Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sagena a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de condamner in solidum, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à titre principal la société AIA Architectes, la société AIA Ingenierie, la société Socotec, la société Sogea Atlantique BTP et la société Partner Engineering, à lui verser une provision de 611 799,29 euros, assortie des intérêts, et à titre subsidiaire la société AIA Architectes et la société AIA Ingenierie à lui verser une provision du même montant.
Par une ordonnance n° 1405228 du 4 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 octobre 2016 et le 17 avril 2017, la société SMA, qui vient aux droits de la société Sagena, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 4 octobre 2016 ;
2°) à titre principal, de condamner in solidum les sociétés AIA Architectes, AIA Ingenierie, Sogea Atlantique BTP et Socotec à lui verser une provision de 611 799,29 euros, assortie des intérêts à compter de sa demande devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés AIA Architectes et AIA Ingenierie à lui verser une provision de 611 799,29 euros, assortie des intérêts à compter de sa demande devant le tribunal administratif ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la société Partner Engineering à lui verser une provision de 611 799,29 euros, assortie des intérêts à compter de sa demande devant le tribunal administratif ;
5°) condamner in solidum les sociétés AIA Architectes, AIA Ingenierie, Sogea Atlantique BTP et la société Socotec, ou à défaut la société Partner Engineering aux dépens ;
6°) de mettre à la charge solidaire des sociétés AIA Architectes, AIA Ingenierie, Sogea Atlantique BTP et Socotec, ou à défaut de la société Partner Engineering, la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité décennale des constructeurs est engagée car les désordres affectant les ventelles, qui présentent un risque pour la sécurité des usagers et des tiers, portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination ;
- si la responsabilité de la société Partner Engineering, sous-traitant de Sogea, ne peut pas être prononcée solidairement avec celle des autres constructeurs, elle peut l'être, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2016, la société Partner Engineering conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société SMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a agi en qualité de sous-traitant de la société Sogea Atlantique, de sorte que sa responsabilité ne peut pas être engagée à l'encontre du maître d'ouvrage, dans les droits duquel est subrogée la société SMA ;
- la cause de la chute des ventelles est incertaine, de sorte que l'existence d'une faute de sa part dans la survenance du préjudice est contestable et ne peut donner lieu à l'octroi d'une provision ;
- le montant de la provision demandée est également contestable dans la mesure où c'est la ville d'Angers qui a pris l'initiative de déposer toutes les ventelles.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 13 février 2017 et le 13 avril 2017, la société Sogea Atlantique BTP conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société SMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres n'ont pas un caractère décennal ;
- les défauts et non-conformités de pose des ventelles étaient visibles lors des opérations de réception ;
- il existe donc une contestation sérieuse qui fait obstacle à l'allocation d'une provision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2017, la société Socotec France conclut au rejet de la requête ; à titre subsidiaire elle demande que les sociétés AIA Ingenierie, AIA Architectes, Sogea Atlantique BTP et Partner Engineering soient condamnées à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; enfin elle demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société SMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres étaient apparents lors de la réception des travaux ;
- ils n'ont pas un caractère décennal ;
- les désordres ne lui sont pas imputables.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2017, les sociétés AIA Architectes et AIA Ingenierie concluent au rejet de la requête et demandent que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société SMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les désordres n'ont pas de caractère décennal ;
- la question des réserves et non-conformité lors de la réception est étrangère à l'appréciation du litige.
Un mémoire, enregistré le 20 avril 2017, a été présenté par la société Partner Engineering.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport Mme Rimeu,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la société SMA et celles de MeB..., pour la société Socotec.
1. Considérant que la société d'aménagement et de rénovation d'Angers (SARA) a, pour le compte de la commune d'Angers, confié à un groupement composé des sociétés AIA Architectes et CERA, devenue AIA Ingenierie, la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction d'un parking public, dénommé " parking Molière " ; que le lot gros oeuvre a été attribué à la société Sogea Atlantique BTP, laquelle a sous-traité à la société Partner Engineering la fourniture et la pose de ventelles sur les façades du parking ; que le contrôle technique des travaux a été réalisé par la société Socotec ; que les réserves ont été levées le 3 mai 2006 et la réception des travaux prononcée avec effet au 14 juin 2005 ; qu'après le dépôt du rapport de l'expertise, ordonnée par le tribunal de grande instance d'Angers, la société Sagena, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société SMA, assureur dommages-ouvrage de la commune d'Angers, a versé à celle-ci la somme de 652 371,28 euros correspondant au montant des travaux de reprises des désordres affectant les ventelles ; que la société Sagena, ainsi subrogée dans les droits de la commune d'Angers, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement les sociétés AIA Architectes, AIA Ingenierie, Sogea Atlantique BTP, Partner Engineering et Socotec, ou subsidiairement seulement les sociétés AIA Architectes et AIA Ingenierie, à lui verser une provision de 611 799,29 euros ; que par une ordonnance du 4 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que la société SMA relève appel de cette ordonnance et demande devant la cour, à titre principal, la condamnation solidaire des sociétés AIA Architectes, AIA Ingenierie, Sogea Atlantique BTP et Socotec sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, ou subsidiairement, la condamnation solidaire des sociétés AIA Architectes et AIA Ingenierie sur le fondement de leur responsabilité contractuelle ou la condamnation de la seule société Partner Engeeniring, sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle, à lui verser une provision de 611 799,29 euros ;
