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13/06/2017 | FRANCE | N°16PA03600

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 13 juin 2017, 16PA03600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...I...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 avril 2016 par laquelle le préfet de police a ordonné une perquisition administrative à son domicile à compter du 22 avril 2016 à 06h00.

Par un jugement n° 1607960/3-1 du 19 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 7 décembre 2016, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce

jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 juillet 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...I...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 avril 2016 par laquelle le préfet de police a ordonné une perquisition administrative à son domicile à compter du 22 avril 2016 à 06h00.

Par un jugement n° 1607960/3-1 du 19 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 7 décembre 2016, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 juillet 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que sa décision ne repose pas sur une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2017, MmeE..., représentée par Me Vernon, conclut :

1°) au rejet du recours ;

2°) à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à ce que le versement de la somme de 13 euros soit mis à la charge de l'Etat au titre des droits de plaidoirie.

Elle soutient que :

- le recours du ministre de l'intérieur est irrecevable compte tenu de l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement n° 1607642/3-1 du 19 juillet 2016 annulant la mesure d'interdiction de sortie du territoire dont elle a fait l'objet par ailleurs ;

- ce recours est tardif ;

- le ministre n'avait pas qualité pour le présenter ;

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 24 avril 2017, le ministre de l'intérieur conclut aux mêmes fins que le recours par les mêmes moyens.

Par ordonnance du 24 avril 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2017.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 3 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 ;

- la loi n° 2016-162 du 19 février 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B,

- les conclusions de M. C, rapporteur public,

- et les observations de Me Vernon, avocat de MmeE....

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 20 avril 2016, le préfet de police a ordonné la perquisition de l'appartement dans lequel réside MmeE..., estimant que son comportement constituait une menace pour la sécurité et l'ordre publics, en raison de sa radicalisation religieuse, des liens étroits qu'elle entretient avec la mouvance jihadiste internationale et de sa volonté de rejoindre la Syrie, au motif qu'il existerait des raisons sérieuses de penser que des objets dont l'exploitation pourrait permettre de prévenir une menace terroriste, pourraient se trouver dans cet appartement ; que, par un jugement n° 1607960/3-1 du 19 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme E...en annulant cette décision ; que le ministre de l'intérieur fait appel de ce jugement ;

Sur les fins de non-recevoir soulevées par MmeE... :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " (...) Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat (...) " ; qu'en l'absence de disposition contraire, le ministre de l'intérieur, avait qualité pour présenter le recours mentionné ci-dessus ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 751-8 du code de justice administrative : " Lorsque la notification d'une décision du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être faite à l'Etat, l'expédition est adressée au ministre dont relève l'administration intéressée au litige. Copie de la décision est adressée au préfet ainsi que, s'il y a lieu, à l'autorité qui assure la défense de l'Etat devant la juridiction (...) " ; que, le jugement attaqué n'ayant pas été notifié au ministre de l'intérieur aucun délai d'appel ne lui était opposable ; que, Mme E...n'est donc pas fondée à soutenir que le recours aurait été présenté tardivement ;

4. Considérant, en troisième lieu, que l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1607642/3-1 du 19 juillet 2016 annulant l'arrêté du 27 janvier 2016 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à l'encontre de Mme E...une interdiction de sortie de territoire d'une durée de six mois, est sans incidence sur la recevabilité et, d'ailleurs, sur le bien-fondé du recours introduit par le ministre de l'intérieur contre le jugement annulant la décision du 20 avril 2016 par laquelle le préfet de police a ordonné la perquisition de son appartement ;

Sur le recours du ministre de l'intérieur :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, visée ci-dessus : " I.- Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives mentionnées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, (...), lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. (...) " ;

6. Considérant que l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 permet aux autorités administratives compétentes d'ordonner des perquisitions dans les lieux qu'il mentionne lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ces lieux sont fréquentés par au moins une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public ; qu'il appartient au juge administratif d'exercer un entier contrôle sur le respect de cette condition, afin de s'assurer, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, que la mesure ordonnée était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, dans les circonstances particulières qui ont conduit à la déclaration de l'état d'urgence ; que ce contrôle est exercé au regard de la situation de fait prévalant à la date à laquelle la mesure a été prise, compte tenu des informations dont disposait alors l'autorité administrative sans que des faits intervenus postérieurement, notamment les résultats de la perquisition, n'aient d'incidence à cet égard ;

