Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 21 septembre 2016 et le 24 mai 2017, la SAS Samad, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2016 par lequel le maire de Vire Normandie a accordé à la SNC Lidl un " permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale " pour la création d'un nouveau magasin, portant création d'une surface de plancher de 2 415,03 m², sur les parcelles cadastrées section BB n°s 11, 14, 28 et 32, situées rue de Caen à Vire ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Vire Normandie une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
sa requête est bien recevable ; qu'elle n'est, en particulier pas tardive et dispose d'un intérêt à agir ;
le permis de construire est entaché d'un vice de procédure et d'un détournement de procédure dès lors que la surface de vente réelle étant supérieure à 1 000 m², le projet devait être obligatoirement soumis à la procédure de consultation pour avis de la commission départementale d'aménagement commercial conformément aux dispositions des articles L.752-1 du code de commerce et L.425-4 du code de l'urbanisme ;
le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article L.752-6 du code de commerce dès lors que la desserte routière et la sécurisation des accès ne sont pas suffisamment définies.
Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 4 novembre 2016, la commission nationale d'aménagement commercial, représentée par son président, demande qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête de la SAS Samad.
Elle soutient que le permis de construire contesté n'a que pour objet de détourner la législation sur l'urbanisme commercial.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 novembre 2016 et le 22 mai 2017, la commune de Vire Normandie, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Samad une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
la cour administrative d'appel est incompétente dès lors qu'il ne s'agit pas d'un litige portant sur un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale puisque l'espace vacant est séparé de la surface de vente par un mur coupe-feu de deux heures à bloquer sous toiture qui est difficilement démontable et dont les caractéristiques ont été, en outre précisées, à l'appui d'une demande de permis de construire modificatif ;
subsidiairement, la requête est irrecevable en l'absence d'intérêt à agir de la SAS Samad ;
à titre infiniment subsidiaire, aucun des moyens de la requête de la SAS Samad n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistré les 15 mars 2017, 22 mai 2017 et 26 mai 2017, la SNC Lidl, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Samad une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
dès lors qu'il ne s'agit pas, malgré l'erreur de plume contenue dans la décision contestée, d'un litige portant sur un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, la requête est irrecevable, tant sur le fondement des dispositions de l'article L.600-1-2 que sur celui de l'article L.600-1-4 du code de l'urbanisme, en l'absence d'intérêt à agir de la SAS Samad ;
la requête est également irrecevable pour être dirigée contre une décision inexistante en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision contestée dans son volet autorisation d'exploitation commerciale puisque le permis de construire n'accorde pas une telle autorisation ;
à titre subsidiaire, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.752-6 du code de commerce est inopérant ;
aucun des autres moyens de la requête de la SAS Samad n'est fondé alors que la société requérante ne peut invoquer une irrégularité qui a été régularisée par un permis de construire modificatif.
Une note en délibéré, présentée pour la SNC Lidl, a été enregistrée le 31 mai 2017.
Une note en délibéré, présentée pour la SAS Samad, a été enregistrée le 2 juin 2017.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Vire Normandie, a été enregistrée le 6 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
le code de l'urbanisme ;
le code de commerce ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel,
les conclusions de Mme Piltant, rapporteur public,
les observations de MeD..., représentant la SAS Samad, de MeC..., représentant la commune de Vire Normandie, et de MeB..., représentant la SNC Lidl.
1. Considérant que la SNC Lidl a déposé le 28 juillet 2015 une demande de permis de construire un magasin à l'enseigne du même nom portant création d'une surface de plancher de 2 415,03 m² comprenant une surface de vente de 1 420,87 m² sur un terrain situé rue de Caen à Vire, commune intégrée depuis le 1er janvier 2016 au sein de la commune de Vire Normandie ; que saisie par la SAS Samad, la commission nationale d'aménagement commercial a émis le 6 avril 2016 un avis défavorable sur le projet, lequel s'est substitué à l'avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Calvados du 19 novembre 2015 ; que la SNC Lidl a déposé auprès de la mairie de Vire Normandie une nouvelle demande de permis de construire sur le même terrain d'assiette pour un projet de magasin d'une surface de plancher de 2 393,98 m² avec une surface de vente ramenée à 999 m² ; que, par un arrêté du 21 juillet 2016, le maire de Vire Normandie a délivré un " permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale " ; que la SAS Samad demande à la cour d'annuler cette décision ;
Sur l'intervention de la commission nationale d'aménagement commercial :
2. Considérant que le projet ayant donné lieu à la délivrance de la décision litigieuse au profit de la SNC Lidl a pour objet l'implantation d'un bâtiment destiné à accueillir un supermarché sur le territoire de la commune de Vire-Normandie pour une surface de vente déclarée de 999 m² et une surface " non affectée " d'environ 417 m² ; que la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) fait valoir que ce projet est en réalité identique, avec une surface de vente réduite provisoirement, à celui que la même société avait présenté devant elle et pour lequel elle avait émis un avis défavorable le 6 avril 2016 et que le permis ainsi sollicité n'a que pour objet de contourner la législation sur l'urbanisme commercial, en permettant à l'enseigne de ne déposer à l'avenir qu'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale portant sur la partie non affectée de la construction et, par suite, de pouvoir réaliser l'implantation du supermarché initialement prévu en dépit de l'avis défavorable qu'elle avait émis ; que dans ces conditions, son intervention est recevable ;
