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05/12/2017 | FRANCE | N°16LY00090

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2017, 16LY00090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise sur sa demande du 1er septembre 2012 tendant à la rémunération de deux-cent vingt-huit heures de trajet au titre des années scolaires 2010-2011 et 2011-2012 et à la modification de son contrat d'engagement pour intégrer ses temps de déplacement, de condamner cet établissement public de coopération intercommuna

le à lui payer la somme de 5 622 euros avec intérêts au taux légal correspond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise sur sa demande du 1er septembre 2012 tendant à la rémunération de deux-cent vingt-huit heures de trajet au titre des années scolaires 2010-2011 et 2011-2012 et à la modification de son contrat d'engagement pour intégrer ses temps de déplacement, de condamner cet établissement public de coopération intercommunale à lui payer la somme de 5 622 euros avec intérêts au taux légal correspondant à la rémunération de trois-cent vingt-cinq heures de trajet entre les divers sites de l'école de musique intercommunale au titre des années scolaires 2010-2011, 2011-2012 et 2012-2013, d'enjoindre sous astreinte au président du même établissement public de modifier son contrat d'engagement pour y intégrer les heures supplémentaires de trajet entre Bourg-Saint-Maurice, Val d'Isère et Tignes et de mettre à la charge de la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1303237 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise à payer à M. B... une somme de 2 896,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2013 et une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2016, la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise, représentée par la SELARL CDMF Avocats Affaires publiques, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement n° 1303237 du 10 novembre 2015 en tant que le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à payer à M. B... une somme de 2 896,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2013 ;

2°) de ramener à la somme de 186 euros le montant de la rémunération due à M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que les juges de première instance ont considéré que le siège de la communauté de communes situé à Bourg-Saint-Maurice constituait un lieu de travail pour M. B..., dès lors que le lieu d'exercice de son activité d'enseignement se situe exclusivement à Val d'Isère ou à Tignes, l'intéressé passant avant son premier cours au siège uniquement pour récupérer les clés du véhicule de service mis à sa disposition et sans y exercer la moindre activité et sans y être contraint par sa hiérarchie ; le passage de l'agent au siège n'est pas imposé au titre d'un lieu de travail mais résulte de son choix de bénéficier de la mise à disposition du véhicule de service, avantage en nature accordé par la collectivité publique ; seul le temps de trajet de Val d'Isère à Tignes de dix-huit minutes sur trente-six semaines de l'année scolaire 2010-2011, soit une durée totale de dix heures et quarante minutes, peut être rémunéré à hauteur de la somme de 186 euros correspondant à un taux horaire de 17,30 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2016, M. A... B..., représenté par Me Bacha, avocate, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident et à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au président de la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de liquider, pour les années scolaires 2010-2011, 2011-2012 et 2012-2013, la rémunération qui lui est due au titre de 167,40 heures de trajet entre les sites d'enseignement de l'école de musique ;

3°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- depuis son recrutement par la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise, il a toujours exercé ses fonctions de professeur de clarinette sur le site principal de Bourg-Saint-Maurice, outre pour certaines années sur les site de Val d'Isère et de Tignes ; si les trajets entre son domicile et les locaux de l'école de musique à Bourg-Saint-Maurice sont des trajets domicile-travail non payables, ceux entre Bourg-Saint-Maurice et les lieux d'enseignement de Val d'Isère et de Tignes constituent un temps de travail effectif devant être rémunéré ;

- le refus de considérer le temps de déplacement entre les locaux principaux de l'école de musique à Bourg-Saint-Maurice et les sites d'enseignement à Tignes et à Val d'Isère comme du temps de travail effectif entraîne une rupture d'égalité entre enseignants de l'école de musique, dès lors que certains dispensent l'ensemble de leurs cours dans les locaux principaux et que d'autres sont contraints d'effectuer un ou plusieurs déplacements dans la semaine vers ces sites annexes ; seule la prise en compte du temps de déplacement vers ces sites permet de garantir l'égalité entre tous les enseignants de l'école de musique intercommunale.

Un mémoire, enregistré le 24 novembre 2016 et présenté pour la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 modifié relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur,

- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,

- et les observations de Me Marais, avocat (SELARL CDMF Avocats Affaires publiques), pour la Communauté de communes de Haute Tarentaise ainsi que celles de Me Bacha, avocate, pour M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2017 et présentée pour M. B... ;

1. Considérant que la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise, devenue la Communauté de communes de Haute Tarentaise au 1er janvier 2017, relève appel du jugement n° 1303237 du 10 novembre 2015 en tant que le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à payer à M. B..., agent non titulaire à temps non complet recruté par contrat à durée indéterminée en qualité d'enseignant à l'école de musique intercommunale, une somme de 2 896,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2013, correspondant à la rémunération de 167,40 heures de trajet entre les divers sites de l'école de musique au titre des années scolaires 2010-2011, 2011-2012 et 2012-2013 ; que, par la voie de l'appel incident, M. B... demande qu'il soit enjoint au président de la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de liquider, pour les mêmes années scolaires, la rémunération qui lui est due au titre de 167,40 heures de trajet entre les sites d'enseignement de l'école de musique ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'État, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. / Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du premier alinéa. (...) " ; que selon l'article 1er du décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail applicables aux agents des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant sont déterminées dans les conditions prévues par le décret du 25 août 2000 susvisé sous réserve des dispositions suivantes. " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 modifié relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'État et dans la magistrature : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. " ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne qualifie de temps de travail effectif la durée du déplacement accompli par un agent public pour gagner, à partir de son domicile, le lieu d'exercice de son activité professionnelle ;

