Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le contrat de travail à durée indéterminée à temps non complet de 15 heures hebdomadaires en date du 29 janvier 2015 qu'il a conclu le 29 janvier 2015 avec la commune de Saint-Lô (Manche) en tant qu'il ne reprenait pas les clauses essentielles, relativement à sa rémunération, du contrat de droit privé dont il était titulaire précédemment, ainsi que la décision du 30 avril 2015 du maire de la commune rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1501285 du 30 mars 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2016, 21 mars et 29 mars 2017, M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 30 mars 2016 ;
2°) d'annuler son contrat de travail à durée indéterminée à temps non complet de 15 heures hebdomadaires signé le 29 janvier 2015 en tant qu'il ne reprenait pas les clauses essentielles du contrat de droit privé dont il était titulaire précédemment ;
3°) d'annuler la décision du 30 avril 2015 du maire de Saint-Lô rejetant son recours gracieux ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Lô la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'article L. 1224-3 du code du travail est méconnu dès lors que sa rémunération est notablement inférieure à celle qu'il percevait avant la signature de son contrat avec la commune ; il était employé à temps plein au moment du transfert de son contrat de travail ;
- le tribunal ne pouvait se contenter de dire que le contrat initial n'était que de 6 heures par semaine sans pour autant retenir que cette durée initiale avait évolué par voie d'avenants ;
- il avait un salaire et un rang de professeur correspondant à la grille statutaire des enseignants artistiques de l'administration culturelle ; c'est à tort que la commune lui a imposé les indices du corps des assistants d'enseignement musical ;
- outre sa rémunération, la commune a également apporté d'autres modifications substantielles à son contrat s'agissant de l'ajout d'attributions (réunions pédagogiques notamment), autrefois rémunérées sous formes de primes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2016, suivi de la production de pièces complémentaires le 21 septembre 2017, la commune de Saint-Lô, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable devant le tribunal administratif de Nantes dès lors que le courrier du 30 avril 2015, que le requérant qualifie à tort de rejet d'un recours gracieux ne constitue pas une décision faisant grief ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- et les observations de Me Douard, avocat de la commune de Saint-Lô.
1. Considérant que M. A...B...a été recruté par l'association " Musique en pays Saint-Lois " le 11 septembre 2009 en qualité de professeur de musique ; qu'à la suite des difficultés de cette association, la commune de Saint-Lô (Manche) a décidé de reprendre l'école de musique en régie directe par délibération du 18 juin 2014 ; que, par contrat du 29 janvier 2015, M. B...a été recruté par la commune en tant qu'" assistant territorial d'enseignement artistique " à compter du 1er septembre 2014 pour une durée indéterminée à temps non complet ; que le requérant relève appel du jugement du 30 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande, tendant à l'annulation du contrat de travail du 29 janvier 2015 en tant qu'il comporte une rémunération inférieure à celle qu'il percevait de l'association " Musique en pays Saint-Lois ", ainsi que la décision du 30 avril 2015 du maire de Saint-Lô rejetant son recours gracieux ;
Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par lettre du 24 mars 2015 M. B... a expressément contesté auprès du maire de Saint-Lô les modalités de fixation de sa rémunération, telles qu'elles résultaient du contrat de travail du 29 janvier 2015 ; que contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Lô, le courrier du 30 avril 2015 par lequel le maire de M.E..., en réponse à cette demande, a fait valoir au requérant que ce contrat " reprenait conformément aux textes en vigueur les clauses substantielles de votre contrat de droit privé ", ne peut être regardé que comme le rejet du recours gracieux exercé par le requérant, lequel lui a ainsi conservé le délai de recours contentieux ouvert à l'encontre du contrat à durée indéterminée de droit public à temps non complet du 29 janvier 2015 ; qu'ainsi la commune de Saint-Lô n'est pas fondée à soutenir, en se référant à l'article R. 421-1 du code de justice administrative, que les conclusions de M. B...seraient irrecevables à défaut d'être dirigées contre une décision négative ;
Sur les conclusions dirigées contre le contrat signé le 29 janvier 2015 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1224-3 du code du travail, dans sa version alors applicable : " Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. En cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat " ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées au regard des objectifs poursuivis par la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, qu'en écartant, en l'absence même de toute disposition législative ou réglementaire contraire, la reprise des clauses du contrat dont le salarié transféré était titulaire relatives à la rémunération, lorsque celles-ci ne sont pas conformes aux " conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique ", le législateur n'a pas entendu autoriser cette dernière à proposer aux intéressés une rémunération inférieure à celle dont ils bénéficiaient auparavant au seul motif que celle-ci dépasserait, à niveaux de responsabilité et de qualification équivalents, celle des agents en fonction dans l'organisme d'accueil à la date du transfert ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que soient reprises, dans le contrat de droit public proposé au salarié transféré, des clauses impliquant une rémunération dont le niveau, même corrigé de l'ancienneté, excèderait manifestement celui que prévoient les règles générales fixées, le cas échéant, pour la rémunération de ses agents non titulaires ;
4. Considérant que M. B...soutient qu'en contradiction avec les règles qui viennent d'être rappelées sa nouvelle rémunération est en diminution par rapport à celle qu'il percevait lorsqu'il était salarié de l'association, et méconnaît ainsi l'obligation de reprise des clauses substantielles du contrat précédent ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du contrat de droit privé conclu par M.B... avec l'association " Musique en Pays Saint-Lois ", ainsi que de ses avenants et notamment celui signé le 5 octobre 2012, que le requérant était employé antérieurement à la reprise en régie de l'école de musique à concurrence de 20h25 hebdomadaires ; que ses bulletins de salaire des mois de janvier à juin 2014 font état d'un salaire horaire de 17,74 euros ; qu'il ressort du contrat en litige que l'intéressé a été recruté par la commune de Saint-Lô à compter du 1er septembre 2014 sur la base du grade d'assistant d'enseignement artistique principal de deuxième classe, soit à l'indice brut 551 et à l'indice majoré 468 ; que par voie de conséquence son traitement de base s'établit depuis cette date à 1 625,23 euros pour 113,75 heures de travail, soit un taux salarial de 14,28 euros/heure ; qu'ainsi le contrat de droit public en litige emporte pour le requérant une diminution notable de sa rémunération, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle serait compensée par les indemnités de coordination qui viendraient s'y ajouter à l'occasion de la rentrée scolaire ; qu'eu égard en l'espèce à la différence de rémunération brute, que la commune ne conteste au demeurant pas, le contrat en litige doit être regardé comme n'ayant pas repris les clauses substantielles de celui dont le requérant était titulaire auprès de l'association " Musique en pays Saint-Lois ", méconnaissant ainsi les dispositions mentionnées au point 3 de l'article L. 1224-3 du code du travail ; qu'il en résulte que le contrat à durée indéterminée de droit public du 29 janvier 2015 est entaché d'illégalité en tant que la rémunération horaire qu'il prévoit est inférieure à celle que percevait M.B... avant la reprise en régie de l'école de musique ; que ce dernier est fondé dans cette mesure à solliciter l'annulation de ce contrat ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant qu' il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Lô, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Saint-Lô demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 30 mars 2016 est annulé.
Article 2 : Le contrat de travail du 29 janvier 2015 conclu entre la commune de Saint-Lô et M. B...est annulé en tant qu'il prévoit une rémunération inférieure à celle perçue par M. B...en application du contrat antérieur à la reprise en régie de l'école de musique de Saint-Lô.
Article 3 : La commune de Saint-Lô versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Lô au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la commune de Saint-Lô.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mai 2018.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01684