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26/10/2017 | FRANCE | N°16NC01195

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16NC01195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser 82 000 euros à titre d'indemnisation.

Par un jugement no 1400689 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2016, Mme B...A..., représentée par SCP d'avocats Tournier Mayer-Blondeau Giacomoni Dichamp Martinval, demande à la

cour :

1°) d'annuler le jugement no 1400689 du 10 mai 2016 du tribunal administratif de Bes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser 82 000 euros à titre d'indemnisation.

Par un jugement no 1400689 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2016, Mme B...A..., représentée par SCP d'avocats Tournier Mayer-Blondeau Giacomoni Dichamp Martinval, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1400689 du 10 mai 2016 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de condamner la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) à lui verser la somme de 82 000 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 21 janvier 2014, avec capitalisation par année entière ;

3°) de condamner la CNRACL à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A...soutient que :

- la CNRACL a commis une faute en se livrant à une interprétation erronée des dispositions du décret du 30 décembre 2010 ;

- la CNRACL a commis une faute en lui fournissant des informations erronées qui lui ont laissé croire qu'elle pouvait bénéficier d'une retraite anticipée ;

- l'édiction, le 10 octobre 2013, par le maire de la commune de Salins-les-Bains, de l'arrêté l'admettant à la retraite et la radiant des cadres, lui a laissé légitimement croire qu'elle bénéficierait de son droit à pension ;

- la CNRACL a également commis une faute en adoptant, après qu'elle eut été mise à la retraite, un comportement contraire à ces informations ;

- elle a droit à la réparation de son préjudice moral, à hauteur de 5 000 euros, et de son préjudice matériel, à hauteur de 77 000 euros.

L'instruction a été close le 10 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;

- le décret n° 2010-1741 du 30 décembre 2010 portant application aux fonctionnaires, aux militaires et aux ouvriers des établissements industriels de l'Etat des articles 44 et 52 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...A..., rédactrice territoriale depuis décembre 1983, a exercé ses fonctions à la mairie de Mouy, puis à celle de Breuil-le-Sec et enfin, à partir de décembre 2001, à la mairie de Salins-les-Bains. Le 16 janvier 2006, deux enfants orphelins nés en Algérie lui ont été confiés, ainsi qu'à son mari, par acte de kafala par la direction de l'action sociale algérienne. Le 9 janvier 2013, elle et son mari ont requis l'adoption simple des deux enfants, que le tribunal de grande instance de Périgueux a prononcée par un jugement du 3 septembre 2013.

2. Le 16 septembre 2013, Mme A...a présenté au maire de la commune de Salins-les-Bains une demande de mise à la retraite anticipée. Par un arrêté du 10 octobre 2013, elle a été admise à la retraite et radiée des cadres de la collectivité à compter du 1er décembre suivant.

3. Le 10 octobre 2013, MmeA..., par ailleurs mère de jumeaux nés le 11 janvier 1986, a sollicité auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) la liquidation par anticipation de sa pension de retraite en qualité de parent d'au moins trois enfants. Par une décision du 21 janvier 2014, le directeur général de la CNRACL a rejeté sa demande. Il a ensuite, le 14 février 2014, rejeté le recours formé par l'intéressée contre cette décision.

4. Mme A...relève appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la CNRACL à réparer les conséquences préjudiciables de sa situation.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes du III de l'article 44 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, qui nous dit que : " Par dérogation à l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le fonctionnaire civil et le militaire ayant accompli quinze années de services civils ou militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parent à cette date de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, conserve la possibilité de liquider sa pension par anticipation à condition d'avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption ou à la réduction d'activité mentionnée au premier alinéa du présent III les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par le décret en Conseil d'Etat mentionné au deuxième alinéa du 3° du I et au 1° bis du II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa du présent III les enfants énumérés au II de l'article L. 18 du même code que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III de ce même article ".

6. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " II. - Ouvrent droit à cette majoration : / Les enfants légitimes, les enfants naturels dont la filiation est établie et les enfants adoptifs du titulaire de la pension ; / Les enfants du conjoint issus d'un mariage précédent, ses enfants naturels dont la filiation est établie et ses enfants adoptifs ; / Les enfants ayant fait l'objet d'une délégation de l'autorité parentale en faveur du titulaire de la pension ou de son conjoint ; / Les enfants placés sous tutelle du titulaire de la pension ou de son conjoint, lorsque la tutelle s'accompagne de la garde effective et permanente de l'enfant ; / Les enfants recueillis à son foyer par le titulaire de la pension ou son conjoint, qui justifie, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, en avoir assumé la charge effective et permanente. / III. - A l'exception des enfants décédés par faits de guerre, les enfants devront avoir été élevés pendant au moins neuf ans, soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l'âge où ils ont cessé d'être à charge au sens des articles L. 512-3 et R. 512-2 à R. 512-3 du code de la sécurité sociale ".

