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04/06/2018 | FRANCE | N°16MA04447

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 juin 2018, 16MA04447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Autocars Cortenais a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le marché public de transport scolaire conclu entre le département de la Haute-Corse et la société Restonica voyages pour la desserte de la ligne n° 64 Tattone-Venaco-Corte et de condamner le département de la Haute-Corse à lui verser la somme de 65 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1400987 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté s

es demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Autocars Cortenais a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le marché public de transport scolaire conclu entre le département de la Haute-Corse et la société Restonica voyages pour la desserte de la ligne n° 64 Tattone-Venaco-Corte et de condamner le département de la Haute-Corse à lui verser la somme de 65 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1400987 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 décembre 2016, 30 juin 2017, 5 juillet 2017, 19 décembre 2017 et 15 février 2018, la société Autocars Cortenais, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) à titre principal, d'annuler le marché public de transport scolaire conclu entre le département de la Haute-Corse et la société Restonica voyages pour la desserte de la ligne n° 64 Tattone-Venaco-Corte ;

3°) à titre subsidiaire, de résilier ce marché ;

4°) d'enjoindre à la collectivité de Corse de produire l'intégralité des actes de candidature et d'offre de l'attributaire, de communiquer les motifs précis d'éviction de l'offre de la requérante et de choix de celle de l'attributaire, ainsi que l'ensemble des documents officiels attestant de la méthodologie de sélection des offres ;

5°) de condamner le département de la Haute-Corse à lui verser la somme de 65 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction ;

6°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge du département de la Haute-Corse en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la déclaration sans suite de la précédente procédure résultait d'un détournement de procédure et était irrégulière ;

- le pouvoir adjudicateur a méconnu les dispositions des articles 80 et 83 du code des marchés publics, moyen qui est opérant dès lors que ce défaut d'information l'a empêchée de saisir le juge des référés précontractuels ;

- l'offre de la société Restonica était incomplète du fait qu'elle n'était assortie ni de la carte grise, ni des preuves du contrôle technique, ni des attestations d'assurance des véhicules ;

- le pouvoir adjudicateur a méconnu ses obligations en ne contrôlant pas la production de ces pièces ;

- la société Restonica ne disposant que de deux véhicules, elle ne disposait pas des moyens techniques nécessaires à la satisfaction de la demande du pouvoir adjudicateur, notamment en cas d'aléa d'exploitation de la ligne, et son offre aurait dès lors dû être écartée comme non conforme ;

- la méthode de notation des offres introduit une distorsion par rapport à la pondération des critères, ce qui la rend irrégulière ;

- le cahier des charges méconnaît les dispositions de l'article L. 1112-1 du code des transports et l'attribution du contrat à un candidat ne respectant pas celles-ci est irrégulière ;

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2017, le département de la Haute-Corse, aux droits duquel vient la collectivité de Corse, représenté par Me E..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Autocars Cortenais en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire et dans le cas où une indemnisation serait octroyée à la société Autocars Cortenais, à ce qu'une expertise soit prescrite afin de déterminer la marge nette bénéficiaire qu'elle aurait réalisée si le marché lui avait été attribué.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Autocars Cortenais sont infondés ;

- faute d'établir que son éviction est irrégulière et qu'elle avait une chance sérieuse d'obtenir le marché, la société Autocars Cortenais n'est pas fondée à demander une indemnité.

Par des mémoires enregistrés le 28 avril 2017, le 23 novembre 2017 et le 26 janvier 2018, la SAS Restonica voyages, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Autocars Cortenais en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Autocars Cortenais sont infondés ;

- en tout état de cause, l'annulation du marché ne s'impose pas si l'un des vices invoqués s'avérait fondé.

Des pièces ont été produites par la collectivité de Corse le 18 avril 2018 et par la société Restonica voyages le 24 avril 2018, n'ont pas été communiquées et n'ont pas été prises en compte.

Par une ordonnance du 22 février 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur ;

- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., pour la société Autocars Cortenais, et de Me F..., représentant la société Restonica voyages.