Sur les conclusions tendant au versement d'une provision :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ";
En ce qui concerne le principe de la responsabilité décennale :
3. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;
4. Considérant que les façades du parking Molière donnant sur les rues Thiers et Boisnet sont habillées de ventelles en composite ciment vert (CCV) ; que le 3 juillet 2008 une ventelle s'est détachée de la façade ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'eu égard aux défauts de la matière CCV et aux non-conformités affectant la pose des ventelles, il existe un risque de chute créant un grave danger pour la sécurité des usagers du parking et des passants empruntant les rues Thiers et Boisnet ; que par suite, les désordres constatés, même s'ils n'ont pas entrainé la fermeture du parking, sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination ;
5. Considérant que si les ventelles ont fait l'objet de nombreuses réserves lors des opérations de réception du 14 juin 2005, il résulte de l'instruction que la société Partner Engineering est intervenue ensuite pour mettre fin aux défauts relevés et que le maître d'oeuvre a proposé le 6 septembre 2005 la levée de ces réserves ; que, par suite, les désordres, qui n'étaient pas visibles par le maître d'ouvrage au moment des opérations de réception, et qui ne se sont révélés dans toute leur ampleur que lors de la chute d'une ventelle le 3 juillet 2008, ne peuvent être regardés comme ayant été apparents lors de la réception de l'ouvrage ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres résultent de défauts de conception, d'exécution, de surveillance des travaux et de contrôle et sont par suite imputables aux sociétés AIA Architectes et AIA Ingénierie, maîtres d'oeuvre, à la société Sogea Atlantique BTP, chargée de l'exécution du lot gros oeuvre, lequel comprenait la fourniture et la pose des ventelles en façades, et la société Socotec, chargée du contrôle technique des travaux ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 6 que, contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, la société SMA est fondée à soutenir que la responsabilité solidaire des sociétés AIA Architectes, AIA Ingénierie, Sogea Atlantique BTP et Socotec dans les désordres affectant les ventelles, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, n'est pas sérieusement contestable ;
En ce qui concerne le montant de la provision :
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le montant des travaux nécessaires pour assurer la mise en sécurité du site et la dépose des ventelles défectueuses s'élève à la somme de 144 071,29 euros TTC, et que le montant des travaux de reprise des désordres, nécessaires pour supprimer toute mise en danger du public, s'élève à la somme de 499 928 euros TTC ; que par suite, la société SMA est fondée à solliciter une provision de 611 799,29 euros ;
En ce qui concerne l'appel en garantie présenté par la société Socotec :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise susmentionné, que les désordres sont dus, à hauteur de 50%, à des fautes d'exécution de la société Partner Engineering, à laquelle la société Sogea Atlantique BTP avait sous-traité la fourniture et la pose des ventelles, à hauteur de 40% à des fautes de conception et de surveillance de l'exécution des travaux par les maîtres d'oeuvre, à hauteur de 5% à une faute de l'entreprise en charge du lot " gros oeuvre ", qui ne pouvait ignorer les fautes de son sous-traitant dans la pose des ventelles, et à hauteur de 5% à une faute du contrôleur technique, qui a estimé que l'avis technique, dit " ATEX ", exigé par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché du lot gros oeuvre, n'était pas indispensable alors qu'il aurait au contraire permis d'éviter des défauts de conception ; que, par suite, doit être regardée comme non sérieusement contestable la garantie de la société Socotec par la société Partner Engineering, à hauteur de 50%, et par les sociétés AIA Architectes, AIA Ingenierie et Sogea Atlantique BTP, prises solidairement, à hauteur de 45% ;
Sur les dépens :
10. Considérant que si la société SMA demande la condamnation des constructeurs aux dépens, l'expertise du 14 septembre 2010 a été ordonnée par le tribunal de grande instance d'Angers, de sorte qu'elle n'entre pas dans les dépens de l'instance ; qu'en outre, et en tout état de cause, la société SMA ne justifie pas du montant des frais qu'elle a pu exposer pour cette expertise ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 4 octobre 2016 est annulée.
Article 2 : Les sociétés AIA Architectes, AIA Ingenierie, Sogea Atlantique BTP et Socotec sont solidairement condamnées à verser à la société SMA une provision de 611 799,29 euros.
Article 3 : Les sociétés AIA Architectes, AIA Ingenierie et Sogea Atlantique BTP sont solidairement condamnées à garantir la société Socotec à hauteur de 45% des condamnations prononcées à son encontre par l'article 2 du présent arrêt et la société Partner Engineering est condamnée à garantir la société Socotec à hauteur de 50% des condamnations prononcées à son encontre par l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article5 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés SMA, AIA Architectes, AIA Ingenierie, Sogea Atlantique BTP, Socotec et Partner Engineering.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président-assesseur,
- Mme Rimeu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mai 2017.
Le rapporteur,
S. RIMEULe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet de Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT03461