7. Aux termes de l'article 65-2 du décret du 26 décembre 2003 susvisé, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret du 30 décembre 2010 susvisé, applicable en l'espèce : " I. - Les fonctionnaires ayant accompli quinze années de services civils et militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parents à cette date de trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre conservent la possibilité de liquider leur pension par anticipation à condition d'avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit leur activité dans les conditions fixées par l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite. En cas de naissances ou d'adoptions simultanées, la durée d'interruption ou de réduction d'activité prise en compte au titre de l'ensemble des enfants en cause est celle exigée pour un enfant en application des dispositions de l'article R. 37 susmentionné. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article 24 du présent décret. (...) ".

8. Aux termes de l'article 24 de ce décret : " I. - Une majoration de pension est accordée aux titulaires ayant élevé au moins trois enfants. / II. - Ouvrent droit à cette majoration : / 1° Les enfants légitimes, les enfants naturels dont la filiation est établie et les enfants adoptifs du titulaire de la pension ; / 2° Les enfants du conjoint issus d'un mariage précédent, ses enfants naturels dont la filiation est établie et ses enfants adoptifs ; / 3° Les enfants ayant fait l'objet d'une délégation de l'autorité parentale en faveur du titulaire de la pension ou de son conjoint ; / 4° Les enfants placés sous tutelle du titulaire de la pension ou de son conjoint, lorsque la tutelle s'accompagne de la garde effective et permanente de l'enfant ; / 5° Les enfants recueillis à son foyer par le titulaire de la pension ou son conjoint, qui justifie en avoir assumé la charge effective et permanente par la production de tout document administratif établissant qu'ils ont été retenus pour l'octroi des prestations familiales ou du supplément familial de traitement ou pour le calcul de l'impôt sur le revenu. (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que Mme A...a pris en charge les deux enfants que lui a confiés la direction de l'action sociale algérienne le 16 janvier 2006. A la date du 1er janvier 2012, elle ne les avait donc pas élevés pendant au moins neuf ans.

10. Par ailleurs, elle s'est vu déléguer l'autorité parentale sur les deux enfants par une décision du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dôle du 30 avril 2012 et leur adoption a été prononcée le 3 septembre 2013. A la date du 1er janvier 2012, elle n'avait donc pas la qualité de parent de ces deux enfants au sens de l'article 65-2 du décret du 26 décembre 2003 et de son article 24 auquel il renvoie.

11. N'étant pas, par ailleurs, déjà mère de trois enfants au 1er janvier 2012, elle ne remplissait pas les conditions fixées par l'article 65-2 pour bénéficier de la liquidation par anticipation de sa pension de retraite en qualité de parent d'au moins trois enfants.

12. MmeA..., qui ne le conteste pas, reproche à la CNRACL de l'avoir induite en erreur sur ses droits à pension et de n'avoir pas tenu ses engagements à son égard.

13. En premier lieu, elle soutient que la CNRACL lui a fourni une interprétation erronée des dispositions du décret du 30 décembre 2010 en indiquant, dans son courrier du 29 juin 2012, que les conditions d'être parent de trois enfants vivants et de les avoir élevés pendant neuf ans ne sont pas cumulatives.

14. Il résulte de l'instruction que Mme A...a, le 26 mars 2012, sollicité l'avis de la CNRACL sur son droit à la liquidation par anticipation de sa pension de retraite en qualité de parent de trois enfants au 1er septembre 2012.

15. En réponse à cette demande, le directeur général de la CNRACL a, dans un courrier du 29 juin 2012, rappelé que, selon les dispositions du décret du 30 décembre 2010 susvisé, " un fonctionnaire peut prétendre à la liquidation de sa pension sous réserve de réunir au 1er janvier 2012 les conditions suivantes : avoir effectué au moins 15 ans de services effectifs ; être, à la date de radiation des cadres, parent de trois enfants vivants (ou élevés 9 ans) avant le 1er janvier 2012 (...) ; avoir, pour chaque enfant, interrompu son activité pendant au moins deux mois ou justifier d'une réduction d'activité au titre d'un temps partiel de droit, à l'occasion de la naissance de chaque enfant ". Le directeur général de la CNRACL a ensuite indiqué que, les deux enfants, nés les 21 et 26 décembre 2005, " n'ont pas été élevés pendant au moins 9 ans ", avant de conclure " en conséquence, les conditions nécessaires pour un départ anticipé ne sont pas réunies ".