1. Considérant que le département de la Haute-Corse a, le 22 août 2014, conclu avec la société Restonica voyages un marché public de services portant sur la desserte de la ligne de transport scolaire n° 64 (Tattone-Venaco-Corte) ; que la société Autocars Cortenais, candidat évincé dont le recours contre ce contrat a été rejeté par le tribunal administratif de Bastia, demande l'annulation de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant que le jugement attaqué ne comporte en son point 8 aucun élément de réponse au moyen tiré de l'ambiguïté des documents de consultation en ce qui concerne le nombre de véhicules à mettre à disposition du pouvoir adjudicateur ; que la société Autocars Cortenais est dès lors fondée à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué ; qu'il y a lieu, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Autocars Cortenais devant le tribunal administratif et sur ses conclusions devant la Cour ;

Sur les conclusions à fin de production des pièces relatives à la procédure de passation du marché litigieux :

5. Considérant que le juge administratif est seul maître de l'instruction et n'est pas tenu de prescrire les mesures sollicitées par les parties quand elles ne lui semblent pas nécessaires ; qu'en l'espèce, la Cour s'estimant suffisamment éclairée par les pièces du dossier, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint à la collectivité de Corse de produire l'intégralité des actes de candidature et d'offre de l'attributaire, les motifs précis d'éviction de l'offre de la requérante et de choix de celle de l'attributaire et l'ensemble des documents officiels attestant de la méthodologie mise en oeuvre, de la notation et de l'évaluation des offres ;

Sur les conclusions à fin d'annulation ou de résiliation du contrat :

6. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité ; que si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ; que le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ;

7. Considérant que, saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ; qu'ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat ; qu'en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci ; qu'il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 80 du code des marchés publics alors en vigueur : " I.-1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une procédure formalisée autre que celle prévue au II de l'article 35, le pouvoir adjudicateur, dès qu'il a fait son choix pour une candidature ou une offre, notifie à tous les autres candidats le rejet de leur candidature ou de leur offre, en leur indiquant les motifs de ce rejet. / Cette notification précise le nom de l'attributaire et les motifs qui ont conduit au choix de son offre aux candidats ayant soumis une offre et à ceux n'ayant pas encore eu communication du rejet de leur candidature. (...) " ; qu'aux termes de l'article 83 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat écarté qui n'a pas été destinataire de la notification prévue au 1° du I de l'article 80 les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre dans les quinze jours de la réception d'une demande écrite à cette fin. " ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si le courrier adressé par le département de la Haute-Corse à la société Autocars Cortenais le 16 juillet 2014 se bornait à lui indiquer que son offre avait été rejetée au motif qu'elle avait été classée deuxième avec une note de 69,47/100 tandis que l'offre de la société Restonica voyages avait été classée première avec une note de 100/100, il résulte de l'instruction que la méthode de calcul des notes avait été portée à la connaissance des candidats et permettait la reconstitution des notes obtenues pour chacun des critères de sélection dès lors que le critère " valeur technique " reposait sur une formule liant de manière proportionnelle la note à l'ancienneté des véhicules du candidat ; qu'en conséquence, la société Autocars Cortenais n'est pas fondée à soutenir que ce courrier était insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article 80 du code des marchés publics et que le pouvoir adjudicateur aurait ainsi méconnu cette disposition ;

10. Considérant que la société Autocars Cortenais, qui n'a présenté aucune demande écrite en vue d'obtenir les motifs de rejet de son offre, n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 83 du code des marchés publics ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la procédure de passation menée en 2013 pour le même lot était, ainsi que le soutient d'ailleurs la requérante, irrégulière ; qu'il existait dès lors un motif d'intérêt général suffisant pour que cette procédure soit déclarée sans suite ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision par laquelle le pouvoir adjudicateur a déclaré sans suite cette procédure serait irrégulière ; que la société Autocars Cortenais ne faisant par ailleurs état d'aucun fait de nature à établir que cette décision aurait eu pour objet de favoriser la société Restonica voyages lors de la procédure de passation objet du litige, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'un détournement de procédure ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 4.1 du règlement de consultation du marché : " les candidats ne pourront se positionner que dans la limite de leur nombre de véhicules non engagés sur un autre contrat " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 5 du cahier des clauses techniques particulières : " le matériel roulant mis en oeuvre devra être adapté, en qualité, en capacité et en nombre, aux circuits exploités / (...) 5.2 Etat des véhicules (...) le titulaire devra disposer d'un nombre suffisant de véhicules afin d'assurer la continuité du service lors des opérations immobilisant certains matériels (opérations de maintenance, d'entretien, de contrôle technique...) " ;

13. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qui n'imposent pas un nombre minimum de véhicules, que les candidats à l'attribution du marché en litige devaient être pourvus d'un nombre de véhicules suffisants non engagés sur d'autres lignes pour assurer les liaisons correspondant à la ligne n° 64, et de véhicules permettant de remplacer ceux-ci en cas d'immobilisation ; qu'il ne résulte toutefois pas de ces dispositions que les candidats étaient tenus d'être propriétaires ou d'avoir à leur disposition permanente un ou des véhicules de substitution dans le seul but de pourvoir au remplacement temporaire des véhicules affectés au service et momentanément immobilisés ; que ces dispositions ne comportant aucune ambiguïté de nature à tromper les candidats sur les exigences du pouvoir adjudicateur, la société Autocars Cortenais n'est pas fondée à soutenir que celui-ci aurait entaché la mise en concurrence d'un manquement à son obligation de transparence ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions du III de l'article 53 du code des marchés publics, alors en vigueur : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue " ; qu'aux termes des dispositions du 1° du I de l'article 35 du même code : " Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 4 du règlement de consultation du marché : " chaque candidat aura à produire un dossier complet comprenant les pièces suivantes : (...) pour chaque lot un projet de marché comprenant : / (...) descriptif des véhicules mis à disposition, à dater et à signer, accompagné des pièces demandées pour chaque véhicule mis à disposition : carte d'immatriculation, preuve de contrôle technique, attestation d'assurance " flotte automobile " et " risques tiers et voyageurs transportés " " ;

15. Considérant que le rapport d'analyse des offres établi par l'administration mentionne que l'offre de la société Restonica voyages comportait les certificats d'immatriculation des véhicules qu'elle comptait affecter au service, ainsi que les certificats de contrôle technique et les attestations d'assurance ; que si la société Autocars Cortenais soutient que cette mention est erronée et que le pouvoir adjudicateur a manqué à son obligation de vérifier le contenu de l'offre de l'attributaire, elle ne fait état d'aucun argument, circonstance ou élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause les mentions du rapport d'analyse des offres ; qu'en particulier, la seule production d'une facture pro forma produite par la société Restonica voyages dans le cadre d'une autre procédure de passation n'est pas de nature, à elle seule, à remettre en cause le contenu du rapport d'analyse des offres établi dans le cadre de la procédure d'attribution du marché litigieux ; que ce moyen doit dès lors être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations des articles 1.6 et suivants du cahier des clauses techniques particulières que la ligne n° 64 dessert les communes de Tattone, Venaco et Corte en vue de transporter les élèves fréquentant le lycée et le collège de Corte et que sa fréquentation est de 70 élèves à l'aller comme au retour ; que l'article 5 du même cahier interdisant les véhicules à étage ainsi que les véhicules articulés, les candidats devaient nécessairement proposer au minimum deux véhicules pour assurer le service ; qu'en revanche, ainsi qu'il a été dit au point 12 ci-dessus, il ne résulte nullement du dossier de consultation des entreprises que les candidats auraient été contraints de détenir en permanence au minimum trois véhicules affectés exclusivement à cette ligne pour assurer ce service, la mise en ligne de véhicules de remplacement pour les cas de panne ou d'immobilisation pour entretien pouvant être assurée par d'autres moyens de substitution ; que la société Autocars Cortenais n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'offre de la société Restonica voyages, qui proposait d'affecter deux véhicules au service, était irrégulière ;

17. Considérant que si la société Autocars Cortenais soutient que l'attributaire ne disposait pas d'un nombre de licences de transport suffisant pour assurer le service, elle ne mentionne aucun élément de fait précis de nature à en attester et n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes pour que la Cour soit à même de statuer sur son bien-fondé ; que ce moyen doit dès lors être écarté ;

18. Considérant, en cinquième lieu, que le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics ; que, toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularités si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ; qu'il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation ;

