Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Roquefort-Les-Pins a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 15 avril 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d'intérêt général le projet d'installation et de stockage de déchets inertes au lieu-dit " La Roque " sur le territoire de la commune de Roquefort-Les-Pins et a mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de cette commune avec ce projet.
Par un jugement n° 1402914 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 août 2016 et 5 octobre 2018, sous le n° 16MA03512, la commune de Roquefort-Les-Pins, représentée par Me C...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 avril 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'incompatibilité de l'arrêté contesté avec la directive territoriale d'aménagement (DTA) des Alpes-Maritimes ;
- le commissaire enquêteur n'a pas rendu un avis personnel et motivé en méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement ;
- l'arrêté contesté est incompatible avec la DTA des Alpes-Maritimes ;
- le projet en litige ne présente pas d'intérêt général ;
- il est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) qui classe le site de la carrière en espace à " dominante activités " ;
- la communauté d'agglomération de Sophia Antipolis (CASA) a déclaré d'intérêt communautaire la zone d'activités à créer sur le site de la carrière.
Par des observations, enregistrées le 24 septembre 2018, l'entreprise Jean Spada demande que soit rejetée la requête présentée par la commune de Roquefort-Les-Pins et, en outre, à ce que la commune de Roquefort-Les-Pins lui verse une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Roquefort-Les-Pins ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Roquefort-Les-Pins ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeD...,
- les conclusions de M.B...,
- et les observations de Me A...représentant la commune de Roquefort-Les-Pins.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Roquefort-Les-Pins relève appel du jugement du 28 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 avril 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a déclaré d'intérêt général le projet d'installation et de stockage de déchets inertes au lieu-dit " La Roque " sur le territoire de la commune de Roquefort-Les-Pins et a mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de cette commune avec ce projet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges après avoir visé les dispositions de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme en vertu desquelles les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale ou, en l'absence de tels schémas, avec les directives territoriales d'aménagement, a relevé que la commune de Roquefort-Les-Pins était couverte par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la communauté d'agglomération de Sophia Antipolis (CASA) approuvé le 5 mai 2008. Ils ont ainsi estimé que la mise en compatibilité, avec le projet litigieux, du plan d'occupation des sols de la commune, approuvé le 10 mai 1986 et révisé partiellement le 26 mars 2002, devait elle-même être compatible avec les orientations générales et les objectifs définis par ce SCOT. Ainsi, le tribunal doit être regardé comme ayant nécessairement répondu au moyen tiré de l'incompatibilité de l'arrêté contesté avec la directive territoriale d'aménagement (DTA) des Alpes-Maritimes. En tout état de cause, il n'était pas tenu de répondre à ce moyen inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public./ Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".
4. Il ressort du rapport d'enquête publique que ce document comporte une première partie intitulée " rapport d'enquête " et une seconde partie comprenant les conclusions et avis du commissaire enquêteur lequel procède à une analyse fonctionnelle de la procédure utilisée, puis de l'intérêt général du projet et de la mise en compatibilité du plan d'occupation des sols (POS). Dans cette partie, le commissaire enquêteur a estimé s'agissant de la procédure qu'il lui apparaissait que le projet rentrait dans les intentions de la loi, que la procédure accélérée utilisée était ad hoc, que le fait que le terrain sur lequel sera construit l'ISDI soit privé n'entachait pas d'erreur la procédure et que le POS pouvait être modifié par une déclaration de projet sans obligation de le transformer en plan local d'urbanisme (PLU). S'il a donné une définition générique de l'intérêt général, il a aussi précisé de manière détaillée les raisons pour lesquelles selon lui la déclaration de projet présentait un tel intérêt au regard de la nature des déchets inertes, de leur quantité produite dans le département et de la situation des autres territoires du département qui n'est pas favorable et des conséquences en l'absence d'un nouveau site. En outre, le commissaire enquêteur a indiqué son avis pour chaque modification envisagée de la mise en compatibilité et proposé cinq recommandations en matière de rédaction de l'article IINaz1, de sécurité, d'installation d'un portique de détection de radioactivité, d'information du public et de la sélection d'autres sites potentiels pour remplir la même fonction. La circonstance, qu'il serait passé sans transition de ses cinq recommandations à la formulation directe de l'avis favorable n'est pas de nature à établir que son avis ne serait pas motivé, d'autant qu'entre les deux, il mentionne une série de considérants écartant les atteintes à l'équilibre du paysage urbain ou environnant, au droit de propriété, à l'économie générale du plan d'occupation des sols et relevant qu'il n'y a pas de modification des zones agricoles et naturelles, ni des espaces boisés classés et que la présente enquête est conforme à la convention d'Aarhus. Il s'en suit que le commissaire enquêteur a émis un avis personnel et motivé, conformément aux dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement.
5. Aux termes de l'article L. 123-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque la réalisation d'un projet public ou privé de travaux, de construction ou d'opération d'aménagement, présentant un caractère d'utilité publique ou d'intérêt général, nécessite une mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme, ce projet peut faire l'objet d'une déclaration d'utilité publique ou, si une déclaration d'utilité publique n'est pas requise, d'une déclaration de projet. / Dans ce cas, l'enquête publique porte à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général du projet et sur la mise en compatibilité du plan qui en est la conséquence. / La déclaration d'utilité publique ou la déclaration de projet d'une opération qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un plan local d'urbanisme ne peut intervenir qu'au terme de la procédure prévue par l'article L. 123-14-2. ".