16. En se fondant ainsi sur la seule circonstance que Mme A...ne remplissait pas l'une des conditions requises pour la prise en compte des enfants qu'elle a recueillis, sans examiner si les autres conditions étaient remplies, le directeur général de la CNRACL a implicitement mais nécessairement estimé que l'ensemble des conditions fixées par les dispositions précitées sont cumulatives. L'erreur d'interprétation alléguée n'est donc pas établie.

17. Au surplus, le directeur général de la CNRACL indique expressément que les conditions doivent être remplies à la date du 1er janvier 2012 et Mme A...ne pouvait pas ignorer qu'elles ne l'étaient pas à cette date. Par conséquent, elle n'est pas fondée à soutenir que les informations contenues dans ce courrier l'ont induite en erreur sur ses droits à pension.

18. En deuxième lieu, Mme A...soutient qu'elle a néanmoins été induite en erreur sur ses droits par un second courrier du 3 août 2012.

19. Il résulte de l'instruction qu'à la suite au courrier du 29 juin 2012, la requérante a sollicité un nouvel examen de sa situation par la CNRACL. Par un courrier du 3 août 2012, le directeur général de la CNRACL a indiqué que " le droit à pension en qualité de parent de trois enfants n'est pas ouvert. Il le sera dès que le jugement d'adoption sera prononcé, ou bien dès que la condition des 9 ans de prise en charge sera remplie ".

20. Ainsi formulée, cette réponse est de nature à laisser entendre que le droit à pension de l'intéressée en qualité de parent d'au moins trois enfants pourra être ouvert dès que l'un ou l'autre des événements mentionnés se sera produit. Cette information est erronée puisque les dispositions de l'article 65-2 du décret du 26 décembre 2003, qui fixent comme butoir la date du 1er janvier 2012, font obstacle à la prise en compte d'événements ultérieurs.

21. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 15 à 17, le courrier du 29 juin 2012, auquel renvoie celui du 3 août 2012, indique sans équivoque que les conditions doivent être remplies à la date du 1er janvier 2012. Mme A...ne pouvait dès lors légitimement se prévaloir du seul courrier du 3 août 2012 pour en déduire qu'elle pourrait ultérieurement prétendre à la liquidation par anticipation de sa pension de retraite en qualité de parent d'au moins trois enfants.

22. Par conséquent, sa décision de solliciter sa mise à la retraite anticipée ne peut être regardée comme résultant des informations délivrées par la CNRACL.

23. En troisième lieu, Mme A...ne peut pas utilement faire valoir que l'édiction, le 10 octobre 2013, par le maire de la commune de Salins-les-Bains, de l'arrêté l'admettant à la retraite et la radiant des cadres de la collectivité, lui a laissé légitimement croire qu'elle bénéficierait de son droit à pension. En effet, l'adoption de cet arrêté n'est pas imputable à la CNRACL et en outre, elle fait suite à la demande de l'intéressée.

24. En quatrième lieu, Mme A...soutient que la CNRACL a commis une faute en ne respectant pas son engagement de lui accorder le bénéfice de la liquidation par anticipation de sa pension de retraite en qualité de parent d'au moins trois enfants.

25. Toutefois, les courriers précités des 29 juin et 3 août 2012 ne comportent aucun engagement de la part de l'administration de lui accorder le bénéfice de la liquidation par anticipation de sa pension de retraite. Par ailleurs, la seule circonstance que la CNRACL ait sollicité de l'employeur de la requérante des pièces pour compléter son dossier de demande de liquidation, sans faire état à ce moment d'un possible rejet de cette demande, ne saurait s'analyser comme signifiant qu'elle entendait y faire droit. Enfin, si la CNRACL a établi, le 9 mars 2012, un décompte provisoire de pré-liquidation de pension, qui retient une date souhaitée de radiation des cadres le 1er septembre 2012 en qualité de parent d'au moins trois enfants, ce document indique expressément, en note de bas de page : " ce décompte restitue les résultats de l'étude des droits à pension réalisée sur la base des informations déclarées par internet. Il n'a qu'une valeur indicative et à ce titre, il constitue un ensemble d'informations dépourvues de toute valeur contractuelle ".

26. En l'absence de tout engagement de la part de la CNRACL vis-à-vis de la requérante, la faute alléguée n'est pas établie.

27. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande indemnitaire. Ses conclusions à fin d'annulation et d'indemnisation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

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N° 16NC01195


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