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24/11/2017 | FRANCE | N°16NT01724

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 24 novembre 2017, 16NT01724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Cher à La Loire a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la société Atelier Arcos Architecture, la SARL CD2I et la SARL Nouvelle Val Etanchéité, à lui verser la somme provisionnelle de 244 681,64 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, en réparation des désordres affectant la piscine inte

rcommunale de Faverolles-sur-Cher.

Par une ordonnance n° 1600205 du 12 mai 2016, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes du Cher à La Loire a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner solidairement, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la société Atelier Arcos Architecture, la SARL CD2I et la SARL Nouvelle Val Etanchéité, à lui verser la somme provisionnelle de 244 681,64 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la requête, en réparation des désordres affectant la piscine intercommunale de Faverolles-sur-Cher.

Par une ordonnance n° 1600205 du 12 mai 2016, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 26 mai 2016 et le 30 août 2016, la communauté de communes du Cher à La Loire, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 12 mai 2016 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de condamner solidairement la société Atelier Arcos Architecture, la SARL CD2I et la SARL Nouvelle Val Etanchéité à lui verser la somme provisionnelle de 244 681,64 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la demande, en réparation des désordres affectant la piscine intercommunale de Faverolles-sur-Cher ;

3°) de condamner solidairement la société Atelier Arcos Architecture, la SARL CD2I et la SARL Nouvelle Val Etanchéité à lui verser la somme de 27 335,34 euros au titre des honoraires et des dépens de l'expertise judiciaire ;

4°) de mettre à la charge de la société Atelier Arcos Architecture, la SARL CD2I et la SARL Nouvelle Val Etanchéité la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés a omis de statuer sur le moyen tiré de l'impropriété à destination de l'ouvrage ;

- l'obligation dont elle se prévaut n'est pas sérieusement contestable ;

- la responsabilité décennale de la société Atelier Arcos Architecture, de la Sarl CD2I et de la Sarl Nouvelle Val Etanchéité est engagée ; à terme, les désordres observés affecteront inéluctablement la solidité de l'ouvrage ;

- subsidiairement, la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre est engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle du fait du manquement à sa mission d'assistance aux opérations de réception (AOR) ; elle a failli à son obligation de conseil au maitre d'ouvrage au moment de la réception des travaux ; elle aurait dû alerter ce dernier sur les défauts affectant l'exécution de l'ouvrage, en particulier celui touchant à l'absence de continuité du pare-vapeur et de l'isolant entre le volume chaud intérieur et l'extérieur, qui est à l'origine des désordres ; elle aurait dû exiger la reprise de ces défauts ou à tout le moins émettre des réserves à la réception ;

- la demande de provision est fondée dans son quantum.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 août 2016 et le 17 octobre 2017, la société Atelier Arcos Architecture, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Cher à La Loire la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande présentée par la communauté de communes du Cher à La Loire sur le fondement de la garantie décennale n'est pas fondée ; son obligation à l'égard de la communauté de communes est sérieusement contestable ; les dommages constatés ne présentent pas de caractère décennal ; les désordres sont peu évolutifs et rien ne permet de conclure qu'ils revêtiront, dans le futur, un caractère décennal ;

- la demande présentée par la communauté de communes du Cher à La Loire sur le fondement de la garantie contractuelle n'est pas fondée ; son obligation à l'égard de la communauté de communes est sérieusement contestable ; les désordres allégués n'étaient pas apparents lors de la réception ;

- la demande présentée par la communauté de communes du Cher à La Loire présentée au titre des frais d'expertise est irrecevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2016, la société CD2I, représentée par la SCP Pacreau et Courcelles, conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que sa responsabilité soit limitée à 36,40 % des 20 % mis à la charge de la maîtrise d'oeuvre par l'expert et à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes du Cher à la Loire la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'obligation dont se prévaut la communauté de communes est sérieusement contestable dès lors que la garantie décennale des constructeurs n'est pas établie par le rapport d'expertise qui ne caractérise pas que les désordres sont futurs et certains ;

- sa responsabilité ne saurait excéder 36,40 % des 20 % mis à la charge de la maîtrise d'oeuvre par l'expert.

Une mise en demeure a été adressée le 17 novembre 2016 au liquidateur judiciaire de la SARL Nouvelle Val Etanchéité, qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance 28 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2017 en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique ;

- le rapport de Mme Tiger- Winterhalter, présidente-assesseure ;

- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...représentant la société Atelier Arcos Architecture.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la communauté de communes du Cher à la Loire a entrepris, en 2005, une opération de réhabilitation et d'extension de la piscine intercommunale implantée à Faverolles-sur-Cher ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée, par acte d'engagement du 28 avril 2005, à un groupement conjoint et solidaire comprenant la société Atelier Arcos Architecture, la SARL CD2I, M. B...F...et la société Studio Nemo ; que le lot n°6 " couverture - étanchéité - toiture " a fait l'objet d'un marché conclu le 31 août 2006

avec la société Val Etanchéité ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserve le

26 janvier 2009 ; qu'à la suite de l'apparition de coulures de rouille le long des parois verticales intérieures de la piscine début 2013, la communauté de communes a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans aux fins de désignation d'un expert ; que l'expert, désigné par ordonnance du 19 juin 2014 du président du tribunal, a déposé son rapport le 18 juillet 2015 ; que sur la base de ce rapport d'expertise, la communauté de communes du Cher à la Loire a saisi le juge des référés aux fins de condamnation conjointe et solidaire des sociétés Atelier Arcos Architecture, CD2I et Val Etanchéité à lui verser la somme provisionnelle de 244 681,44 euros TTC, en réparation des désordres affectant la piscine ; que la communauté de communes du Cher à la Loire, au droit de laquelle vient la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, relève appel de l'ordonnance du 12 mai 2016 rejetant sa demande :