3. Considérant, d'une part, qu'il est constant que, durant les années scolaires 2011-2012 et 2012-2013, M. B... enseignait chaque vendredi sur le site de Val d'Isère de l'école de musique intercommunale et que, pour se rendre sur ce site, il utilisait, à partir de Bourg-Saint-Maurice, le véhicule de service mis à sa disposition par la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise, qu'il récupérait au siège de l'école de musique intercommunale situé à Bourg-Saint-Maurice ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel qu'il dispensait d'autres cours chaque vendredi de ces mêmes années scolaires ; qu'ainsi, son unique lieu de travail chaque vendredi de ces années scolaires était le site de Val d'Isère ; qu'il est constant que l'utilisation du véhicule de service entre Bourg-Saint-Maurice et Val d'Isère résulte du choix de l'agent de mettre en oeuvre une faculté proposée par l'autorité territoriale et non d'une contrainte imposée par cette dernière ; que, dans ces conditions, M. B... ne saurait être regardé comme étant à la disposition de son administration durant lesdits trajets entre Bourg-Saint-Maurice et Val d'Isère, lesquels, à défaut de cours dispensés par lui ailleurs qu'à Val d'Isère chaque vendredi des années scolaires 2011-2012 et 2012-2013, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne consistaient pas à rallier deux lieux de travail mais constituaient la poursuite de ses déplacements accomplis par l'intéressé pour gagner, à partir de son domicile, situé sur le territoire de la commune de Chambéry, le lieu unique d'exercice de son activité professionnelle chaque vendredi des années scolaires 201-2012 et 2012-2013 ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que, durant l'année scolaire 2010-2011, M. B... enseignait chaque vendredi sur le site de Tignes pendant trente minutes, puis sur le site de Val d'Isère pendant une heure et quinze minutes et que, pour se rendre sur ces deux sites de l'école de musique intercommunale, il utilisait le véhicule de service mis à sa disposition par la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise, qu'il récupérait au siège de l'école de musique intercommunale situé à Bourg-Saint-Maurice ; que, s'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la durée des trajets de Bourg-Saint-Maurice à Tignes puis de Val d'Isère à Bourg-Saint-Maurice effectués ainsi chaque vendredi ne constituait pas du temps de travail effectif, il est constant que le temps laissé à M. B... à la fin de son premier service à Tignes pour se rendre de son premier à son second lieu de travail à Val d'Isère était intégralement consacré à son trajet, sans qu'il pût vaquer librement à des occupations personnelles ; que, dans ces conditions, l'intéressé était, durant cette période, à la disposition de son employeur ; que ce temps de trajet de Tignes à Val d'Isère, d'une durée non contestée par l'intimé de dix-huit minutes et effectué chaque vendredi sur trente-six semaines de périodes scolaires de l'année 2010-2011, devait, par conséquent, être regardé comme du temps de travail effectif ; que, par suite, et compte tenu d'un taux horaire non contesté de 17,30 euros, ce temps de trajet d'une durée cumulée de six-cent quarante-huit minutes au cours de l'année scolaire 2010-2011 doit être rémunéré à hauteur de la somme de 186,84 euros ;

5. Considérant, enfin, que le principe d'égalité de traitement n'est susceptible de s'appliquer, s'agissant d'agents publics, qu'entre fonctionnaires d'un même corps ou entre agents non-titulaires soumis au même régime juridique ; qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que les autres enseignants de l'école de musique intercommunale de la Haute Tarentaise recrutés par contrat ne puissent être amenés à se déplacer sur l'ensemble du territoire du canton de Bourg-Saint-Maurice, comme peut l'être M. B... en vertu de l'article 6 de son contrat de recrutement du 30 août 2007 ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que l'absence de prise en compte comme temps de travail effectif du temps de déplacement entre les locaux principaux de l'école de musique à Bourg-Saint-Maurice et les sites d'enseignement à Tignes et à Val d'Isère entraînerait une rupture d'égalité entre les enseignants de l'école de musique intercommunale dispensant l'ensemble de leurs cours dans les locaux principaux et les enseignants contraints d'effectuer un ou plusieurs déplacements dans la semaine vers ces sites annexes ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à payer à M. B... une somme de 2 896,02 euros au titre de la rémunération d'heures de trajet entre les divers sites de l'école de musique au cours des années scolaires 2010-2011, 2011-2012 et 2012-2013 ; qu'il convient de ramener cette somme à 186,84 euros ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions d'appel incident de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au président de cette communauté de communes de liquider, pour les mêmes années scolaires 2010-2011, 2011-2012 et 2012-2013, la rémunération qui lui serait due au titre de 167,40 heures de trajet entre les sites d'enseignement de l'école de musique ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. B... soit mise à la charge de ladite communauté de communes, qui n'est pas la partie perdante ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 2 896,02 euros que la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise a été condamnée à verser à M. B... par le jugement n° 1303237 du 10 novembre 2015 du tribunal administratif de Grenoble est ramenée à 186,84 euros (cent quatre-vingt-six euros et quatre-vingt-quatre centimes).

Article 2 : Le jugement précité du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la Maison de l'intercommunalité de Haute Tarentaise et les conclusions présentées par M. B... devant la cour sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Communauté de communes de Haute Tarentaise et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Hervé Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,

M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2017.

4

N° 16LY00090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00090
Date de la décision : 05/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Questions d'ordre général.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Exécution du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-05;16ly00090 ?
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