la S.A ASPIROTECHNIQUE une somme correspondant au montant des salaires dus à M. A...pour la période comprise entre le 26 juin 2008 et le 18 octobre 2011, déduction faite des revenus que M. A...a perçus au cours de cette période, de la somme versée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 26 juin 2008 au 21 juillet 2008 ainsi que, sur présentation des justificatifs de paiement, des charges patronales afférentes. Cette somme sera versée avec intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2013 et capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 29 mars 2014.

Article 3 : L'Etat versera à la S.A ASPIROTECHNIQUE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A ASPIROTECHNIQUE et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Geffroy, premier conseiller

Mme Margerit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

Le rapporteur,

D. MARGERITLe président,

S. BROTONS

Le greffier,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

N° 16VE00429 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00429
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Diane MARGERIT
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SCP INTER-BARREAUX REYNAUD ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-18;16ve00429 ?
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