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10/04/2018 | FRANCE | N°16PA01315

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 10 avril 2018, 16PA01315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

4 février 2015 par lequel le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) l'a licencié pour faute à compter du 2 mars 2015, d'enjoindre à l'AP-HP de le réintégrer et de reconstituer l'ensemble de ses droits, et de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506290/2-1 du 16 février 2016,

le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il est entré en v...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

4 février 2015 par lequel le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) l'a licencié pour faute à compter du 2 mars 2015, d'enjoindre à l'AP-HP de le réintégrer et de reconstituer l'ensemble de ses droits, et de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506290/2-1 du 16 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il est entré en vigueur avant le 4 mars 2015, a enjoint au directeur général de l'AP-HP de procéder au paiement de la rémunération et à la reconstitution des droits sociaux de M. C...pour les journées du 2 et du 3 mars 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande tendant à l'annulation totale du licenciement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, M. C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1506290/2-1 du 16 février 2016 en tant qu'il a seulement annulé partiellement l'arrêté du 4 février 2015 pour l'unique motif qu'il est entré en vigueur avant le 4 mars 2015 et a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) d'annuler totalement l'arrêté du 4 février 2015 ;

3°) d'enjoindre à l'AP-HP de procéder à la reconstitution de l'ensemble de ses droits, y compris le traitement qu'il aurait dû toucher jusqu'à la fin de son contrat ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur dans la qualification juridique des faits dès lors que son comportement n'était pas constitutif d'une insubordination hiérarchique ;

- la sanction est disproportionnée par rapport aux faits reprochés ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire enregistré le 19 mars 2018, l'AP-HP conclut au rejet de la requête.

Elle soutient, à titre subsidiaire après substitution de motifs, qu'aucun des moyens soulevés par M. C...n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés au 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Even,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Candas, avocat de M. C...,

- et les observations de Me Neven, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été recruté par l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), le

1er août 2013, en qualité d'agent contractuel en charge de la sécurité des hôpitaux universitaires de la Pitié Salpêtrière et de Charles Foix. Son contrat a été renouvelé pour un an, le 18 août 2014, avec effet rétroactif au 1er août 2014. Par un arrêté du 4 février 2015, notifié le 3 mars 2015, il a été licencié pour faute à compter du 2 mars 2015. M. C... relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 février 2016 en tant qu'il a annulé seulement partiellement l'arrêté du

4 février 2015 au motif qu'il est entré en vigueur avant le 4 mars 2015 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une telle mesure et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité des fautes.

En ce qui concerne les fautes reprochées à M.C... :

3. Aux termes de l'article 2 de la loi 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " L'agent contractuel est, quel que soit son emploi, responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (...) ".

4. Le directeur général de l'AP-HP a, par la décision de licenciement contestée, justifié le licenciement de M. C...en invoquant l'unique motif de l'insubordination hiérarchique, en faisant expressément référence à deux rapports portant " sur la manière de servir de l'intéressé ", datés du 20 octobre et du 4 novembre 2014, et à deux autres rapports concernant son comportement datés du 20 et du 25 octobre 2014 versés au dossier.

5. En premier lieu, l'AP-HP ne peut être considérée comme ayant invoqué à l'encontre de M. C...des faits survenus antérieurement au renouvellement de son contrat, le 18 août 2014, et notamment la circonstance qu'il n'aurait pas procédé à la mise à jour de l'horloge des caméras de vidéosurveillance de la cafétéria de l'hôpital de la Pitié Salpétrière, alors que cela lui aurait été demandé en février 2014.

6. En deuxième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. En l'espèce, l'AP-HP qui se borne à expliciter dans sa défense produite en appel ce qu'elle entend par " insubordination hiérarchique ", afin d'y inclure également le fait de tenir des propos désobligeants et agressifs à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques, ainsi que l'existence d'une attitude d'opposition et de désinvolture vis-à-vis des missions et de l'hôpital, celle-ci ne peut être regardée comme ayant sollicité une substitution de motifs.

8. Si l'AP-HP fait valoir que M. C...n'aurait pas procédé au contrôle d'identité d'un visiteur le 4 novembre 2014, que la rédaction du schéma directeur de sécurité dont il avait la charge aurait été très laborieuse et présenterait des insuffisances conceptuelles et rédactionnelles, que ses supérieurs auraient eu des difficultés pour obtenir rapidement des comptes rendus concernant les assemblées générales organisées par les syndicats de personnels à l'occasion de mouvements sociaux, qualifiés en outre d'incomplets, ces griefs sont étrangers au reproche d'insubordination hiérarchique retenu par le licenciement contesté.