Sur la demande de provision :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ; que, lorsque l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant ;

En ce qui concerne la responsabilité des constructeurs :

3. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'un important phénomène d'oxydation affecte les éléments de charpente métalliques de la casquette et des auvents de la piscine de Faverolles-sur-Cher et que les poteaux de la structure métallique laissent échapper des coulures de rouille au droit des orifices de passage de gaine ; que les désordres constatés proviennent d'un phénomène de condensation de l'air humide en provenance du volume intérieur au contact des parois froides de la casquette en raison de l'absence de continuité du pare-vapeur et de l'isolant entre le volume chaud intérieur et l'extérieur ; que si l'expert indique que la corrosion constatée à l'intérieur des poteaux de la structure métallique est faiblement évolutive et qu'il n'y a donc pas de remise en cause immédiate de la solidité de l'ouvrage, il précise toutefois dans ses conclusions que si les phénomènes de corrosion de l'acier de la charpente ne sont pas réparés les phénomènes d'oxydation susmentionnés progresseront inéluctablement et porteront atteinte à la solidité de l'ouvrage ; que l'absence de précision de l'échéance à laquelle les dommages observés revêtiront ce degré de gravité n'est pas de nature à leur ôter leur caractère décennal dès lors qu'il résulte de l'instruction que le processus d'aggravation est inéluctable ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres observés sont principalement imputables à la société Val Etanchéité, chargée de la réalisation des travaux du lot n° 6, qui a procédé à une mise en oeuvre défectueuse des matériaux d'étanchéité et d'isolation dans le plénum de la casquette, dès lors que l'isolation présente des manquements au droit de la casquette et que l'absence de barrière étanche et isolante entre le volume chaud et humide de l'intérieur de la piscine et l'extérieur créée une condensation importante à l'origine des phénomènes de corrosion observés ; que, par ailleurs, la mise en oeuvre défectueuse des matériaux d'isolation aurait dû être décelée par la maîtrise d'oeuvre, qui ne peut dès lors être regardée comme étrangère aux désordres, dans le cadre de sa mission de suivi du chantier et signalée au maître d'ouvrage au moment de la réception de l'ouvrage alors que les réserves inscrites au procès-verbal de réception ne portaient pas sur ce point ; que la communauté de communes est ainsi fondée à soutenir que la responsabilité solidaire des sociétés Atelier Arcos Architecture, CD2I et Val Etanchéité, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs n'est pas sérieusement contestable ;

En ce qui concerne le montant de la provision :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des évaluations justifiées du rapport de l'expert, que le montant des travaux de reprise incluant la reprise de la couverture, la mise en oeuvre d'une isolation, le contrôle technique ainsi que la surveillance et le suivi des travaux s'élève à la somme globale de 244 681,64 euros TTC, laquelle n'est pas sérieusement contestée ; qu'il y a lieu de condamner les sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ainsi que la société Val Etanchéité représentée par son mandateur liquidateur, MeE..., à verser à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la somme provisionnelle de 244 681,44 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016, en réparation des désordres affectant la piscine intercommunale de Faverolles-sur-Cher au titre de la responsabilité décennale des constructeurs ;

7. Considérant qu'il y a également lieu de mettre à la charge conjointe et solidaire des sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ainsi que de la société Val Etanchéité représentée par son mandateur liquidateur, MeE..., le versement de la somme globale de 27 335,34 euros TTC correspondant aux frais et honoraires d'expertise liquidés et taxés à la somme de 14 250 euros TTC par ordonnance du 3 septembre 2015 et aux débours payés par le maître de l'ouvrage à l'occasion des opérations d'expertise et correspondant à des investigations demandées par l'expert pour la somme non contestée de 13 085,34 euros ;

8. Considérant que, par suite, l'existence de l'obligation des sociétés Atelier Arcos Architecture, CD2I et Val Etanchéité envers la communauté de communes Val-de-Cher-Controis présente en l'état de l'instruction un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la communauté de communes du Cher à la Loire est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité de celle-ci, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande de provision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions susvisées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par les sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge conjointe et solidaire des sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ainsi que de la société Val Etanchéité représentée par son mandateur liquidateur, MeE..., le versement à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1600205 du 12 mai 2016 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est annulée.

Article 2 : Les sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ainsi que la société Val Etanchéité représentée par son mandataire liquidateur, MeE..., sont conjointement et solidairement condamnées à verser à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis, à titre de provision, la somme de 244 681,44 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2016, et la somme de 27 335,34 euros au titre des frais et débours d'expertise.

Article 3 : Les sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ainsi que MeE..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société Val Etanchéité, verseront à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Val-de-Cher-Controis et aux sociétés Atelier Arcos Architecture et CD2I ainsi qu'à la société Val Etanchéité représentée par son mandateur liquidateur, MeE....

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Rimeu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2017.

La rapporteure,

N. TIGER-WINTERHALTERLe président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet de Loir-et-Cher en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°16NT01724 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01724
Date de la décision : 24/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER-WINTERHALTER
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : SELARL CASADEI-JUNG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-24;16nt01724 ?
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