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09/04/2018 | FRANCE | N°16MA01770

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 avril 2018, 16MA01770


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mai et 13 juillet 2016 sous le numéro 16MA01770, l'association En toute franchise, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 21 janvier 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la SARL Carré d'Or Distribution et à la SAS Kafrembo à étendre la surface de vente d'un supermarché Carrefour Market et d'une galerie marchande ainsi qu'à créer un point permanent de retrait des achats par la clientèle dans l'ensemble commerci

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2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 6 mai et 13 juillet 2016 sous le numéro 16MA01770, l'association En toute franchise, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 21 janvier 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la SARL Carré d'Or Distribution et à la SAS Kafrembo à étendre la surface de vente d'un supermarché Carrefour Market et d'une galerie marchande ainsi qu'à créer un point permanent de retrait des achats par la clientèle dans l'ensemble commercial du Jet d'eau à Allauch ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir contre la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial en tant qu'association En toute franchise Bouches-du-Rhône ;

- les pétitionnaires ont obtenu par fraude un permis de construire sans autorisation d'exploitation commerciale pour un bâtiment permettant dès l'origine d'accueillir les extensions de surface de vente du supermarché et de la galerie ;

- l'appréciation du projet par la commission est nécessairement faussée par cette manoeuvre ;

- les commissions départementale et nationale d'aménagement commercial devaient se regarder comme saisies d'une demande de création et non d'une simple demande d'extension d'ensemble commercial, et ne pouvaient que la rejeter ;

- le projet est incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale ;

- le document d'aménagement commercial préconise pour la commune d'Allauch la préservation du centre-ville et du pôle de proximité de Canton Vert ;

- l'autorisation contestée ne contribue pas à la préservation des centres urbains contrairement au critère fixé par l'article L. 752-6 3° b) du code de commerce ;

- le projet pris dans son ensemble entraîne l'imperméabilisation des sols et nuit à la consommation économe de l'espace ;

- le dossier de demande n'apporte aucune information sur ce point en présentant artificiellement le projet comme une extension par elle-même sans impact.

La Commission nationale d'aménagement commercial a produit le 5 août 2016 diverses pièces relatives à l'instruction préalable à l'autorisation contestée.

Par des mémoires enregistrés les 13 juin et 30 novembre 2016, les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo, représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association En toute franchise une somme de 6 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le champ géographique trop large de l'association En toute franchise Provence-Alpes-Côte d'Azur ne lui confère pas d'intérêt pour demander l'annulation de l'autorisation d'exploitation commerciale ;

- aucun des moyens invoqués contre l'autorisation contestée n'est fondé.

Des pièces complémentaires ont été produites le 14 mars 2018 par les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bocquet, président de la 5e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- les observations de Me C... représentant l'association En toute franchise, et celles de Me A... représentant les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo.

Une note en délibéré présentée par l'association En toute franchise a été enregistrée le 27 mars 2018.

Une note en délibéré présentée par les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo a été enregistrée le 29 mars 2018.

1. Considérant que les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo ont demandé à la commission départementale d'aménagement commercial des Bouches-du-Rhône le 24 juillet 2015 une autorisation d'exploitation commerciale en vue d'étendre l'ensemble commercial du Jet d'eau situé à Allauch, d'une surface de vente de 999 mètres carrés, par l'augmentation de 640 mètres carrés de la surface de vente d'un supermarché de l'enseigne Carrefour Market et de 311 mètres carrés de la galerie marchande, ainsi que la création d'un point de retrait des marchandises par les véhicules de deux pistes ; que par une décision du 15 septembre 2015, la commission départementale a refusé l'autorisation demandée ; qu'à la suite du recours formé par les sociétés pétitionnaires contre ce refus, la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé le projet par une décision du 21 janvier 2016 se substituant à la précédente ; que l'association En toute franchise demande à la Cour statuant en premier et dernier ressort d'annuler cette autorisation ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à l'association :

2. Considérant qu'il résulte des termes de la requête que celle-ci a été présentée par l'association En toute franchise département des Bouches-du-Rhône ; que celle-ci a, au demeurant, joint à son mémoire introductif d'instance un exemplaire de ses statuts modifiés le 8 novembre 2013 qui prévoient qu'elle a pour objet de représenter et de défendre les intérêts des commerçants indépendants dans le cadre d'actions juridictionnelles relatives à des décisions d'aménagement commercial concernant le département des Bouches-du-Rhône ; qu'elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision attaquée ; que la seule circonstance que le conseil de l'association ait indiqué, par erreur, en tête de la requête le numéro d'enregistrement en préfecture de l'association distincte " En toute franchise Provence Alpes Côte d'Azur " demeure sans influence sur l'identité de la requérante ; que les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo ne sont dès lors pas fondées à soutenir que celle-ci serait dépourvue d'intérêt à agir en raison de son champ géographique régional ;