9. En troisième lieu, il ressort des rapports versés au dossier par l'administration, qu'à l'occasion de la visite de l'hôpital Charles Foix, le 1er octobre 2014, par trois personnalités,

Mme Bernadette Chirac, présidente de la Fondation des hôpitaux de France, Mme E...G...et Mme H...A..., M. C...n'était pas présent sur les lieux pour recevoir les instructions des autorités administratives, trente minutes avant, alors que cela lui avait été expressément demandé. Des témoins attestent par ailleurs qu'à la suite d'une remarque formulée à ce sujet par la directrice adjointe de cet hôpital, il s'est violemment emporté, un autre directeur adjoint ayant dû intervenir pour lui demander de modérer ses propos.

10. En revanche, si l'administration reproche en outre à M. C... d'avoir mis en place un dispositif de sécurité insuffisant lors de cette visite du 1er octobre 2014, et qu'il n'aurait pas contacté l'officier de sécurité de Mme D...et se serait contenté de lui laisser un message, ce qu'il conteste, la matérialité de ces faits n'est pas établie. En outre, si l'administration lui reproche son positionnement qualifié d'inadapté sur les sujets sociaux vis-à-vis des membres de l'équipe de direction et le fait qu'il exécuterait les consignes données sans en maîtriser les enjeux, en faisant parfois preuve d'un humour inapproprié, le non respect du contenu de ces exigences très imprécises ne peut être regardé comme fautif à l'égard d'un agent de sécurité contractuel.

11. Il résulte de ce qui précède que seuls les éléments relevés au point 9 portant sur le comportement de M. C...à l'égard de sa hiérarchie lors de la visite du 1er octobre 2014 sont de nature à justifier une sanction disciplinaire.

En ce qui concerne l'existence d'une disproportion entre la faute et la sanction retenue :

12. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du fait que, parmi les griefs reprochés à M.C..., seuls ceux qui ont été commis au cours des évènements isolés du 1er octobre 2014, précisés au point 9, sont constitutifs d'une faute et que l'intéressé n'avait par ailleurs aucun antécédent disciplinaire, la sanction du licenciement retenue par l'AP-HP est disproportionnée, et doit donc être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. L'annulation de la sanction en litige implique nécessairement qu'il soit procédé à la reconstitution des droits sociaux, notamment à la retraite, de M. C...au titre de la période allant de la date d'effet de son licenciement le 2 mars 2015, jusqu'à la fin de son contrat à durée déterminée le 31 juillet 2015. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'AP-HP d'y procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, si M. C...peut prétendre à la réparation des préjudices subis du fait de la mesure de licenciement prise à son encontre, qu'il n'a pas sollicitée, l'annulation de la décision attaquée n'implique pas, en l'absence de service fait, qu'il soit enjoint à l'AP-HP de procéder au paiement de la rémunération qu'il aurait perçue s'il n'avait pas été illégalement évincé.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 16 février 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 4 février 2015 uniquement en tant qu'il était entré en vigueur avant le 4 mars 2015.

Sur les frais de justice :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1506290/2-1 du 16 février 2016 est annulé en tant qu'il s'est borné à annuler l'arrêté du 4 février 2015 portant licenciement de M. C... uniquement en tant qu'il est entré en vigueur avant le 4 mars 2015.

Article 2 : L'arrêté du 4 février 2015 par lequel le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a licencié M. C...est annulé en totalité.

Article 3 : Il est enjoint à l'AP-HP de procéder à la reconstitution des droits sociaux de M. C...au titre de la période allant de la date d'effet de son licenciement, le 2 mars 2015, jusqu'à la fin de son contrat à durée déterminée le 31 juillet 2015, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'AP-HP versera à M. C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C...et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président-rapporteur,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 avril 2018.

Le président-rapporteur,

B. EVENLe président-assesseur,

P. HAMONLe greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne à la ministre chargée de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 16PA01315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01315
Date de la décision : 10/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCP MAUGENDRE MINIER AZRIA LACROIX SCHWAB

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-04-10;16pa01315 ?
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