Sur la compétence de la cour et les fins de non recevoir opposées par la commune de Vire Normandie et la SNC Lidl :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L.752-17 du même code : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, (...) tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet (...) peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...). / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. " ; qu'aux termes de l'article L.600-1-4 de ce code : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. " ; qu'aux termes de l'article L.600-10 du même code : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des plans joints à la demande de permis de construire, que la SNC Lidl a saisi le maire de la commune de Vire Normandie d'une demande de permis de construire pour la réalisation d'un bâtiment comportant une surface de vente de 999 m² alors qu'une surface d'environ 417 m² désignée sur les plans comme " local non affecté " est restée sans affectation particulière ; que si cette surface est séparée de la surface de vente par un " mur coupe-feu deux heures à bloquer sous toiture ", il ressort de ces mêmes pièces, en particulier du procès-verbal de constat de l'huissier commandé par la SNC Lidl qu'il ne s'agit que d'une cloison légère aisément démontable composée de deux structures en plaque de plâtre d'une épaisseur de vingt-cinq millimètres fixées, par des vis, de part et d'autre de rails en aluminium en forme de " U " alors que le reste de la zone murale du bâtiment est conçu en maçonnerie ; que le permis de construire modificatif, délivré en cours d'instance le 12 mai 2017, qui comporte la mention selon laquelle l'utilisation de la surface non destinée à l'ouverture du public pourrait être éventuellement soumise à une autorisation d'exploitation commerciale n'est pas de nature à modifier cette appréciation dès lors qu'aucune modification structurelle n'est apportée à la cloison; que la SAS Samad soutient que pour le calcul de la surface de vente réelle, il convenait d'inclure celle du " local non affecté ", de sorte que cette surface de vente excèdant le seuil de 1 000 m², le permis de construire relève des dispositions de l'article L.425-4 du code de l'urbanisme ; qu'il suit de là que la société requérante, qui exploite un établissement à l'enseigne commerciale " Carrefour Market " situé dans la zone de chalandise du projet, dispose d'un intérêt lui donnant qualité pour contester, sur le fondement et dans la limite des dispositions précitées de l'article L.600-1-4 du code de l'urbanisme, le permis de construire dont il appartient à la cour, sur le fondement de l'article L.600-10, d'apprécier la légalité dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, il entre dans le cadre des dispositions précitées et que d'ailleurs le maire de Vire-Normandie a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.752-9 du code de l'urbanisme relatif au dépôt des demandes de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale : " Pour les projets nécessitant un permis de construire, la demande accompagnée du dossier est déposée conformément aux dispositions des articles R. 423-2 et suivants du code de l'urbanisme. Le dossier est transmis au secrétariat de la commission départementale dans les conditions prévues à l'article R. 423-13-2 du même code " ; qu'aux termes de l'article R.423-13-2 du même code : " Lorsque la demande de permis de construire porte sur un projet relevant de l'article L. 752-1 du code de commerce, le maire transmet au secrétariat de la commission départementale d'aménagement commercial deux exemplaires du dossier, dont un sur support dématérialisé, dans le délai de sept jours francs suivant le dépôt " ;
7. Considérant, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5, que la SNC Lidl a saisi le maire de Vire-Normandie d'une demande de permis de construire pour la construction d'un bâtiment comportant une surface de vente de 999 m² et une surface d'environ 417 m² sans affectation particulière désignée sur les plans comme " local non affecté ", séparée seulement de la surface de vente par une cloison légère ; qu'au vu de ces pièces, le maire ne pouvait donc que s'estimer saisi d'une demande portant sur la création d'une surface de vente excédant 1 000 m² laquelle devait être préalablement soumise à la commission départementale d'aménagement commercial conformément aux dispositions précitées de l'article L.752-1 du code de commerce ; que, dans ces conditions, en délivrant le permis de construire sans avoir transmis préalablement le dossier au secrétariat de la commission départementale d'aménagement commercial conformément aux dispositions précitées de l'article R.423-13-2 du code de l'urbanisme, le maire de Vire-Normandie a méconnu les dispositions précitées de l'article L.425-4 du même code ;
8. Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux serait illégal en raison de l'insuffisante desserte routière du projet et de l'absence de sécurisation des accès n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le permis contesté doit dès lors être annulé en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la SAS Samad, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que la commune de Vire Normandie et la SNC Lidl demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Vire Normandie une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Samad et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la commission nationale d'aménagement commercial est admise.
Article 2 : L'arrêté du maire de Vire Normandie du 21 juillet 2016 délivrant à la SNC Lidl un permis de construire en vue de la construction d'un magasin à l'enseigne Lidl sur un terrain situé rue de Caen est annulé en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.
Article 3 : La commune de Vire Normandie versera à la SAS Samad la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Vire Normandie et la SNC Lidl au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Samad, à la commune de Vire Normandie, à la SNC Lidl et à la commission nationale d'aménagement commercial.
Copie pour information au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Caen.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Buffet, premier conseiller,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2017.
Le rapporteur,
M. E...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
S. BOYERE
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT03217