Sur la légalité de l'autorisation d'exploitation commerciale du 21 janvier 2016 :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : (...) 2° L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ayant déjà atteint le seuil des 1 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet. (...) 4° la création d'un ensemble commercial tel que défini à l'article L. 752- 3 et dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 mètres carrés " ; qu'en vertu du I de l'article L. 752-3 du même code, sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins réunis sur un même site qui ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier réalisée en une ou plusieurs tranches ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'articles L. 752-6 du code de commerce : " I.- (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports (...) " ;

5. Considérant que les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo ont créé le centre commercial du Jet d'eau en vertu d'un permis de construire non précédé d'une autorisation d'exploitation commerciale, délivré le 4 juillet 2013 par le maire d'Allauch pour un projet de supermarché et de galerie marchande prévoyant une surface de vente totale de 999 mètres carrés mais comportant d'importantes surfaces supplémentaires tant au rez-de-chaussée affecté au supermarché qu'au premier niveau abritant des boutiques ; que l'ensemble commercial a ouvert le 28 avril 2015 ; que, dès le 24 juillet 2015, les deux sociétés ont déposé une demande d'autorisation d'extension auprès de la commission départementale d'aménagement commercial afin de doubler sa surface de vente totale en étendant celle du supermarché de 640 mètres carrés et celle de la galerie marchande de 311 mètres carrés, sans nécessité d'aucun travaux de construction ou d'aménagements extérieurs supplémentaires à l'exception de la création d'un point de retrait par les véhicules ou " drive " de deux pistes ; que les services de la direction départementale des territoires et de la mer ont au demeurant relevé dans leur rapport d'instruction devant la commission départementale, repris par l'avis du ministre chargé de l'urbanisme du 19 janvier 2016, que " le bâtiment est déjà entièrement construit pour pouvoir fonctionner sur une surface de vente beaucoup plus importante " et que " le projet n'intègre en réalité aucune extension effective " ; que les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo n'apportent au dossier aucun élément probant à l'appui de leur allégation selon laquelle le projet n'avait pas déjà été conçu dans sa globalité antérieurement à la demande d'extension ; que la seule mention par la demande du développement continu du quartier en termes de logements et d'accès ne saurait justifier le fractionnement du projet au regard de la législation relative à l'aménagement commercial, dans les circonstances déjà rappelées ; que, dans ces conditions, l'association requérante est fondée à soutenir que le projet ne pouvait être présenté comme l'extension d'un ensemble commercial existant alors qu'il s'agissait d'un unique projet d'ensemble commercial soumis à autorisation en application du 4° de l'article L. 752-1 du code de commerce pour l'intégralité de sa surface de vente ;

6. Considérant qu'il résulte tant des termes de la décision attaquée que des autres pièces du dossier que la présentation fractionnée du projet a été, en l'espèce, de nature à fausser l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial ; que celle-ci a ainsi notamment relevé à l'appui de sa décision que " le projet d'extension de 951 m² de la surface de vente de l'ensemble commercial du " Jet d'eau " n'aura pas un impact significatif sur l'attractivité de l'agglomération et sur les équilibres commerciaux existants ; que l'extension sera réalisée sur les réserves existantes et ne nécessitera pas de construction nouvelle ", et que " l'extension de l'ensemble commercial ne générera qu'une augmentation limitée des flux supplémentaires ", sans examiner par conséquent les effets du projet dans sa globalité en matière de localisation, d'intégration et d'animation de la vie urbaine ainsi que le requiert l'article L. 752-6 du code de commerce ; que, par suite, la décision d'autorisation est entachée d'illégalité de ce fait ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle invoque, l'association En toute franchise est fondée à demander l'annulation de la décision du 21 janvier 2016 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé le projet présenté par les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association En toute franchise qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demandent les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à l'association En toute franchise en application des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 21 janvier 2016 autorisant le projet d'extension de l'ensemble commercial du Jet d'eau sur le territoire de la commune d'Allauch présenté par les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo est annulée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à l'association En toute franchise en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par les sociétés Carré d'Or Distribution et Kafrembo en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association En toute franchise département des Bouches-du-Rhône, à la Commission nationale d'aménagement commercial, au ministre de l'économie et des finances, à la société Carré d'Or Distribution et à la société Kafrembo.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2018, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

-Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 avril 2018.

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N° 16MA01770


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