19. Considérant que le département de la Haute-Corse a attribué le marché public litigieux sur le fondement d'un critère tiré du prix des prestations, pondéré à 70 % et de la valeur technique, pondérée à 30 % ; que si la méthode de notation retenue élevait au cube le prix des offres dans le but de maximiser l'écart de note lié à la différence de prix de celles-ci, il résulte de la combinaison de cette méthode de notation et de la pondération des critères que plusieurs configurations d'offres permettaient, en théorie, au candidat n'étant pas le moins-disant d'emporter le marché avec une offre d'une valeur technique supérieure à celle du candidat le moins-disant ; que cette méthode ne conduisait dès lors pas à l'élimination automatique de l'offre la plus onéreuse et n'avait pour effet ni de priver de leur portée les critères de sélection, ni de neutraliser leur pondération, ni de permettre la sélection d'une offre qui ne soit pas économiquement la plus avantageuse ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société Autocars Cortenais, la seule circonstance que la méthode de notation mise en oeuvre par l'acheteur soit susceptible d'aboutir à une différenciation plus grande des candidats sur seulement certains des critères de jugement des offres ne saurait être regardée comme privant ceux-ci de leur portée ou comme neutralisant leur pondération ; qu'il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité de cette méthode de notation doit être écarté ; qu'il en va de même de celui tiré de l'atteinte au principe d'égalité entre les candidats dès lors que la formule non-linéaire de notation des offres ainsi employée avait été annoncée dans le règlement de consultation du marché, autorisant ainsi chaque candidat à adapter son offre aux attentes du pouvoir adjudicateur exprimées notamment par cette méthode de notation ;

20. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1112-1 du code des transports : " Sans préjudice des dispositions particulières applicables au transport aérien intérieur figurant à la sixième partie, les services de transport collectif sont rendus accessibles aux personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 114-4 du code de l'action sociale et des familles, avant le 13 février 2015. / L'accessibilité du service de transport est assurée par l'aménagement des points d'arrêt prioritaires compte tenu de leur fréquentation, des modalités de leur exploitation, de l'organisation des réseaux de transport et des nécessités de desserte suffisante du territoire. Ces critères sont précisés par décret. / Les dispositions relatives à la mise en accessibilité des points d'arrêt du service de transport scolaire sont fixées à l'article L. 3111-7-1 " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3111-7-1 du même code : " Les représentants légaux d'un élève handicapé scolarisé dont le projet personnalisé de scolarisation mentionné à l'article L. 112-2 du code de l'éducation prévoit l'utilisation du réseau de transport scolaire peuvent demander, avec l'appui de l'équipe pluridisciplinaire mentionnée à l'article L. 146-8 du code de l'action sociale et des familles, la mise en accessibilité des points d'arrêt de ce réseau les plus proches de son domicile et de l'établissement scolaire fréquenté. La mise en accessibilité ne peut alors être refusée qu'en cas d'impossibilité technique avérée définie à l'article L. 1112-4. Dans ce cas, un moyen de transport de substitution est organisé. Les autres points d'arrêt à l'usage exclusif du service de transport scolaire ne sont pas soumis à l'obligation d'accessibilité. Du matériel roulant routier accessible est affecté aux lignes dont certains points d'arrêt sont soumis à l'obligation d'accessibilité dans les conditions définies au présent article " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 5.3 du cahier des clauses techniques particulières du marché : " dans le cadre de l'obligation de mise en accessibilité des services à titre principal scolaire (article 45 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances), la prise en charge du transport des enfants dont le handicap est reconnu par la MDPH se fera par un autre moyen de transport " ;

21. Considérant, d'une part, que la société Autocars Cortenais n'établit pas que les véhicules affectés au service par la société Restonica voyages ne seraient pas accessibles ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'offre de celle-ci aurait été inacceptable comme méconnaissant des dispositions impératives ;

22. Considérant, d'autre part, qu'à supposer même que le contrat méconnaisse les dispositions précitées, le vice qui entacherait ainsi ses clauses est insusceptible de léser la requérante dans ses intérêts propres de façon suffisamment directe et certaine ; que le moyen qu'elle soulève sur ce point est dès lors inopérant ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Autocars Cortenais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation ou à la résiliation du contrat litigieux ;

En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :

24. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Autocars Cortenais n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été irrégulièrement évincée de la procédure de passation du marché litigieux ; que ses conclusions indemnitaires ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Autocars Cortenais au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de la collectivité de Corse, venant aux droits du département de la Haute-Corse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Autocars Cortenais une somme de 1 500 euros à verser à ce même titre, respectivement à la collectivité de Corse et à la société Restonica voyages ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1400987 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Autocars Cortenais devant le tribunal administratif de Bastia sont rejetées.

Article 3 : La société Autocars Cortenais versera une somme de 1 500 euros à la collectivité de Corse, venant aux droits du département de la Haute-Corse, et une somme de 1 500 euros à la société Restonica voyages au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Autocars Cortenais, à la société Restonica voyages et à la collectivité de Corse.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2018, où siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,

- M. D... Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juin 2018.

10

N° 16MA04447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04447
Date de la décision : 04/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : PALMIER et ASSOCIÉS CPA CABINETS D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-04;16ma04447 ?
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