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30/12/2016 | FRANCE | N°16PA00555

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 30 décembre 2016, 16PA00555


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes qui lui ont été infligées, au titre des années 2007 et 2008, en application de l'article 1739 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1429007/1-1 du 9 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 février et 7 octobre 2016, l

a société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France, représentée par MeA..., demande à la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes qui lui ont été infligées, au titre des années 2007 et 2008, en application de l'article 1739 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1429007/1-1 du 9 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 février et 7 octobre 2016, la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge à titre principal totale, et à titre subsidiaire partielle des amendes litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif n'était pas tardive, les premiers juges ayant à tort fait application des règles du contentieux fiscal et le service lui ayant notifié des indications erronées relatives aux voies et délais de recours ;

- l'inexistence du procès-verbal et de la décision de sanction ont pour conséquence qu'aucun délai de recours ne peut être opposé ;

- les agents de la DVNI était incompétents pour dresser les procès-verbaux constatant les infractions en cause ;

- la vérification de comptabilité a été détournée de sa finalité ;

- l'obligation de loyauté a été méconnue ;

- il y a eu violation du secret professionnel ;

- l'amende en cause est contraire à l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 6 de cette convention ;

- certaines infractions n'ont pas été constatées par procès-verbal ;

- des amendes ont été irrégulièrement cumulées ;

- le recours à la méthode par extrapolation est irrégulier ;

- les amendes relatives aux livrets-jeunes ne sont pas fondées ;

- la règle d'unicité n'a pas été correctement appliquée ;

- la méthode utilisée ne permet pas de sanctionner des infractions réelles ;

Par un mémoire en défense enregistré le 10 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande présentée par la société requérante devant les premiers juges était tardive et par suite irrecevable.

Par une ordonnance du 8 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au

10 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France.

1. Considérant que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2007 et 2008, à l'issue de laquelle l'administration a constaté que des comptes d'épargne réglementée avaient été ouverts ou tenus en infraction à plusieurs dispositions du code monétaire et financier ; qu'un procès-verbal relevant ces irrégularités a été dressé le 10 décembre 2010 ; que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France a été, en conséquence, sur le fondement de l'article 1739 du code général des impôts, assujettie à des amendes, par avis de mise en recouvrement du 14 avril 2011, pour un montant total de 4 317 572 euros ; que la requérante a, par courrier du

26 décembre 2013, sollicité la décharge desdites amendes ; que, par décision du

10 septembre 2014, le service a, d'une part, procédé à un dégrèvement à hauteur d'un montant de 31 575 euros, et, d'autre part, rejeté le surplus des prétentions de l'intéressée ; que la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France relève appel du jugement n° 1429007/1-1 du 9 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté pour tardiveté sa demande tendant à la décharge des amendes restant à sa charge au titre des années 2007 et 2008, en application de l'article 1739 du code général des impôts ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1739 du code général des impôts : " I. (...) il est interdit à tout établissement de crédit qui reçoit du public des fonds à vue ou à moins de cinq ans, et par quelque moyen que ce soit, d'ouvrir ou de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des comptes bénéficiant d'une aide publique, notamment sous forme d'exonération fiscale, ou d'accepter sur ces comptes des sommes excédant les plafonds autorisés. Sans préjudice des sanctions disciplinaires qui peuvent être infligées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, les infractions aux dispositions du présent article sont punies d'une amende fiscale dont le taux est égal au montant des intérêts payés, sans que cette amende puisse être inférieure à 75 € " ; qu'aux termes de l'article 1754 du code général des impôts : " I. Le recouvrement et le contentieux des pénalités calculées sur un impôt sont régis par les dispositions applicables à cet impôt. II. Le recouvrement et le contentieux des autres pénalités sont régis par les dispositions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs ou de taxes sur le chiffre d'affaires (...), les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif (...) " ; que l'article R. 190-1 dudit livre des procédures fiscales dispose : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) de l'administration des impôts (...) dont dépend le lieu d'imposition " ; que l'article R. 199-1 du même livre dispose : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 (...)" ; qu'enfin, l'article R.421-5 du code de justice administrative dispose : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;

4. Considérant que les premiers juges, après avoir constaté que la décision du

10 septembre 2014 rejetant partiellement la réclamation de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France avait été notifiée à cette dernière, sous pli recommandé, le 11 septembre 2014, que cette notification mentionnait les voies et délais de recours, et que la demande portant le litige devant le Tribunal n'avait été enregistrée au greffe que le 15 novembre 2014, soit après l'expiration du délai du recours contentieux de deux mois prévu à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, ont rejeté ladite demande pour tardiveté ; que la société requérante soutient que sa demande devant le tribunal administratif n'était pas tardive, les premiers juges ayant à tort fait application des règles du contentieux fiscal à un litige relatif à des sanctions administratives de droit commun et le service lui ayant notifié des indications erronées relatives aux voies et délais de recours ;