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation de la déclaration de projet d'intérêt général évalue le gisement de déchets inertes issu des chantiers de bâtiments et travaux publics (BTP) dans le département des Alpes-Maritimes à 1 200 000 tonnes sur la base du plan départemental de gestion des déchets du BTP de juillet 2003. Selon les estimations du nouveau plan établi au mois de janvier 2014, ce gisement est passé, en 2012, à 2 300 000 tonnes par an et devrait atteindre les 3 022 595 tonnes en 2025. Or, le département, ne compte que trois sites localisés à La Gaude, Malaussène et Levens dont les capacités de stockage sont de 422 000 tonnes par an, auxquels il convient d'ajouter les trois carrières de Saint-André, de Gourdon et de La Turbie autorisées à remblayer ce type de matériaux, pour un total de 430 000 tonnes par an mais qui fonctionnent déjà au maximum de leurs capacités autorisées. La circonstance qu'il soit indiqué un tonnage nul de déchets entrant en 2011 pour le site de la Mescla à Malaussène ne démontre pas que cette installation ne recevrait plus de déchets dès lors qu'elle n'est entrée en fonctionnement que depuis le 21 mars 2012. S'il est mentionné pour le site de la Gaude que son tonnage entrant est de 125 070 tonnes pour une capacité restante de 3,2 M de tonnes, sa capacité autorisée n'est que de 140 000 tonnes par an. Quant au site de Levens ouvert depuis le 15 mai 2013, sa capacité n'est que de 32 000 tonnes selon la notice du projet annexée à l'arrêté contesté. Par ailleurs, les capacités de stockage de déchets inertes ne sont que de 150 000 tonnes par an à l'ouest du département des Alpes-Maritimes alors que le déficit en besoin de traitement s'élève, en 2013, à près de 400 000 tonnes par an. Ainsi, l'installation du projet contesté dans le secteur ouest apportera une capacité de stockage supplémentaire de 500 000 tonnes par an sur une durée de vingt-cinq ans.
7. En deuxième lieu, le projet d'installation en litige, tout en luttant contre le phénomène de dépôts non autorisés, permettra de limiter substantiellement les transports de déchets inertes à l'intérieur du département des Alpes-Maritimes et en direction des départements limitrophes, réduisant ainsi localement les émissions polluantes et les nuisances diverses liées à la circulation de poids lourds. Le site de la carrière de La Roque devrait également nécessiter peu d'aménagements pour l'exploitation dès lors qu'il est déjà affecté à l'activité de stockage de déchets. Par ailleurs, le projet en litige permettra d'assurer la réhabilitation paysagère de ce site déjà très endommagé et dont le sol est à nu, par la reconstitution de la zone naturelle grâce à la plantation de 5 200 m2 de merlons constitués de pins, de chênes et d'aulnes micocouliers offrant immédiatement un écran végétal, puis au fur et à mesure à échéance de quatre ans et quinze ans, par la formation progressive de talus comprenant ces mêmes arbres sur 15 500 m2 puis 29 000 m2.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas du préambule de la déclaration de projet que cette opération ait pour objectif de contourner le jugement du tribunal du 28 décembre 2012 alors qu'elle emporte approbation de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Roquefort-Les-Pins avec l'opération envisagée. En outre, la requérante n'établit pas que le chiffre de 75 % de traitement des déchets par le projet en litige serait excessif en se bornant à soutenir qu'il doit être relativisé dès lors que, par la procédure contestée, l'Etat prête son concours au soutien d'intérêts uniquement privés. Sur ce point, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération en litige aurait pour objet de satisfaire de tels intérêts dont ceux de l'entreprise Jean Spada.
9. Ainsi, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que le préfet des Alpes-Maritimes a pu légalement estimer que le projet d'installation et de stockage de déchets inertes au lieu-dit " La Roque " présentait un caractère d'intérêt général.
10. Il ressort de l'extrait du document d'orientations générales du SCOT de la communauté d'agglomération de Sophia Antipolis relatifs aux activités qu'il préconise de restructurer et de créer des zones facilement accessibles qui seront, en grande partie, affectées aux activités artisanales et industrielles compte tenu de la difficulté à trouver des terrains à des prix abordables. Ce document précise qu'ainsi des capacités d'accueil nouvelles doivent être dégagées dans des zones nouvelles, stratégiques pour l'implantation des activités artisanales et industrielles principalement la carrière de la Roque à Roquefort-Les-Pins, où des activités liées à la haute technologie sont également envisageables. L'installation de stockage de déchets inertes qui correspond à une activité industrielle n'est dès lors pas incompatible avec ce document. Elle n'est pas davantage contraire à la délibération du 13 octobre 2008 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Sophia Antipolis a décidé de déclarer d'intérêt communautaire le secteur de la carrière de la Roque et d'engager un processus opérationnel visant à la mise en oeuvre de la zone d'activités de la Roque en faisant appel au service de l'EFP PACA, d'autant qu'elle prévoit aussi la réalisation de sept plateformes d'une surface totale de 61 500 m2 pour la création d'une zone d'activités.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Roquefort-Les-Pins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 15 avril 2014.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que la commune de Roquefort-Les-Pins demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par la SA entreprise Jean Spada, qui, dans la présente instance, a la qualité d'observateur et non celle de partie au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Roquefort-Les-Pins est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SA entreprise Jean Spada présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roquefort-Les-Pins et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée à la SA entreprise Jean Spada.
Délibéré après l'audience du 22 février 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 8 mars 2019.
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N° 16MA03512
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