7. Considérant qu'il ressort des éléments précis et circonstanciés mentionnés dans une " note blanche " des services de renseignement, que Mme E... s'est convertie à l'Islam depuis plusieurs années et s'est radicalisée, qu'elle a effectué de nombreux voyages dans les pays du Moyen Orient, qu'elle a été la seconde épouse de M. H...C..., connu pour son extrémisme religieux et ses différentes expulsions du Yémen, des Emirats Arabes Unis et qu'ensemble, ils ont été expulsés d'Egypte le 28 janvier 2008 ; qu'il ressort de cette même note qu'en 2009, Mme E...est devenue l'épouse religieuse de M. G..., détenu pour terrorisme avec lequel elle entretenait une correspondance et connu pour être en relation avec M. B...A...; que cette note précise que Mme E...a été également en relation avec MmeF..., ressortissante belge, veuve successive de deux kamikazes et condamnée par les justices suisse et belge en 2010 pour avoir créé et dirigé un groupe à visées terroristes ; que cette note mentionne également qu'elle se serait félicité des attentats de janvier 2015 et qu'elle a manifesté son intention de partir en Syrie ; que Mme E...reconnaît avoir entretenu de tels liens avec les membres de la mouvance jihadiste entre 2006 et 2010, tout en se défendant d'avoir adhéré aux thèses jihadistes et en soutenant s'en être éloignée après 2010 ; que, si Mme E...conteste son intention de rejoindre la Syrie, il est constant qu'elle s'est rendue en Turquie par avion entre le 14 et 25 décembre 2015 avec son fils mineur ; que, si elle soutient avoir réalisé ce voyage à Istanbul dans le but d'y bénéficier d'une intervention de chirurgie esthétique capillaire prévue dès le mois d'octobre 2015, en produisant des pièces susceptibles de justifier de la réalité des faits dont elle se prévaut, elle n'a produit ni devant le tribunal administratif, ni devant la Cour, aucune pièce de nature à établir la réalité des conséquences opératoires de l'intervention chirurgicale dont elle fait état pour expliquer la prolongation de son séjour en Turquie au-delà du 19 décembre 2015, date de retour initialement prévue ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qui ne comportent aucun élément sur sa situation professionnelle et l'origine de ses ressources, que MmeE..., se serait rendue en Turquie uniquement pour subir cette intervention chirurgicale ; qu'elle ne peut utilement contester les deux signalements effectués par sa mère à la fin de l'année 2015 auprès des services de renseignement, évoquant ses craintes de la voir partir avec son enfant pour la Syrie, en faisant état du témoignage de sa grand-mère relatant ses relations conflictuelles avec sa mère recueilli le 27 avril 2016, soit postérieurement à la décision en litige ; que dans ces conditions, à la date à laquelle la mesure de perquisition litigieuse a été prise, compte tenu des informations précitées dont disposaient alors les autorités de police et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, estimer qu'il existait à la date du 20 avril 2016 des raisons sérieuses de penser que le comportement Mme E...constituait une menace pour la sécurité et l'ordre publics justifiant une perquisition de son domicile ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision en litige au motif qu'elle était entachée d'erreur d'appréciation ;

9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par MmeE... ;

Sur les autres moyens de MmeE... :

10. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige précise notamment le lieu et le moment de la perquisition et comporte l'exposé de l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, cette décision est suffisamment motivée ;

11. Considérant, en second lieu, que Mme E...ne saurait utilement contester les conditions d'exécution de la décision en litige en soutenant que le Procureur de la République n'en aurait pas été informé, que la perquisition n'aurait pas été conduite en présence d'un officier de police judiciaire et que le compte-rendu n'aurait pas été communiqué au procureur ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en litige ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme E...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1607960/3-1 du Tribunal administratif de Paris du 19 juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme E...présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme D...I...E....

Délibéré après l'audience du 30 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme A, président de chambre,

- M. B, président-assesseur,

- Mme D, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 juin 2017.

Le rapporteur,

BLe président,

A

Le greffier,

E

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03600
Date de la décision : 13/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-06-01 Police. Aggravation exceptionnelle des pouvoirs de police. État d'urgence.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : VERNON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-06-13;16pa03600 ?
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