5. Considérant que l'article 1739 du code général des impôts sur le fondement duquel ont été établies les amendes litigieuses est issu de l'article 13 de l'ordonnance n° 2005-1512 du

7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ; que les dispositions susmentionnées de l'article 1754 du code général des impôts, issues de l'article 15 de ladite ordonnance, ont pour objet, et pour effet, de déterminer les règles de procédure contentieuse applicables à l'ensemble des pénalités régies par cette ordonnance ; que les pénalités de l'article 1739 n'étant pas calculées sur un impôt c'est à bon droit que les premiers juges ont mis en oeuvre les règles de procédure contentieuse applicables aux taxes sur le chiffres d'affaires, en vertu du II de l'article 1754 dudit code ; que contrairement à ce qui est soutenu, la triple circonstance, d'une part, que l'article 1739 mentionne dans son troisième alinéa qu' " Un décret pris sur le rapport du ministre chargé du budget fixe les modalités d'application du présent article, et notamment les conditions dans lesquelles seront constatées et poursuivies les infractions. ", d'autre part, que ledit article ait repris les termes de l'article 1756 bis du code général des impôts préalablement applicable qui renvoyait à des dispositions réglementaires prévoyant que les infractions en cause étaient constatées comme en matière de timbre et que l'article D 351-1 du code monétaire et financier auquel faisait référence le procès-verbal adressé à l'intéressée préalablement à la mise en recouvrement de l'amende indiquait que ladite amende était recouvrée comme un droit de timbre, et enfin que le contentieux de certaines sanctions prévues au code général des impôts aient pu, préalablement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance susmentionnée, et alors même qu'elles étaient recouvrées comme un droit de timbre, être régies par les dispositions applicables aux sanctions administratives de droit commun, n'est pas de nature à remettre en cause l'application au présent litige des règles de la procédure contentieuse fiscale, application qui résulte, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des dispositions législatives applicables à l'espèce ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, qui n'ont entaché leur jugement d'aucune contradiction de motif en appliquant les règles du contentieux fiscal à la demande de la société, alors même que celle-ci tendait à " l'annulation de la décision administrative de sanction [que] constitue l'avis de mise en recouvrement du 14 avril 2011 ", ont rejeté la demande qui leur était soumise en faisant application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales ;

6. Considérant d'ailleurs, et au surplus, que les règles de recevabilité applicables au contentieux des sanctions administratives de droit commun n'étaient pas de nature à ouvrir à la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France des délais de recours plus longs que ceux dont elle a effectivement bénéficié, tant après la mise en recouvrement de l'amende en cause qu'à l'issue du rejet de sa réclamation adressée au service, et qui sont ceux applicables au contentieux fiscal ; que la tardiveté qui lui est opposée, qui procède de la seule expiration du délai de deux mois qui s'est écoulé à l'issue du rejet de sa réclamation contentieuse, délai de même durée que celui qui aurait couru, dans l'hypothèse où les dispositions susmentionnées du livre des procédures fiscales n'auraient pas été applicables, tant à compter de la notification de la décision mettant en recouvrement l'amende que, le cas échéant, à compter de la notification rejetant un éventuel recours administratif préalable, ne découle par suite pas de la qualification erronée qui, dans une telle hypothèse, aurait été donnée par le service au litige en cours en notifiant à l'intéressée les voies et délais de recours propres au contentieux fiscal et notamment en soumettant la recevabilité de sa demande à la nécessité de présenter une réclamation fiscale préalable ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le service lui aurait, ce faisant, indiqué des voies et délais de recours erronés, n'a pu l'induire, à son détriment, en erreur sur les délais dont elle disposait pour saisir les premiers juges et n'est par suite, et en tout état de cause, pas de nature à la relever de la tardiveté susmentionnée ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France, qui a demandé, par courrier du 26 décembre 2013, la décharge des amendes en cause et à qui n'est opposée, par le présent arrêt, que la tardiveté de sa requête devant le tribunal administratif au regard de la décision du 10 septembre 2014 statuant sur la demande susmentionnée, et qui ne saurait, par suite et en tout état de cause, utilement faire valoir que les graves irrégularités entachant le procès-verbal dressé le 10 décembre 2010 et l'avis de mise en recouvrement du 14 avril 2011 auraient pour effet de la dispenser du respect des délais de recours devant le juge administratif, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Ile-de-France et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques, directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 16PA00555


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00555
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : CABINET ERNST et YOUNG SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-12-30;16pa00555 ?
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